Les viandes rouges, un luxe de plus en plus inaccessible

On le doit aux choix désastreux adoptés par le gouvernement


Hassan Bentaleb
Mercredi 12 Février 2025

Les viandes rouges, un luxe de plus en plus inaccessible
La crise des viandes rouges et blanches est appelée à perdurer. En effet et de l’aveu même du ministre de l'Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, la question de la cherté des viandes au Maroc, notamment les viandes rouges,  persiste. Il l’a même qualifiée de  « grande problématique ». 

Intervenant devant la Chambre des conseillers, Mezzour a déclaré que « le cheptel de notre pays a diminué de moitié environ, et que l’importation est confrontée à des difficultés relatives à la qualité des animaux importés et aux conditions de leur transport »,  soulevant dans le même contexte les questions de “la faible demande et consommation  pour certains types de viande importée”, ajoutant que  «dans ces circonstances et face à ces défis, le gouvernement s'efforce de trouver toutes les solutions pour approvisionner le marché en viande à des prix favorables pour les citoyens ».

Pour plusieurs observateurs, la responsabilité du gouvernement dans l’émergence de cette crise est évidente. Ils lui reprochent son manque d’anticipation et sa dépendance aux importations. En effet, et depuis plusieurs années, le Maroc dépend fortement des importations pour nourrir son bétail, notamment en céréales et aliments composés (maïs, orge, soja). Cette situation s’est aggravée avec la hausse des prix sur les marchés internationaux. Le hic, c’est que le gouvernement n’a pas pris de mesures préventives pour développer une production locale de fourrage et réduire cette dépendance.

Ils reprochent également à l’Exécutif sa gestion insuffisante des ressources en eau et de l’impact du climat, soutenant que le Maroc fait face à un stress hydrique croissant, ce qui a réduit les pâturages et la production locale d’alimentation animale. La  gestion des ressources en eau par les autorités a aussi été critiquée pour plusieurs raisons.

D’abord, pour le fait que la priorité a été donnée aux grands projets agricoles à forte consommation d’eau (ex. cultures d’exportation). Ensuite, le retard dans la mise en place de solutions pour soutenir les éleveurs face aux sécheresses récurrentes. A cet égard, le gouvernement n’a pas mis en place une politique efficace pour préserver l’eau et aider les petits éleveurs à s’adapter au changement climatique.

Autres critiques et non des moindres, l’absence de régulation efficace du marché. En effet, le marché de la viande est soumis à des fluctuations importantes, et les éleveurs comme les consommateurs souffrent de la spéculation et des hausses des prix. Et le gouvernement n’a pas suffisamment régulé les prix et les marges des intermédiaires, ce qui a permis aux prix de grimper sans contrôle.
Et qu’en est-il des actions du gouvernement pour gérer la crise ? « Le gouvernement a pris plusieurs mesures pour stabiliser le marché. Tel est le cas de la suspension des droits de douane sur l’importation de bovins vivants. Mais, il s’agit bien d’une solution temporaire qui ne règle pas le problème de la production locale et qui peut exposer le marché marocain à des risques sanitaires liés aux importations. L’aide aux éleveurs sous forme de subventions a démontré également ses limites puisque les montants des aides jugées insuffisantes par les professionnels du secteur sont  inégalement répartis. La régulation des prix et le contrôle des stocks n’ont pas non plus réussi puisque les acteurs du marché trouvent souvent le moyen d’éviter la régulation, et les prix restent élevés pour le consommateur final», nous a indiqué un professionnel du secteur, sollicitant l’anonymat. Et de poursuivre : « Le gouvernement a réagi après coup face à la crise, au lieu d’avoir une stratégie préventive sur plusieurs années. Une politique agricole durable aurait dû être mise en place bien avant la crise pour éviter la dépendance aux importations et améliorer la résilience des éleveurs.

Même le soutien économique aux éleveurs  s’est avéré insuffisant puisque les aides distribuées sont jugées trop faibles pour compenser la flambée des prix de l’alimentation animale et que de  nombreux petits éleveurs ont dû abandonner leur activité, ce qui réduit encore plus la production locale. Des subventions plus importantes et une meilleure organisation de la filière d’élevage auraient pu éviter cette situation ».

Sur un autre plan, notre source a pointé du doigt l’absence de réformes structurelles dans la filière de la viande. Selon elle, le Maroc manque d’une politique efficace de régulation du marché de la viande, ce qui profite aux intermédiaires et spéculateurs pour faire grimper les prix, au détriment des consommateurs. «Un plan national de restructuration du secteur aurait pu stabiliser les prix et garantir une production suffisante», estime-t-elle.

A rappeler que le secteur de la viande rouge connaît une crise majeure, directement impacté par l’état du cheptel national. La sécheresse persistante et la flambée des coûts des aliments pour bétail ont provoqué une diminution alarmante du nombre de têtes de bétail.

Pour faire face à cette situation, le ministre de l'Agriculture, Ahmed El Bouari, a annoncé une série de mesures visant à stabiliser le marché et à renforcer la résilience des élevages.

Afin d’atténuer la pression sur les ressources locales, les importations de bovins et d’ovins ont considérablement augmenté. Plus de 120.000 bovins et 800.000 moutons ont ainsi été introduits sur le territoire, permettant un rééquilibrage temporaire du marché.

Parallèlement, la suppression des droits de douane et de la TVA sur les viandes fraîches et réfrigérées a été mise en place pour assurer un approvisionnement suffisant et préserver le pouvoir d’achat des consommateurs.

Dans une optique de préservation durable du cheptel, l’abattage des femelles bovines destinées à la reproduction a été interdit. Le gouvernement a également intensifié les efforts en matière de prévention sanitaire et de vaccination, avec près de 19 millions d’ovins et 1,4 million de bovins vaccinés en 2024, une initiative essentielle pour limiter les pertes liées aux maladies.

Hassan Bentaleb


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