Parole aux artistes, Amnay Abdelhadi : les artistes de la marge sont exclus de tout appui institutionnel


Propos recueillis par Mustapha Elouizi
Vendredi 25 Mai 2018

Il est très important d’ouvrir grandes les portes de la contribution aux artistes, en leur permettant de s’exprimer sur des questions d’ordre public ! Leur regard est certes singulier et leur manière d’évaluer est libérée des a priori, en général, ce qui donne à leurs propos une valeur essentielle à la critique publique.
Il avait 13 ans quand Amnay, surnom artistique d’Abdelhadi … met la main sur une guitare électrique sans cordes ! Il en est tombé amoureux. Il a ainsi utilisé des fils de freins, à la place des cordes, jouant malgré tout ses premières mélodies, imitant à la fois Idir, Malal, Matoub et autres ! Mais bientôt, tout passionné qu’il est, il parvient à chanter sa première chanson «Tilelli».
A 37 ans, il a déjà fait des tournées en Europe et aux Etats-Unis. Mais le public marocain n’a pas encore rencontré
cet artiste pas comme les autres. Entretien.



Libé : Quel rôle devrait jouer aujourd’hui l’artiste dans la vie publique ?
Amnay Abdelhadi : Un artiste est un citoyen avant tout. Son appartenance à un milieu social, à un environnement, influence forcément sa création et ses œuvres artistiques. En tant qu’artiste engagé, je suis intimement convaincu que le rôle d’un artiste est d’attirer l’attention sur des causes qui lui tiennent à cœur. Ce qui peut d’ailleurs conduire à changer les choses.  

Les politiques publiques aident-elles les artistes à saisir des opportunités en matière de création ?
De nombreux fonds gouvernementaux sont consacrés à la création artistique. Comme, par exemple, l’appel d’offres du ministère de la Culture destiné à la création, à la production et à la distribution musicale. Mais, il y a un manque d’information concernant ces initiatives… Tous les artistes n’ont pas accès aux informations et ce sont souvent ceux basés à Rabat, Casablanca, Fès et les grandes villes qui en profitent le plus. Dans ce sens, nous nous interrogeons : « Faut-il habiter « le centre » pour bénéficier des aides et subventions » ?

Quels sont les moyens à même de transformer les espaces publics en endroits artistiques ?
Je pense que cela peut être réalisé à condition que les autorités concernées puissent assurer aux artistes une protection légale, et leur accorder les autorisations nécessaires pour faire des espaces publics un lieu de performance. Comme le font les communes en France ou aux Etats-Unis par exemple. Ainsi, les artistes pourront se produire dans l’espace public, exposer leurs créations et toucher le plus grand nombre. C’est ce qui se fait d’ailleurs à Marrakech, dans la fameuse place Jamaa El Fna où toutes les formations artistiques marocaines se côtoient et attirent un public international !

L’art est au service de la société, mais aussi au service de la région. Que faites-vous pour faire connaître votre région ?
Je suis né à la Vallée des roses, à Kelaa Mgouna. J’ai toujours pris soin de représenter ma région de la meilleure façon possible. J’en parle d’ailleurs dans mes chansons, qui ne racontent pas seulement la beauté de ma région au printemps… J’y évoque aussi la misère et le malheur de ses habitants face à des politiques publiques sans impact, voire inappropriées… Le développement s’avère ainsi être un objectif constamment reporté. Je pense qu’aujourd’hui, j’ai réussi plus ou moins à diffuser ces idées, tant au niveau national qu’international.

L’industrialisation de la culture sert-elle vraiment l’action artistique, ou au contraire, la réduit-elle à une marchandise consommable et éphémère ?
Il faut d’abord s’interroger sur les objectifs et motivations des différents intervenants derrière une telle industrialisation. Le font-ils pour augmenter le nombre de gens qui s’intéressent à la culture ? Pour améliorer la qualité des prestations ? Pour augmenter le chiffre d’affaires des revenus du secteur culturel ? Si l’unique objectif derrière l’industrialisation est d’augmenter les profits, alors oui, la qualité des œuvres sera bien évidemment remise en cause.

De quelle nature est votre présence sur les réseaux sociaux (personnelle, professionnelle, les deux) ?
J’utilise les réseaux sociaux pour des raisons à la fois personnelles et professionnelles. D’abord, pour être en contact avec mon public et lui faire part de mes projets à venir mais aussi pour recevoir ses critiques et encouragements, qui me poussent à continuer. Internet est une alternative aux médias publics plutôt monopolisés, les artistes y trouvent plus de liberté pour s’exprimer.  

Quel est votre dernier travail artistique ?
Mon dernier album “Tarwa n-Idurar”, sorti en 2013, est un hommage aux enfants des montagnes. Cet album m’a permis d’exporter ma musique à l’échelle internationale, notamment en France et aux Etats-Unis.
Ma tournée là-bas m’a aussi fait rencontrer d’autres artistes, avec qui je compte réaliser un album bientôt. Un album pour revaloriser les chants oraux amazighs sur fond d’une musique moderne.

Comment réagissez-vous aux questions de l’opinion publique ?
C’est très simple, je suis franc. Je dis ce que je pense et non ce que les autres veulent bien entendre.


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1.Posté par Aziz Kouri le 25/05/2018 00:27 (depuis mobile)
Good Luck Our Anazur ♡

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