En Suède, l'année de césure après le bac est entrée dans les mœurs


Libé
Dimanche 15 Juin 2025

Deux tiers des jeunes Suédois prennent une année après le bac pour travailler, voyager ou se reposer avant de décider de leur orientation, une opportunité entrée dans les moeurs et dont veut s'inspirer la France.

Dans les rues de Stockholm en ce début juin, des dizaines de camions festifs parcourent la ville pour fêter la cérémonie de "studenten", qui marque la fin des années lycée. A bord, les élèves de terminale chantent, sifflent et s'aspergent de bière.

"J'ai hâte de prendre une pause d'un an avant de reprendre les études", se réjouit Viktor Wistrand, 18 ans. "Je n'en peux plus, je ne dirais pas que j'en ai marre de l'école, mais j'ai tout donné ces derniers mois".

Comme lui, près de deux tiers (62%) des jeunes Suédois choisissent d'attendre un an ou plus avant de commencer des études supérieures, selon une enquête publiée en 2022 par l'autorité publique en charge du système suédois d'aide aux études (CSN).

Seuls 38% des jeunes ont donc commencé des études immédiatement après le bac.
Cette situation tranche avec celle de la France où quelque 9.000 bacheliers seulement ont choisi "année de césure" sur la plateforme d'orientation post-bac parmi les 650.000 lycéens candidats en 2025.

La ministre française de l'Education, Elisabeth Borne, a dit le 3 juin vouloir "encourager l'année de césure post-bac, qui est répandue chez nos voisins, et qui peut être l'occasion de s'engager dans un service civique, de mener un engagement associatif, de voyager".

La Suédoise Ellen Stålnacke Nero, 28 ans, a attendu trois ans avant d'entamer ses études pour être productrice de musique, un choix qu'elle ne regrette pas.
"Quand j'ai enfin commencé à étudier, j'étais très motivée, ce qui n'aurait pas été le cas si j'avais commencé directement", se rappelle-t-elle.

Après le bac, elle est partie à Berlin, où elle a partagé son temps entre travail, réflexion sur son avenir et rencontres.
"C'était un sentiment de liberté de déménager. Je pense que c'est important pour gagner son indépendance de ne pas avoir de plan clair sur ce que l'on doit faire à cet âge", explique-t-elle.

Beaucoup de jeunes Suédois rencontrés par l'AFP ne savent pas encore quel métier ils aimeraient exercer. "Je n'ai aucune idée. C'est justement ça l'intérêt d'une année de césure, de pouvoir réfléchir sur ce qu'on veut faire", témoigne Viktor Wistrand.
Ses parents ne lui ont pas mis de pression pour qu'il aille à l'université juste après le bac, souligne-t-il.

Seuls 5% de Suédois ont commencé à étudier directement après le bac parce que leur famille le souhaitait, selon une étude publiée en 2024 par l'Agence suédoise pour la jeunesse et la société civile (MUCF).

Pour les futurs étudiants, cette coupure d'un an n'entrave pas leur orientation.
"Une année de césure n'a aucun impact négatif sur l'insertion professionnelle, si on poursuit ensuite des études supérieures", explique Linus Liljeberg, analyste à l'Institut d'évaluation des politiques du marché du travail et de l'éducation à Uppsala.

"En revanche, si on préfère entrer directement sur le marché du travail plutôt que faire des études, avoir passé des mois sans emploi peut être un frein", nuance-t-il.

Pour les étudiants en césure, il est courant de travailler partiellement pendant cette année de pause, afin de financer un voyage ou un séjour à l'étranger.
Mais parmi les jeunes qui ne travaillent ni n'étudient après le bac, certains se retrouvent avec de faibles perspectives d'avenir, selon l'expert.

"Certains choisissent de se trouver dans cette situation pendant un certain temps, parce qu'ils en ont la possibilité grâce à des parents qui peuvent les soutenir financièrement, tandis que d'autres sont découragés, ont cessé de chercher un emploi ou souffrent de problèmes psychologiques ou sociaux", explique Linus Liljeberg.

En 2023, 7,7% des jeunes de 16 à 29 ans en Suède ne travaillaient ni n'étudiaient, selon MUCF.


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