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Cette acquisition s’inscrit dans une série d’achats structurants visant à redessiner le visage des Forces Armées Royales. Des hélicoptères AH-64 Apache, des chasseurs F-16 Viper, des missiles Stinger… Chaque pièce vient compléter un puzzle complexe : celui d’une armée dotée de moyens de dissuasion robustes, mobiles et technologiquement avancés. Le Javelin, dans ce contexte, n’est pas un simple ajout, c’est un multiplicateur de force.
Le choix du Javelin n’est pas anodin. Ce missile antichar, en service depuis 2001 et déployé dans toutes les zones de conflit majeures du XXIe siècle, a gagné une réputation quasi-mythique. Développé par la coentreprise entre Lockheed Martin et Raytheon, il est le successeur du M47 Dragon, jugé dépassé face aux nouvelles générations de blindés. Le Javelin, lui, est redoutablement efficace contre des véhicules comme les T-72, mais aussi contre les positions retranchées et les hélicoptères volant à basse altitude.
Ce qui distingue le Javelin de ses prédécesseurs – et de nombreux systèmes concurrents – c’est sa capacité de tir autonome dite « fire and forget ». Une fois la cible verrouillée, le missile ne nécessite plus d’assistance humaine pour corriger sa trajectoire. L’opérateur peut immédiatement se mettre à couvert, ce qui réduit son exposition et accroît les chances de survie dans des environnements hostiles. Ce principe transforme radicalement les règles d’engagement en combat antichar.
La précision du Javelin repose sur un guidage infrarouge passif couplé à une imagerie thermique. Ce système est d’une fiabilité redoutable, de jour comme de nuit, quelles que soient les conditions météorologiques. Contrairement aux systèmes filoguidés qui obligent le tireur à maintenir sa visée jusqu’à l’impact, le Javelin libère immédiatement l’opérateur après le lancement. Cette caractéristique seule justifie en grande partie le coût unitaire élevé.
Le missile peut adopter deux profils de vol : une attaque directe, utile contre les bunkers, bâtiments ou hélicoptères, et une attaque plongeante, son atout maître contre les blindés. Dans ce second mode, le missile grimpe à environ 150 mètres avant de piquer sur le toit de la cible – un point vulnérable même sur les chars les plus modernes. L’ogive tandem – une double charge explosive – neutralise d’abord le blindage réactif, puis perce la coque principale. Résultat : un taux de destruction impressionnant sur tous les théâtres d’opérations où il a été utilisé, notamment en Irak ou en Ukraine.
Autre avantage : sa portabilité. Avec une masse de lancement de 11,8 kg et un lanceur relativement compact, le Javelin peut être opéré par une équipe de deux soldats. Il peut être utilisé depuis des zones confinées, grâce à un système de lancement «à froid» qui éjecte le missile avant d’activer la propulsion principale. Cette capacité est cruciale dans les environnements urbains ou montagneux.
Sur le terrain, ce missile donne un avantage stratégique à des unités légères ou mobiles, capables de tendre des embuscades à des colonnes blindées, puis de se replier sans exposition prolongée. Il ne s’agit pas seulement de « détruire des chars », mais de désorganiser l’adversaire, de lui ôter la liberté de manœuvre et d’imposer un coût opérationnel élevé à toute avancée ennemie.
L’intégration du système LWCLU, la dernière génération de lanceurs, ajoute une couche d’ergonomie et d’efficacité. Plus léger, plus précis, doté d’une interface simplifiée et d’une imagerie thermique améliorée, il est conçu pour maximiser l'efficacité des opérateurs tout en minimisant la charge physique et cognitive. Ce n’est pas un gadget : c’est un outil pensé pour les conflits modernes, asymétriques, rapides, imprévisibles.
En matière de stratégie militaire, le Maroc envoie un message clair. Ce n’est plus seulement la quantité qui compte, mais la qualité, l’interopérabilité et la mobilité. Le missile Javelin est un symbole de cette approche. A l’heure où les conflits se reconfigurent autour de la guerre hybride, des drones armés et des unités autonomes, Rabat investit dans une capacité de réaction souple, agile et létale.
Il faut aussi souligner l’aspect géopolitique. Le contrat passé avec les Etats-Unis consolide un axe Rabat-Washington qui se veut à la fois militaire, industriel et diplomatique. Il ne s’agit pas simplement d’achats, mais de transferts de savoir-faire, de maintenance, de formation. La transaction inclut du matériel de simulation, des manuels techniques et des programmes d’instruction pour les forces marocaines. À terme, cela contribue à une plus grande autonomie opérationnelle du pays.
Enfin, ce contrat s’inscrit dans une dynamique régionale plus large. Face à des tensions géopolitiques croissantes, le Maroc anticipe. Il ne réagit pas, il prépare. Il veut être prêt face à une guerre conventionnelle comme à une guérilla technologique. Et dans ce cadre, le Javelin n’est pas un simple missile : c’est un signal.
Le Maroc s’équipe comme une armée moderne. Il investit dans des solutions éprouvées, mais aussi dans une vision à long terme. Cette vision repose sur une montée en gamme de ses moyens terrestres, aériens et bientôt maritimes. L’acquisition du FGM-148 Javelin est une pièce centrale de cette ambition : discrète mais redoutable, portable mais stratégique, simple d’usage mais terriblement sophistiquée.
Mehdi Ouassat