La fête amère des stadiers en grève

“On ne traite pas les gens comme des esclaves”: les gardiens des stades de Durban et d’Ellis Park à Johannesburg, hôtes du Mondial, accusent leur employeur de les avoir poussés au conflit en leur versant des salaires de misère.
“Nous ne voulions pas en arriver là”, fulmine un employé de l’entreprise de sécurité privée Stallion, planté avec une cinquantaine de ses collègues devant le flambant neuf “Moses Mabhida Stadium”.
“Nous voulions que la fête reste la fête. Mais ils nous traitent vraiment trop mal”, lance avec amertume le stadier, en requérant l’anonymat. “Ils profitent du fait que nous soyons pauvres et affamés” pour nous payer au rabais.
La colère, qui grondait dans les gradins depuis plus d’une semaine, a explosé dimanche soir, après le match Allemagne-Australie (4-0).
Un groupe de 400 gardiens a organisé au beau milieu de la nuit une manifestation spontanée pour demander leur paye. Il a fallu l’intervention musclée de la police anti-émeutes pour les disperser.
Lundi, leurs collègues du Cap (sud-est) ont débrayé de manière inopinée à moins de trois heures du coup d’envoi du match Italie-Paraguay (1-1).
La police a été appelée en urgence pour assurer la sécurité de la rencontre.
La raison de leur colère: on leur avait promis un salaire quotidien de 180 rands (environ 17 euros) et une prime spéciale et ils ne toucheront que 120 rands, disent-ils. Contactée par l’AFP, l’entreprise Stallion a refusé de commenter.
Habitant de KwaMashu à 20 kilomètres du FanFest où il travaille pour une autre compagnie, Selby Khanyile paie 30 rands (3 euros) pour son transport aller-retour et doit amener sa nourriture. Son salaire quotidien est de 150 rands (15 euros) payé tous les vendredis. Il n’a encore rien touché.
“J’aime ce travail, je protège les visiteurs et nous sommes tous tellement fiers d’accueillir la Coupe du monde et tous ces touristes. Mais franchement... ils devraient nous payer plus,” dit-il dépité.
“Si vous demandez de l’argent, vous êtes viré,” précise Selby Khanyile. Au chômage avant le tournoi, il pense l’être aussi après.
Employé par Enforce, qui assure la sécurité de cette zone de diffusion des matches, il ne compte pourtant pas rejoindre les protestations de ses collègues du stade Moses Mabhida, salariés de Stallion. Il ne veut pas perdre cette occasion d’un mois de revenus, aussi bas soient-ils.
Mardi matin, les employés de Stallion à Johannesburg ont décidé de rejoindre le mouvement. Payés 410 rands lundi, ils n’ont pas compris pourquoi on ne leur en donnerait que 190 mardi.
A la mi-journée, des centaines de stadiers s’agglutinent devant le centre d’accréditation d’Ellis Park. L’ambiance est festive, une danse se dessine et des chants résonnent, mais les paroles sont amères. “L’entreprise reçoit beaucoup d’argent de la Fifa et, nous, des cacahouètes”, confie à l’AFP l’un des grévistes.
Ils ressortent au compte-goutte du bâtiment chacun muni d’une enveloppe kraft. “Ce sont 250 rands pour solde de tout compte, affirme l’un d’eux, Joseph Banda. Nous sommes virés. C’est une rupture de contrat. Nous avons des droits et nous allons traîner Stallion devant la justice”.
A quelques mètres, quelques dizaines de supporters brésiliens vêtus de jaune et vert entonnent une samba.