La junte au pouvoir à Alger n’en mène pas large : Bamako s’en remet à la CIJ

Le Mali a conclu avec une certitude absolue que le drone a été détruit suite à une action hostile préméditée du régime algérien


Mourad Tabet
Mardi 23 Septembre 2025

La junte au pouvoir à Alger n’en mène pas large : Bamako s’en remet à la CIJ
C’est officiel, les autorités maliennes ont déposé une plainte auprès de la Cour internationale de justice (CIJ) contre la junte militaire algérienne, accusée par Bamako d'avoir abattu en avril dernier un drone de son armée en territoire malien.

Le 1er avril 2025, Alger avait annoncé avoir abattu un drone de reconnaissance militaire qui avait pénétré dans son espace aérien. A la suite d'une enquête, le Mali a "conclu avec une certitude absolue que le drone a été détruit suite à une action hostile préméditée du régime algérien", a affirmé dans un communiqué le ministère malien des Affaires étrangères.

"Le collège des chefs d'Etat de l'AES (Alliance des Etats du Sahel) décide de rappeler pour consultation les ambassadeurs des Etats membres accrédités à Alger" après l’abattage de ce drone malien, ont annoncé les trois pays dans un communiqué commun en avril dernier.
Selon les autorités maliennes, l'épave du drone a été localisée à 9,5 kilomètres au sud de la frontière avec l'Algérie.

"La distance entre le point de rupture de liaison avec l'appareil et le lieu de localisation de l'épave est de 441 mètres. Ces deux points sont tous situés sur le territoire national", a précisé le communiqué, ajoutant que l'aéronef "est tombé à la verticale, ce qui, probablement, ne peut s'expliquer que par une action hostile causée par des tirs de missiles sol-air ou air-air".

"Face à la gravité de cet acte d'agression inédit", le Mali "condamne avec la dernière rigueur cette action hostile, inamicale et condescendante des autorités algériennes", a poursuivi la même source.

Les autorités maliennes ont, par ailleurs, annoncé plusieurs mesures de protestation contre Alger, notamment la convocation de l'ambassadeur algérien à Bamako, le retrait avec effet immédiat du Comité d'état-major conjoint (CEMOC) - une alliance de plusieurs forces armées du Sahel pour lutter contre le terrorisme -, et le dépôt d’une plainte devant des instances internationales "pour actes d'agression".

Dans un article intitulé « Le Mali à la CIJ : quand la dérision algérienne se heurte au droit international» et publié sur le portail «maliweb», le journaliste et écrivain malien, Dicko Seidina Oumar a fait savoir que «Bamako a accusé Alger d’avoir franchi une ligne rouge. Il ne s’agit pas d’un simple incident technique ni d’une rumeur, mais d’un acte d’agression caractérisé, en violation flagrante de la Charte des Nations unies, de l’Acte constitutif de l’Union africaine et du Pacte de non-agression et de défense commune de 2005. Notre pays appuie son argumentaire sur la résolution 3314 de l’Assemblée générale des Nations unies, qui définit précisément ce qui constitue une agression».

Depuis le début de cette affaire, la junte militaire algérienne n’a pas pris au sérieux les protestations des autorités maliennes. Pis encore, le ministère algérien des Affaires étrangères voit dans la requête malienne «une tentative d’instrumentalisation» de la CIJ, et refuse d’«être l’objet d’une diversion aussi avérée que dérisoire».

«Ce qui retient l’attention, au-delà de l’aspect juridique, c’est le contraste entre le sérieux de la démarche malienne et la désinvolture affichée par Alger depuis des mois», a souligné Dicko Seidina Oumar. Et d’ajouter que « le ministre algérien des Affaires étrangères, Mohamed Attaf, au lieu de prendre au sérieux l’accusation de Bamako, a choisi d’en rire publiquement. En conférence de presse, il a balayé l’affaire d’un revers de main, la qualifiant de «fake news» et insinuant qu’il s’agissait d’une manipulation médiatique destinée à brouiller l’opinion publique. Cette posture faite de dérision s’avère aujourd’hui intenable. La saisine de la CIJ a donné à la plainte malienne une dimension solennelle, balayant l’argument de la rumeur ou de l’invention. Ce qui était tourné en dérision par Alger est désormais inscrit dans les registres de la plus haute juridiction internationale».

Selon le journaliste malien, la junte algérienne se trouve dans un cul-de-sac : si elle refuse de comparaître devant la CIJ, cela signifie «se discréditer en alimentant l’idée que la dérision et la négation ne suffisent pas à masquer la réalité des faits». Car en refusant de reconnaître cette plainte et en qualifiant cette initiative de «manœuvre grossière» et politisée, la junte algérienne se trouve exposée à un isolement diplomatique croissant et à la stigmatisation sur la scène internationale pour sa posture de déni face à un fait avéré.
Par contre, si elle accepte, elle «court le risque d’une condamnation qui affaiblirait son image régionale».

En la poursuivant devant la CIJ, les autorités maliennes ont effectivement mis la junte militaire algérienne au pied du mur en la confrontant publiquement et juridiquement à ses actes. Ce choix illustre la volonté des autorités maliennes de sortir d'un bras de fer diplomatique où jusqu'alors l'Algérie niait l'existence même de la plainte. Par cette saisine, le Mali impose une pression juridique majeure à Alger, l'obligeant à répondre officiellement à l'accusation et à se positionner vis-à-vis de la compétence de la CIJ. 

Mourad Tabet


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