"Les usagers de l'internet ont des difficultés pour accéder à des sites extérieurs ou d'actualité tout comme à des moteurs de recherche étrangers et à des services de messagerie", a reconnu l'agence de presse Mehr en incriminant "une vitesse lente, des pannes et des blocages".
Les autorités n'ont donné aucune explication. Mais elles coupent ou réduisent les liaisons internet lorsqu'elles craignent des manifestations de l'opposition.
Elles bloquent déjà des dizaines de milliers de sites étrangers, surtout ceux de médias ou gouvernements occidentaux, ainsi que les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter ou Youtube. Avec plus de 36 millions d'internautes pour 75 millions d'habitants, l'Iran est le pays du Moyen-Orient le plus branché sur le web qui a joué un grand rôle dans les manifestations populaires ayant secoué le pays après la réélection contestée du président Mahmoud Ahmadinejad en 2009. "Mais c'est la première fois que nous n'avons plus du tout d'internet", constate un père de famille qui a perdu tout contact avec ses enfants étudiant à l'étranger.
Même le recours au VPN (Virtual Private Network), en principe interdit mais utilisé par un nombre croissant d'internautes pour contourner la censure, n'est souvent plus possible en raison de la lenteur des connections.
Ce blocage a eu un impact économique, de nombreuses entreprises iraniennes ayant leurs serveurs à l'étranger. "L'accès de la plupart des banques du pays aux réseaux internet est devenu impossible depuis quatre jours", écrit lundi le quotidien Hamchahri. "De même, l'accès aux sites utilisant le protocole HTTPS est devenu impossible après sa fermeture, ce qui a provoqué des perturbations dans les échanges commerciaux et scientifiques". "J'attends des documents urgents pour un contrat avec une entreprise turque, et mon internet est totalement bloqué", s'énerve le responsable d'une petite entreprise important du matériel électrique. Hamchahri a également souligné l'impact du blocage pour "les 4,1 millions d'étudiants iraniens qui envoient chaque jour des millions d'e-mails" dans le cadre de leurs études.
Les fournisseurs d'accès ont affirmé qu'ils n'étaient pas en cause, rejetant implicitement le problème sur le gouvernement.
Un responsable au ministère des Télécommunications, Ali Asghar Ansari, a indiqué à Hamchahri que le blocage avait "probablement" été ordonné par le "Comité de filtrage" au ministère. Le blocage est intervenu à la veille de l'anniversaire des dernières grandes manifestations de l'opposition réformatrice le 14 février 2011. Des appels à des rassemblements ont circulé sur internet ces derniers jours, provoquant une certaine nervosité du régime qui a accru la présence policière à Téhéran et renforcé le brouillage des chaînes satellitaires étrangères.
Les autorités ont par ailleurs annoncé la mise en place, à partir de 2012, d'un "internet iranien" devant se substituer progressivement aux serveurs et moteurs de recherche étrangers.
Elles avaient indiqué fin décembre avoir rapatrié 90% de ses sites officiels pour des "raisons de sécurité", et encouragé les entreprises à faire de même. Toutefois, "les problèmes actuels ne sont pas dus au lancement (...) du réseau national de communication, qui ne prévoit aucun blocage d'accès aux e-mails", selon un expert cité par Hamchahri.
Fait rare, des critiques se sont élevées jusqu'au au sein du pouvoir. Les mesures prises "sans aucune information préalable provoqueront la colère parmi la population la plus éduquée et risquent de coûter cher au régime", s'est inquiété l'influent député ultra-conservateur Ahmad Tavakkoli. "S'il y a des justifications sécuritaires, les responsables doivent clairement les expliquer", a-t-il ajouté.