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Lorsqu’on regarde un peu la réalité qui nous entoure, on ne peut ne pas réfléchir sur des concepts qu’on prétend être faciles. Parmi ces concepts beaucoup usités sans connaître leur véritable essence, il y a celui de la frontière. Réfléchir en effet sur ce concept, c’est essayer de comprendre d’abord son essence et son utilité dans un monde sans frontière ou du moins un monde qui prétend l’union entre les nations. Cette réflexion s’appuie sur l’essai de Régis Debray : « Eloge des frontières » publié en 2010 aux éditions Gallimard. Il y est question de traiter du concept de la frontière et de ses enjeux. Mais d’abord qu’est-ce qu’une frontière ? Dresser une frontière, est-ce établir une exclusion ? Quelle différence existe-t-il entre mur et frontière ? Affaire d’institution chez l’homme, la frontière est au cœur de l’Histoire de l’humanité : elle est vieille comme l’humanité du moment qu’elle nomme des territoires et des empires. Dans son petit essai, Régis Debray précise dès l’abord que la frontière est une affaire intellectuelle et morale et qu’elle existe par nature. Ce sont à l’époque les rivières et les forêts qui tracent le territoire d’un pays, c’est-à-dire séparer une zone géographique d’une autre. D’ailleurs, la frontière (d’ordre biologique et naturel) existe aussi dans le monde animalier. Culturellement, la religion dresse des frontières, car le terme sacré vient du terme latin « sacire » qui veut dire délimiter et interdire. Le sacré est une forme de séparation tout comme la frontière. Cette séparation permet paradoxalement une certaine reconnaissance. Les textes fondateurs mettent la frontière au premier plan. La Genèse, par exemple, dit que Dieu a créé certes le monde par la parole (Fiat lux) mais aussi par la séparation (Séparer la lumière d'avec les ténèbres, séparer le ciel de la terre, etc.). A cet égard, les peuples établissent également un rapport émotionnel avec le sacré/la frontière et ont tendance à garder leur spécificité culturelle et religieuse. D’où cette réflexion sur la frontière pour empêcher le piège du mur qui bloque cet aller-retour entre les cultures. Les gens ont besoin d’appartenance à un espace et à une mémoire, c’est-à-dire avoir une référence. Debray lutte alors contre les utopistes (étymologiquement, le terme signifie «sans lieu») qui détestent la frontière.
Selon le médiologue Régis Debray, le refus de la frontière est un refus de la paix et une véritable affirmation de la guerre. De plus, il considère la mondialisation comme une balkanisation et une source d’angoisse. En outre, l’abolition des frontières par la globalisation techno-économique crée un vide d’appartenance et un vertige d’anonymat. Ce qui crée une union sans solidarité comme l’a attesté le virus Covid-19 qui frappe actuellement le monde. La non-solidarité entre les nations dévoile cette mondialisation formaliste dont souffre le monde et qui prétend avoir aboli toutes les frontières. Limite nécessaire à la perpétuation de la vie, la frontière n’est pas une exclusion mais une garante de la diversité du monde et de la mémoire symbolique de chaque peuple, car là où il n’y a pas de frontière, il y a la guerre. L’absence de frontière déclenche la guerre comme en témoigne, selon le même auteur, le conflit palestino-israélien qui est dû à l’absence de frontière. Ainsi, Debray remarque nettement que : « Quand deux peuples voisins font la paix, ils fixent avant toute autre chose la frontière entre eux. » (76)
Debray fait l’éloge de la frontière et considère que chaque culture a son style de clôture, c’est-à-dire son originalité : la frontière représente une « assurance-vie ». Ce n’est pas un nationalisme mais une ouverture dont le but est de respecter la spécificité de chaque culture. Toute culture doit apprendre à faire la sourde oreille, à s’abriter derrière un quant-à-soi. Cependant, Debray précise que « toute frontière, comme le médicament, est remède et poison. Et donc affaire de dosage » (79-80). Dans ce sens, la frontière est une gardienne de l’originalité et un catalyseur de l’échange fructueux entre les cultures à condition d’une bonne gestion.
