Jack Lang : “Le Maroc aux mille couleurs” sera offert au monde entier


Propos recueillis par Youssef Lahlali
Mercredi 4 Juin 2014

Jack Lang : “Le Maroc aux mille  couleurs” sera offert au monde entier
Libération : Pouvez-vous nous expliquer comment vous êtes passé d’un projet d’exposition sur le Maroc à un grand événement culturel qui va durer trois mois avec la participation de plusieurs artistes et intellectuels du Maroc ?
 
Jack Lang : Cela durera plus de trois mois. L’inauguration aura lieu le 12 ou le 13 octobre 2014 et la manifestation se prolongera jusqu’au milieu du mois de janvier 2015. C’est un événement qui est un hymne à l’épanouissement   artistique marocain et à la pluralité intellectuelle de ce magnifique pays que nous aimons beaucoup. La Constitution marocaine elle-même par son préambule donne le « la ». C’est l’une des rares, même la seule Constitution dans le monde  qui revendique dans son préambule la diversité de son héritage spirituel, africain, arabe, berbère et hébraïque. C’est un message de grande importance morale et emblématique ; c’est sous ce signe-là que plusieurs manifestations seront organisées. Evidemment, l’exposition touche la peinture, la sculpture, l’art visuel et la photographie. Nous l’avons confiée à un comité de haut niveau : le commissaire Jean-Luis Martin, un conservateur reconnu, et deux commissaires marocains, Mohamed Mitalsi et Moulem Laaroussi. Depuis des mois, ils ont sillonné  le Maroc et continuent à s’y rendre pour tenter de présenter un panorama  aussi fidèle que possible de la créativité marocaine. Le cinéma aura sa place, mais également la littérature, la poésie, des rencontres, des événements. La totalité de l’Institut du monde arabe sera dédiée au Maroc.
 
Comment allez-vous choisir ce panorama d’artistes et d’intellectuels qui représentent l’art et la culture marocains ?
 
Dieu merci, je ne choisis rien. C’est clair je m’interdis de choisir. On a confié ce choix artistique à un commissaire reconnu, Jean-Luis Martin, longtemps directeur du Musée d’art moderne George Pompidou, qui a été responsable de l’exposition retentissante, Les magiciens de la terre et puis récemment d’une exposition sur Dali et d’autres. Puis il y a deux commissaires marocains auprès de lui qui sont remarquables et c’est ce trio qui va décider.
Suite à votre visite au Maroc, vous avez informé Sa Majesté le Roi Mohammed VI des préparatifs. Où en  sont-ils au moment où nous parlons ?
Les préparatifs sont très avancés effectivement. Nous n’avons que quelques mois devant nous, mais nous ne sommes pas en retard non plus. Sa Majesté le Roi Mohammed VI, m’a accueilli avec beaucoup de chaleur. L’audience qu’il m’a accordée a été source de richesse, de réflexion et d’information. J’ai eu l’occasion d’évoquer la Constitution marocaine avec Sa Majesté qui est, je crois, le principal inspirateur de ce beau texte. Je veux dire, il y a des  relations de confiance et de respect et dans mon cas, d’admiration pour le Roi du Maroc.
 
Vous êtes un grand connaisseur du Maroc et de la vie culturelle de ce pays. Comment la qualifieriez-vous aujourd’hui ?
 
On pourra dire par comparaison avec d’autres pays du Maghreb et du monde arabe que le Maroc aujourd’hui est le pays le plus fleurissant et le plus créatif. Il y a une sorte de «nahda» marocaine. Si j’étais  espagnol, je dirais un sorte de « movida » : il y a un mouvement. Le Maroc est en mouvement et en pleine métamorphose, cela est réjouissant sur les plans  intellectuel, spirituel et artistique. Je ne dis pas que tout est parfait, aucun pays n’est parfait. On ne va pas se transformer en propagandiste, il y a certainement des choses qui demandent  à être revues. Mais il y a cet élan créateur  exceptionnel. De plus,  partout au Maroc, de Tanger à Essaouira, d’Essaouira à Meknès, à  Rabat, à Casablanca, en permanence, il y a des rencontres, des expositions, des événements et des festivals. C’est un pays non seulement d’une grande richesse historique mais d’une grande diversité contemporaine.
 
L’IMA est un acteur majeur de rapprochement culturel et de connaissance mutuelle  entre la France et le monde arabe. Comment conduisez-vous cette politique surtout avec les changements que connaît cette région?
 
