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A qui appartient Rumi, le poète et mystique soufi? Une démarche de l'Iran et de la Turquie pour faire inscrire en leur nom le lettré au patrimoine de l'Unesco exaspère son Afghanistan natal, qui appelle les écrivains du pays à contrer la manoeuvre.
L'Iran et la Turquie qui revendiquent aussi l'héritage du poète ont chacun soumis une requête à l'Unesco pour faire inscrire l'oeuvre de Jalal ud-Din Muhammad Rumi au "Registre de la Mémoire du Monde", créé en 1997 pour protéger le patrimoine documentaire mondial (archives, correspondances, écrits...), en particulier dans les zones troublées ou en conflit.
La requête concerne surtout les 25.600 couplets du "Masnavi-i-Ma'navi", l'une des plus influentes oeuvres de la littérature persane selon les biographes de Rumi.
Et le gouvernement afghan dénonce une tentative de "s'approprier l'héritage culturel" de l'Afghanistan.
Rien n'empêchait l'Afghanistan de saisir à son tour l'Unesco, mais il a raté le coche, reconnaît Harron Haklimi, porte-parole du ministère de l'Information et de la Culture, tout en espérant que les Afghans parviendront à faire valoir leur point de vue.
A la représentation de l'Unesco à Kaboul, on insiste sur le fait que "l'Unesco n'a pas encore examiné le dossier, ni décidé de la suite à donner".
Sans attendre, le puissant gouverneur de la province de Balkh, ancien chef de guerre tadjik, a saisi le représentant de l'Afghanistan auprès des Nations unies pour qu'il "proteste" officiellement auprès des responsables iraniens et turcs. Le travail du poète "appartient au patrimoine intellectuel mondial. En (le) limitant à deux pays, nous ne rendons pas justice à cette personnalité mondialement admirée et chérie", écrit le général Ata Mohammad Noor.
Pour les Afghans, qui apprennent ses vers dès le primaire, Rumi est "Maulana Jalaludin Balkh", ou "Maulana" (littéralement "notre maître"), ou simplement "Balkhi", né en 1207 à Balkh, dans le nord-ouest de l'Afghanistan, où se visite encore sa maison natale.
Aujourd'hui petite localité provinciale, siège d'une importante université près de Mazar-e-Charif, Balkh, l'antique Bactres des Grecs, fut une capitale religieuse et littéraire rayonnante pour le bouddhisme et la littérature persane jusqu'à sa mise à sac par Gengis Khan en 1221.
Rumi et sa famille fuirent à cette époque. Mais pour les Afghans il reste l'enfant du pays, même si le poète a surtout vécu en Turquie, où il est mort en 1273 à Konya et où son fils a fondé la confrérie soufie des derviches tourneurs, pour perpétrer l'enseignement du père.
"Il est partie intégrante de la culture et de l'identité afghanes. Séparer Maulana de notre pays relève de l'insulte et même d'une menace au peuple afghan", affirme à l'AFP l'écrivain et poète Sadiq Usyan, qui enseigne à l'université de Balkh.
Directeur du Département culturel de la même province, Salih Mohammad Khaleeq est tout aussi définitif: "Son père était un grand Soufi, il avait des centaines d'adeptes et d'étudiants qu'il a formés ici. Protéger son héritage sans mentionner son appartenance à l'Afghanistan serait inacceptable".
Le directeur, il est vrai, nourrit de grands desseins pour la ville, au moment où la star oscarisée Leonardo Di Caprio est pressentie pour incarner Rumi au cinéma. "Nous voulons faire de cet endroit un site que les touristes pourraient venir visiter", insiste-t-il.
A l'entrée de Balkh, un grand portrait de Rumi accueille déjà le visiteur.
Mais la maison du poète a mal résisté aux assauts du temps et des vents et dresse ses murs de terre ocre effondrés à ciel ouvert.
Elle n'en reste pas moins un lieu de promenade. Aussi la polémique a-t-elle vite échauffé les esprits dans la région.
Des menaces de manifestations ont été brandies. Une pétition en ligne a déjà recueilli près de 6.000 signatures (https://www.change.org/p/dear-unesco-rumi-belongs-to-afghanistan).
Et les artistes ont été appelés à la rescousse sur Twitter: "Rumi est né à Balkh, Afghanistan. Ni en Turquie, ni en Iran. Khaled Hosseini (auteur des "Cerfs-Volants de Kaboul"), Omar Akram, Atiq Rahimi ("Singué Sabour") et les autres, s'il vous plaît, faites-le savoir", a lancé un porte-parole du président afghan aux écrivains et musiciens afghans de renommée internationale.
Soucieux d'apaiser les esprits, le président Ashraf Ghani a suggéré que la Turquie et l'Afghanistan s'accordent autour d'une "fierté mutuellement partagée" et que l'Afghanistan fasse reconnaître par la communauté internationale "les reliques et l'oeuvre de Balkhi comme un héritage commun à la Turquie et à l'Afghanistan". Exit donc l'Iran, voisin honni.
En 2007, les trois pays s'étaient pourtant entendus avec l'Unesco pour célébrer le 800e anniversaire de la naissance de Rumi. Ils avaient même fait graver une médaille en mémoire du poète qui voulait s'adresser à l'humanité tout entière, rappelait alors l'Unesco, citant ce "distique" du maître: "Je ne fais pas de distinction entre le proche et l'étranger".
