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La précarité au quotidien

Le calvaire des
bonnes du Moukef


Nezha Mounir
Mercredi 9 Janvier 2013

La précarité au quotidien
Dans chaque ville, des espaces leur sont géographiquement dédiés. Elles sont là présentes et défendent bien leur territoire. Elles,  ce sont les «bonnes d’un jour» ou celles qu’on appelle communément «les femmes du moukef». En d’autres termes, elles présentent leurs  services de «bonnes à tout faire» juste pour la journée mais sans être pour autant  liées à un employeur officiel.  Leur devise :«un jour, un employeur». Une expression criante de la  précarité et de l’informel qui gangrène le secteur de l’emploi. Elles s’y noient et aucune allusion ne leur est faite. On parle plus aisément des employées de maison voire des petites bonnes, mais point d’elles. Et pourtant… !
Qui sont- elles?
Leur âge ? Toutes les tranches d’âge sont représentées. Moins de vingt ans jusqu’à l’orée de la soixantaine. Idem pour la situation familiale. Célibataires, divorcées, veuves ou même mariées, elles se retrouvent dans la même galère, celle de lutter pour survivre et rapporter de l’argent au foyer. Leur seule arme c’est leur capacité physique et même morale. D’une volonté inébranlable, elles s’accrochent à l’espoir de s’en sortir . Alors elles y mettent toute leur volonté et ne rechignent pas devant les grosses corvées qui dépassent parfois leurs capacités physiques. «Souvent, on fait appel à nous pour des travaux que les maîtresses de maison  n’osent pas confier  à leur propre personnel. Sous cet angle-là, nous sommes considérées comme des super women», nous confie Naima rencontrée sur la place du marché d’Agdal. «Le seul fait de penser aux bouches à nourrir m’aide à accomplir les tâches les plus repoussantes », ajoute une autre femme, le regard triste.
Leur quotidien ? Pas très reluisant. Elles baignent dans la précarité. Chaque jour que Dieu fait, elles se retrouvent au «moukef». «Mais gare aux intruses, si une personne étrangère s’amuse à investir leur univers, elle est chassée manu militari. «On assiste souvent à des bagarres auxquelles elles se livrent pour  défendre leur territoire», témoigne un épicier à proximité.  Pour garder son gagne-pain tous les moyens sont bons.
 Scrutant l’horizon dans l’espoir de voir un potentiel employeur salvateur, leur vie passe au gré d’attentes parfois stériles. «Il m’arrive de poireauter  des jours  sous un soleil tapant sans avoir aucune demande et de retourner chez moi bredouille».
Pour provoquer les occasions de se faire embaucher, elles passent à l’action et n’attendent pas passivement qu’on vienne les chercher . Bien des fois, on les entend interpeller les passants «Madame, auriez-vous besoin d’une femme de ménage ?  Je ne  demande pas cher pour la journée». Pathétique et révoltant!
En plus du mépris qu’elles essuient au quotidien, elles sont exposées à plusieurs risques. Certains hommes poussent l’effronterie jusqu’à leur faire  des propositions indécentes  après qu’elles ont fini leur corvée, parfois même avant. «Deux services pour le prix d’un commente Khadija. Autant mourir que de me prêter à ce genre de services. Croyez-moi, c’est toujours les tripes nouées que j’entreprends une journée car j’appréhende toujours le déroulement des événements depuis que j’ai vécu une mésaventure». Et d’ajouter : «Une cliente est venue me chercher de bon matin. Direction route des Zaers où elle occupe une somptueuse villa. Le ménage ne semble pas y avoir été fait depuis des mois.  Qu’à cela ne tienne, les corvées, ça me connaît. Alors je me suis jetée à corps perdu dans le travail durant une longue journée d’été.  La dame qui s’était absentée n’est revenue que vers la fin de la journée, dans tous ses états au point que quand je lui demande mon dû elle m’envoie sur des roses arguant le fait que j’ai bâclé mon travail avant même qu’elle n’ait vérifié quoi que ce soit. J’ai quand même insisté jusqu’à ce qu’elle me menace d’appeler la police pour leur signaler que des objets de valeur ont été subtilisés. Là, je n’ai eu que mes yeux pour pleurer car bien évidemment, sa parole l’emportera  sur  la mienne». On nage en plein absurde.
A quand une réglementation juridique pour assurer la protection de cette frange de la société? Des êtres humains avant tout.


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