La manifestation « Le Maroc aux mille couleurs » sera offerte au monde entier. La France a beaucoup de visiteurs du monde entier. Le Maroc sera l’exemple d’un pays du monde arabe qui préserve son identité, ses racines et s’ouvre sur la modernité. D’ailleurs, comme vous le savez sans doute, l’une des originalités de cet événement à l’IMA, c’est qu’il va coïncider avec un autre événement au Musée du Louvre, consacré au Maroc médiéval. Les visiteurs auront la chance de pouvoir découvrir le Maroc des racines et les fleurs contemporaines du Maroc d’aujourd’hui.
L’Institut du monde arabe est un pont entre le monde arabe et les autres pays, à travers différentes initiatives. Nous préparons pour septembre prochain, comme en lever de rideau, un symposium des différentes initiatives de la société qui surgissent un peu partout dans le monde arabe. On parle souvent du monde arabe, en raison des violences qui sont  commises en Syrie ou dans d’autres régions. De ce fait,  on donne une fausse image du monde arabe. En réalité, le monde arabe change très profondément et très positivement, nous voulons le monter tel qu’il est à travers colloques et rencontres et  ce symposium  aura lieu au mois de septembre.
 
Vous avez choisi ce site il y a 30 ans pour construire l’institut du monde arabe quand vous étiez ministre de la Culture au temps du président François Mitterrand. Est-ce que cette institution a de l’avenir encore  en France alors que certains l’ont qualifiée de « champ de ruines » ?
 
C’est vrai, au cours des dernières années, l’IMA a été confronté à quelques difficultés, surtout à l’intérieur. Mon tempérament me porte à l’action vers des projets et des réalisations. J’ai voulu établir un climat de confiance et de sérénité tourné vers le travail et l’avenir. Quand je suis arrivé à l’IMA, il y avait deux présidents. C’était un souverain de trop. Le président François Hollande a décidé,  et les pays arabes ont suivi, de réunir les deux présidences en une seule. Aujourd’hui, je suis le seul président ; alors nous progressons, nous avançons. Nous avons quelques problèmes matériels à résoudre. A l’occasion de l’événement consacré au Maroc, la tâche a été facilitée au Maroc et en France. J’espère que nous réussirons pour les autres projets à obtenir les financements nécessaires et notamment pour l’enseignement de la langue arabe.
 
Est-ce qu’il y aura des changements dans  la programmation de l’Institut sous votre présidence ?
 
C’est la première fois dans l’histoire de l’Institut qu’il y a trois grands événements la même année : L’Orient express, Le pèlerinage de la Mecque et Le Maroc contemporain à l’automne. Ces trois événements sont énormes. Nous sommes très concentrés sur la préparation et nous réfléchissons sur la programmation à venir. Parmi les idées, une programmation envisagée sur « les Arabes et la mer », un autre sur « la langue arabe » entre autres projets. Nous pouvons réaliser beaucoup de choses, mais les lieux ne sont pas assez grands.
 
Pouvez-vous commenter les relations franco-marocaines suite à la récente crise ?
 
Les relations franco-marocaines sont  des relations d’exception. Un incident diplomatique ne peut pas altérer ces relations entre les deux pays, ne peut pas altérer cette amitié très profonde entre les deux peuples. Le président français a beaucoup de respect et d’admiration pour le Roi du Maroc. Je crois que c’est réciproque et je veux me tourner vers l’avenir. J’ai été récemment au Maroc où j’ai  été bien accueilli. S’il y a des problèmes à régler, il faut les régler.  Je ne veux pas m’en mêler, je ne suis pas chargé des Affaires étrangères. Tout ce que je pourrai faire pour faciliter les choses, je le ferai. Je crois à la profondeur  des liens entre nos  deux pays. Le Maroc est aimé en France, à ce point c’est rare,  et on peut même dire adoré. C’est la même chose chez les Marocains, la France est aimée et respectée. Il n’y a pas de raison pour ne pas surmonter quelques difficultés. Je ne peux pas me prononcer davantage ; c’est un sujet que je ne  connais qu’à travers la presse. J’ai confiance  en  l’amitié profonde et durable entre les deux pays. 


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1.Posté par Khalid le 04/06/2014 14:15
Chers amis
Je voudrais juste dire à M Lang que lorsqu'il était ministre de la culture, j'ai su qu'il était aussi professeur de Droit public. Son style et son action pour la chose culturelle m'ont alors fait un peu aimer cette matière austère.

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