L'Iran et la Turquie qui revendiquent aussi l'héritage du poète ont chacun soumis une requête à l'Unesco pour faire inscrire l'oeuvre de Jalal ud-Din Muhammad Rumi au "Registre de la Mémoire du Monde", créé en 1997 pour protéger le patrimoine documentaire mondial (archives, correspondances, écrits...), en particulier dans les zones troublées ou en conflit.
La requête concerne surtout les 25.600 couplets du "Masnavi-i-Ma'navi", l'une des plus influentes oeuvres de la littérature persane selon les biographes de Rumi.
Et le gouvernement afghan dénonce une tentative de "s'approprier l'héritage culturel" de l'Afghanistan.
Rien n'empêchait l'Afghanistan de saisir à son tour l'Unesco, mais il a raté le coche, reconnaît Harron Haklimi, porte-parole du ministère de l'Information et de la Culture, tout en espérant que les Afghans parviendront à faire valoir leur point de vue.
A la représentation de l'Unesco à Kaboul, on insiste sur le fait que "l'Unesco n'a pas encore examiné le dossier, ni décidé de la suite à donner".
Sans attendre, le puissant gouverneur de la province de Balkh, ancien chef de guerre tadjik, a saisi le représentant de l'Afghanistan auprès des Nations unies pour qu'il "proteste" officiellement auprès des responsables iraniens et turcs. Le travail du poète "appartient au patrimoine intellectuel mondial. En (le) limitant à deux pays, nous ne rendons pas justice à cette personnalité mondialement admirée et chérie", écrit le général Ata Mohammad Noor.
Pour les Afghans, qui apprennent ses vers dès le primaire, Rumi est "Maulana Jalaludin Balkh", ou "Maulana" (littéralement "notre maître"), ou simplement "Balkhi", né en 1207 à Balkh, dans le nord-ouest de l'Afghanistan, où se visite encore sa maison natale.
Aujourd'hui petite localité provinciale, siège d'une importante université près de Mazar-e-Charif, Balkh, l'antique Bactres des Grecs, fut une capitale religieuse et littéraire rayonnante pour le bouddhisme et la littérature persane jusqu'à sa mise à sac par Gengis Khan en 1221.
Rumi et sa famille fuirent à cette époque. Mais pour les Afghans il reste l'enfant du pays, même si le poète a surtout vécu en Turquie, où il est mort en 1273 à Konya et où son fils a fondé la confrérie soufie des derviches tourneurs, pour perpétrer l'enseignement du père.
"Il est partie intégrante de la culture et de l'identité afghanes. Séparer Maulana de notre pays relève de l'insulte et même d'une menace au peuple afghan", affirme à l'AFP l'écrivain et poète Sadiq Usyan, qui enseigne à l'université de Balkh.
Directeur du Département culturel de la même province, Salih Mohammad Khaleeq est tout aussi définitif: "Son père était un grand Soufi, il avait des centaines d'adeptes et d'étudiants qu'il a formés ici. Protéger son héritage sans mentionner son appartenance à l'Afghanistan serait inacceptable".
Le directeur, il est vrai, nourrit de grands desseins pour la ville, au moment où la star oscarisée Leonardo Di Caprio est pressentie pour incarner Rumi au cinéma. "Nous voulons faire de cet endroit un site que les touristes pourraient venir visiter", insiste-t-il.
A l'entrée de Balkh, un grand portrait de Rumi accueille déjà le visiteur.
Mais la maison du poète a mal résisté aux assauts du temps et des vents et dresse ses murs de terre ocre effondrés à ciel ouvert.
Elle n'en reste pas moins un lieu de promenade. Aussi la polémique a-t-elle vite échauffé les esprits dans la région.
Des menaces de manifestations ont été brandies. Une pétition en ligne a déjà recueilli près de 6.000 signatures (https://www.change.org/p/dear-unesco-rumi-belongs-to-afghanistan).
Et les artistes ont été appelés à la rescousse sur Twitter: "Rumi est né à Balkh, Afghanistan. Ni en Turquie, ni en Iran. Khaled Hosseini (auteur des "Cerfs-Volants de Kaboul"), Omar Akram, Atiq Rahimi ("Singué Sabour") et les autres, s'il vous plaît, faites-le savoir", a lancé un porte-parole du président afghan aux écrivains et musiciens afghans de renommée internationale.
Soucieux d'apaiser les esprits, le président Ashraf Ghani a suggéré que la Turquie et l'Afghanistan s'accordent autour d'une "fierté mutuellement partagée" et que l'Afghanistan fasse reconnaître par la communauté internationale "les reliques et l'oeuvre de Balkhi comme un héritage commun à la Turquie et à l'Afghanistan". Exit donc l'Iran, voisin honni.
En 2007, les trois pays s'étaient pourtant entendus avec l'Unesco pour célébrer le 800e anniversaire de la naissance de Rumi. Ils avaient même fait graver une médaille en mémoire du poète qui voulait s'adresser à l'humanité tout entière, rappelait alors l'Unesco, citant ce "distique" du maître: "Je ne fais pas de distinction entre le proche et l'étranger".