Au moment où le monde commémore le 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Japon --officiellement pacifiste depuis sa défaite-- cherche non sans mal à attirer de jeunes recrues.
Le Japon a commencé à augmenter son budget de défense en 2023, avec l'objectif d'atteindre 2% du PIB d'ici l'exercice 2027/28, poussé à aller encore plus loin par l'administration Trump.
Tokyo craint que Pékin ne tente une prise de contrôle forcée de Taïwan, ce qui pourrait entraîner les soldats nippons dans le conflit aux côtés de Washington.
Hiyane, un ancien lycéen de 19 ans qui s'est engagé après l'obtention de son diplôme en mars, a été séduit par l'idée de venir en aide aux victimes de catastrophes naturelles.
"Je me suis dit que c'est un métier qui me permettra d'aider mon pays et d'en être fier", se justifie-t-il auprès de l'AFP, en esquivant soigneusement les questions sur le sujet sensible de la défense nationale.
Hiyane et ses camarades bravent la chaleur étouffante de l'été pour former une ligne sur leur terrain d'entraînement, se dissimulant derrière de petites collines herbeuses pour progresser vers un ennemi fictif.
"Je trouve l'entraînement très physique et dur, mais j'y suis habitué car je faisais du sport à l'école. Je trouve plus épuisant et stressant l'utilisation d'une arme à feu", assure-t-il.
En 2023, le pays espérait 20.000 recrues, mais n'en a engagé qu'à peine la moitié, selon le ministère de la Défense. Résultat, environ 10% d'effectifs sur 250.000 prévus manquent à l'appel.
Tokyo cherche pourtant à renforcer ses capacités militaires dans les régions du sud, comme Okinawa, zone stratégique pour surveiller la Chine, le détroit de Taïwan et la péninsule coréenne.
Un métier jugé dangereux, des salaires modestes et un départ à la retraite anticipée autour de 56 ans découragent les jeunes Japonais, selon des responsables militaires et experts. Le faible taux de natalité et le déclin démographique sur l'ensemble de l'archipel ne favorisent pas non plus le recrutement.
Selon Kazuyuki Shioiri, membre d'un régiment d'infanterie d'Okinawa, l'augmentation des dépenses militaires pourrait "améliorer les conditions de travail des soldats", avec par exemple une meilleure climatisation, des avantages sociaux renforcés et plus d'intimité dans les dortoirs.
"Nous recherchons désormais un vaste éventail de profils, car la situation de la sécurité nationale se diversifie, allant de la cybersécurité à la défense spatiale, à la guerre électromagnétique et, bien sûr, au travail de renseignement", vante Shioiri.
Compte tenu du contexte sécuritaire, le Premier ministre Shigeru Ishiba a érigé en juin en priorité absolue le renforcement des effectifs des Forces d'autodéfense.
Le passé militariste évoque cependant des souvenirs amers à bien des Japonais dont la Constitution, rédigée par les Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale et bénéficiant d'un large soutien public, interdit à Tokyo de recourir à la force et ne reconnaît pas les Forces d'autodéfense comme une armée formelle.
Selon un sondage Gallup International publié l'an dernier, seuls 9% des Japonais interrogés combattraient pour leur pays en cas de guerre, tandis que 50% refuseraient. En comparaison, 46% des Sud-Coréens et 41% des Américains ont indiqué être prêts à servir leurs pays si besoin.
L'opinion japonaise s'étant longtemps concentrée sur les idéaux diplomatiques, "il n'y a pas eu beaucoup de discussions sur la manière précise de maintenir la sécurité et la paix", a relevé récemment Ryoichi Oriki, ancien chef d'état-major interarmées. "J'espère qu'il y aura une meilleure compréhension dans l'opinion de la réalité de la défense nationale."