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L’Association Adala planche sur la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles dans le cadre de la réforme judiciaire : Le devoir d’ingratitude mis en avant


Nezha MOUNIR
Lundi 26 Mars 2012

L’Association Adala planche sur la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles dans le cadre de la réforme judiciaire : Le devoir d’ingratitude mis en avant
Une salle comble. Hommes politiques, acteurs associatifs, membres de l’appareil judiciaire, … sont venus nombreux assister à la conférence organisée par  l’Association Adala sous le thème «Quelles voies d’accès pour la mise en œuvre des dispositions de la Constitution dans le cadre de la réforme judiciaire ?». D’éminents juristes se sont relayés afin d’y apporter des éléments de réponse. L’occasion également pour l’Association de rendre un vibrant hommage à son ancien président, Me Abdelaziz Nouaydi, qui, à travers son militantisme, a toujours eu le courage nécessaire pour dénoncer les violations chaque fois que les règles de droit sont bafouées  
Le sujet de la réforme de l’appareil judiciaire  a fait couler beaucoup d’encre et plusieurs institutions et associations s’y sont intéressées. Me Abdellatif Hatimi a choisi, lui, d’aborder la question sous l’angle «des droits des justiciables et des règles de fonctionnement de la justice». Ces droits sont mentionnés dans les articles 117 à 128 de la Constitution. Garantir ces droits vise à assurer l’égalité devant les tribunaux et une gouvernance équitable.  Des droits qui auraient pu continuer à figurer dans le cadre de la procédure civile et pénale, leur place initiale, voire classique. Mais le législateur les a élevés au rang de principes et les a constitutionnalisés. Pourquoi donc ?  s’interroge Me Hatimi. Est-ce parce qu’ils n’ont pas été respectés par les tribunaux ? Oui, affirme-t-il. Le meilleur exemple c’est celui de l’article 119 consacrant le principe de la présomption d’innocence et  qui a été constitutionnalisé pour la première fois : «Tout prévenu ou accusé est présumé innocent jusqu’à sa condamnation par décision de justice ayant acquis la force de la chose jugée». Ce principe ne cesse d’être bafoué. Preuve en est, comme le souligne Me Hatimi, que deux ministres de la Justice ont déclaré que 50% des résidents des prisons marocaines, à l’issue de leur jugement définitif, sont soit déclarés innocents, soit condamnés pour une peine égale à la période de leur mise en garde ou encore condamnés à payer des amendes. On a vite fait de tirer des conclusions, à savoir que si le Parquet ou le juge d’instruction veillaient à une application rigoureuse de ce principe, nos prisons ne connaîtraient pas une aussi grande promiscuité.
L’intervenant continue sur sa lancée en ajoutant que le principe de l’article 119 est intimement lié aux dispositions de l’article 23. «Nul ne peut être arrêté, détenu, poursuivi ou condamné en dehors des cas et des formes prévus par la loi. La détention arbitraire ou secrète et la disparition forcée sont des crimes de la plus grande gravité et exposent leurs auteurs aux punitions les plus sévères…». Quand une personne se retrouve derrière les barreaux pour une durée de  3 à 4 mois avant d’être innocentée, n’est-ce pas une détention arbitraire ? s’insurge Me Hatimi. L’article 23 ne trouve-t-il pas application ? Le recours à la détention préventive doit être entouré de beaucoup de prudence et constituer de ce fait l’exception. Toujours à propos de ce fameux article, un autre volet concernant les droits des justiciables a été relevé par Me Hatimi. «…Toute personne détenue doit être informée immédiatement, d’une façon qui lui soit compréhensible, des motifs de sa détention et de ses droits, dont celui de garder le silence. Elle doit bénéficier, au plus tôt, d’une assistance juridique et de la possibilité de communication avec ses proches, conformément à la loi». A ce niveau, ce sont les termes «immédiatement» et «au plus tôt» qui posent problème. Il appréhende l’interprétation large dont ils peuvent faire l’usage et qui irait à l’encontre des droits du justiciable.
Abdelazi Nouaydi a, pour sa part, planché sur «le rôle de la Cour constitutionnelle dans le cadre du recours d’exception d’inconstitutionnalité des lois». La première remarque qui s’impose à ce sujet, c’est qu’auparavant le Maroc disposait d’un Conseil constitutionnel. D’ailleurs le  droit de s’en saisir  était l’apanage des seules hautes autorités de l’Etat, en l’occurrence le Roi, le Premier ministre, les présidents des deux Chambres… comme l’explique Me Nouaydi. Actuellement, et c’est une nouveauté, tout justiciable peut user de ce droit en soulevant l’inconstitutionnalité d’une loi. C’est un contrôle a posteriori et qui peut servir à assainir l’arsenal juridique. Ce droit change la relation entre le pouvoir et les citoyens vu que la plupart des textes législatifs viennent du gouvernement. Ici, M. Nouaydi insiste sur l’importance du rôle des avocats qui,  forts de leurs connaissances des subtilités de la législation, peuvent relever des failles dans les lois appliquées et leur inconstitutionnalité. C’est un droit qui se présente en même tant comme une arme à double tranchant vu l’usage abusif dont il pourrait faire l’objet. C’est pourquoi, comme l’explique Me Nouaydi, beaucoup de pays ont prévu la suspension de la procédure en cours en attendant l’examen de la conformité des lois.
Par ailleurs, l’intervenant a mis l’accent sur le caractère d’indépendance de la justice constitutionnelle, « le devoir d’ingratitude » comme l’a appelé Robert Badinter. Mais comment peut-on le garantir ? A travers le statut des magistrats de cette Cour, explique Me Nouaydi. Les Etats-Unis ont trouvé la parade puisque les juges occupent leur fonction pour la vie. Ils n’ont donc pas à appréhender les changements politiques. Au Maroc et en France, 9 ans demeurent une durée raisonnable, d’après Me Nouaydi.
Par ailleurs, Me Jaafar Hassoune s’est penché sur le thème  «Quelle vision du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire ?». La première avancée est sans aucun doute que le Conseil est devenu une institution constitutionnelle indépendante à part entière. Ce qui n’était pas le cas auparavant pour la Cour suprême intégrée au sein du ministère de la Justice comme une simple direction. C’est pourquoi le cordon ombilical doit être rompu avec le département de tutelle, ajoute Me Hassoune.  Une autre nouveauté réside dans le fait que  dorénavant les décisions du Conseil sont passibles de recours. L’article 114 de la Constitution dispose que: «Les décisions individuelles du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire sont susceptibles de recours pour excès de pouvoir devant la plus haute juridiction administrative du Royaume». Le Conseil de l’Etat connaîtrait sans doute de tels recours, précise Me Hassoune.


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