A suivre Debray, la frontière est un « vaccin contre l’épidémie des murs, un remède à l’indifférence». D’ailleurs, il établit une différence entre frontière et mur. « Le mur, dit-il, interdit le passage ; la frontière le régule. Dire d’une frontière qu’elle est une passoire, c’est lui rendre son dû : elle est là pour filtrer. » (37) Le mur bloque le passage et le va-et-vient entre les peuples/cultures alors que la frontière, reconnaissance de l’autre et condition ontologique nécessaire, préserve les valeurs culturelles d’un peuple. Bref, la frontière est une maintenance de la différence et, ipso facto, elle est une forme singulière du cosmopolitisme. La frontière n’est pas alors une fermeture angoissante mais une définition de soi permettant la définition de l’autre. En l’absence de cette définition, le soi se perd dans le labyrinthe du doute d’appartenance : «Quand on ne sait plus qui l’on est, déclare Debray, on est mal avec tout le monde» (52). De ce fait, la frontière sert à faire corps du fait qu’elle « rend égales (tant soit peu) des puissances inégales. Le prédateur déteste le rempart ; la proie aime bien» (69). Debray s’insurge contre le sans-frontiérisme qui excelle à blanchir ses crimes. Au contraire, la frontière, gardienne du caractère propre, est un « remède au nombrilisme, école de modestie, aphrodisiaque léger, pousse-au-rêve ». C’est surtout un facteur de paix. L’éloge des frontières n’est pas un éloge du nationalisme réducteur mais un éloge de la pluralité et de la réciprocité. C’est une séparation favorisant l’hospitalité envers l’autre, car un monde sans frontière est un monde confus qui baigne dans l’imbroglio. L’auteur du « Moment fraternité » (Gallimard, 2009) lutte contre l’uniformisation du monde et considère la frontière, nécessité protectrice, comme une organisation du monde permettant la perpétuation de la mémoire symbolique de chaque peuple. Son essai « Eloge des frontières » est un manifeste pour la pluralité du monde. La situation alarmante du monde aujourd’hui à cause de la propagation de la pandémie internationale et à cause des guerres frontalières invite tout le monde à lancer un débat sérieux sur la question de la frontière comme étant un facteur sine qua non de la sécurité et de la paix.
Selon le médiologue Régis Debray, le refus de la frontière est un refus de la paix et une véritable affirmation de la guerre. De plus, il considère la mondialisation comme une balkanisation et une source d’angoisse. En outre, l’abolition des frontières par la globalisation techno-économique crée un vide d’appartenance et un vertige d’anonymat. Ce qui crée une union sans solidarité comme l’a attesté le virus Covid-19 qui frappe actuellement le monde. La non-solidarité entre les nations dévoile cette mondialisation formaliste dont souffre le monde et qui prétend avoir aboli toutes les frontières. Limite nécessaire à la perpétuation de la vie, la frontière n’est pas une exclusion mais une garante de la diversité du monde et de la mémoire symbolique de chaque peuple, car là où il n’y a pas de frontière, il y a la guerre. L’absence de frontière déclenche la guerre comme en témoigne, selon le même auteur, le conflit palestino-israélien qui est dû à l’absence de frontière. Ainsi, Debray remarque nettement que : « Quand deux peuples voisins font la paix, ils fixent avant toute autre chose la frontière entre eux. » (76)
Debray fait l’éloge de la frontière et considère que chaque culture a son style de clôture, c’est-à-dire son originalité : la frontière représente une « assurance-vie ». Ce n’est pas un nationalisme mais une ouverture dont le but est de respecter la spécificité de chaque culture. Toute culture doit apprendre à faire la sourde oreille, à s’abriter derrière un quant-à-soi. Cependant, Debray précise que « toute frontière, comme le médicament, est remède et poison. Et donc affaire de dosage » (79-80). Dans ce sens, la frontière est une gardienne de l’originalité et un catalyseur de l’échange fructueux entre les cultures à condition d’une bonne gestion.
A suivre Debray, la frontière est un « vaccin contre l’épidémie des murs, un remède à l’indifférence». D’ailleurs, il établit une différence entre frontière et mur. « Le mur, dit-il, interdit le passage ; la frontière le régule. Dire d’une frontière qu’elle est une passoire, c’est lui rendre son dû : elle est là pour filtrer. » (37) Le mur bloque le passage et le va-et-vient entre les peuples/cultures alors que la frontière, reconnaissance de l’autre et condition ontologique nécessaire, préserve les valeurs culturelles d’un peuple. Bref, la frontière est une maintenance de la différence et, ipso facto, elle est une forme singulière du cosmopolitisme. La frontière n’est pas alors une fermeture angoissante mais une définition de soi permettant la définition de l’autre. En l’absence de cette définition, le soi se perd dans le labyrinthe du doute d’appartenance : «Quand on ne sait plus qui l’on est, déclare Debray, on est mal avec tout le monde» (52). De ce fait, la frontière sert à faire corps du fait qu’elle « rend égales (tant soit peu) des puissances inégales. Le prédateur déteste le rempart ; la proie aime bien» (69). Debray s’insurge contre le sans-frontiérisme qui excelle à blanchir ses crimes. Au contraire, la frontière, gardienne du caractère propre, est un « remède au nombrilisme, école de modestie, aphrodisiaque léger, pousse-au-rêve ». C’est surtout un facteur de paix. L’éloge des frontières n’est pas un éloge du nationalisme réducteur mais un éloge de la pluralité et de la réciprocité. C’est une séparation favorisant l’hospitalité envers l’autre, car un monde sans frontière est un monde confus qui baigne dans l’imbroglio. L’auteur du « Moment fraternité » (Gallimard, 2009) lutte contre l’uniformisation du monde et considère la frontière, nécessité protectrice, comme une organisation du monde permettant la perpétuation de la mémoire symbolique de chaque peuple. Son essai « Eloge des frontières » est un manifeste pour la pluralité du monde. La situation alarmante du monde aujourd’hui à cause de la propagation de la pandémie internationale et à cause des guerres frontalières invite tout le monde à lancer un débat sérieux sur la question de la frontière comme étant un facteur sine qua non de la sécurité et de la paix.