Du 06 au 30 mai, grande exposition à la Villa des arts à Rabat : Abdellatif Zine célèbre ses 50 ans de peinture


Libé
Samedi 1 Mai 2010

Du 06 au 30 mai, grande exposition à la Villa des arts à Rabat : Abdellatif Zine célèbre ses 50 ans de peinture
L'artiste peintre Abdellatif Zine souffle cette année la cinquantième bougie de sa carrière artistique.
Considéré comme faisant partie des précurseurs, Zine a tout au long de sa carrière défendu l'authenticité et la marocanité de son œuvre. Certes, il a connu plusieurs styles et tendances notamment lors de son passage à Paris dans les années 60, mais il s'est toujours refusé à verser dans le côté folklorique des choses et dans les vagues qui vantaient des styles tout à fait étrangers à notre culture et notre civilisation. Et même en revenant de France, à la suite du décès de son père, il n'a pas colporté les tendances qui prévalaient à Paris. Au contraire, il était révolté de voir la misère qu'il transpose déjà dans les années 60 dans ses œuvres. On se souviendra toujours de ses toiles intitulées « Le cri », « Les mendiants », « La révolte ».
De cette période, l'écrivain Hassan Kasri disait : « Une auréole religieuse semble planer sur les œuvres de Zine…ce cachet très local saura, nous en sommes sûrs, déverser son ruisseau dans le grand fleuve de la peinture universelle ».  El Fatimi, lui, avait ainsi décrit cette période :
« Au-delà des sentiments humains qui constituent sa trame, l'œuvre s'impose comme le chant du concret poétisé du quotidien ».
Pendant cette période, Zine avait voulu rendre hommage à l'esthétique de la lettre arabe en versant dans la calligraphie. Il entendait honorer cette langue de « Addad » comme on l'appelle, du fait que cette lettre n'existe dans aucune autre langue en montrant sa beauté et son lyrisme graphique, car l'écriture arabe constitue à vrai dire une bonne école pour le dessin tant il est vrai qu'elle permet des épanchements au niveau des caractères comme nulle autre langue.   
Une dizaine d'années après, les thèmes n'avaient pas beaucoup changé mais l'approche, elle, gagnait en maturité. C'est ce qui a fait dire à Zakia Daoud que Zine peint par touches de couleurs lourdes et légères, qui deviennent silhouettes, visages, situations et, de plus en plus, des scènes de la vie de tous les jours. Mais Zine produisait aussi des sculptures en bas-reliefs comme « Synergie symbolique » et « Gnaouas » en 1978.
Les années 80 marquaient un tournant dans l'œuvre de cet artiste, car il se consacre entièrement à la vie quotidienne  avec ses habitudes, ses réflexes, ses rituels et ses différentes manifestations. C'est en quelque sorte, comme l'a si bien dit Mohamed Khaireddine,  une ritualisation des images fondée sur le comportement ancestral imprimé à chaque tableau comme une dynamique organique, un cachet propre, une vérité ; de sorte que quiconque regarde une seule fois les travaux de Zine, ressent profondément leur authenticité. « Les cavalières », peint en 1985, « Souk », en 1988 et avant eux « Marchand d'épices » peint en 1980, en disent beaucoup sur cette période.      
L'authenticité dans les travaux de Zine allait se renforçant et  s' approfondissant  au point qu'il se consacre à la reprise de scènes qui versent beaucoup dans les rituels et les croyances. Et se sont les Gnaouas qui semblent hanter son œuvre avec cependant une nouvelle technique basée sur des touches successives qui donnent  une impression de mouvement. Et pour bien souligner cette époque, Zine a même dû faire un détour par l'événementiel en organisant des événements artistiques de portée mondiale.
Il en est ainsi de Trans'art où, sur les sons de la musique gnaouie, il projetait la peinture sur la toile à partir de l'inspiration de l'instant. C'était, en quelque sorte,  une écriture picturale de la partition gnaouie. Cette expérience a connu énormément de succès et a été très médiatisée aussi bien au Maroc qu'à l'étranger.
Sur ce même registre, il tente une autre expérience avec la musique de jazz dans « Colors of jazz », qui consistait, comme pour Gnaouas, à  transcrire en peinture les sons des instruments. Après cette expérience, il tente « Peintres sur tapis », une sorte d'art fonctionnel qui consistait à tisser, selon une série limitée, des œuvres de grands peintres marocains.
Après, vint l'expérience du sport avec « Sport'art » qui consistait à donner vie à des empreintes et des gestes de sportifs qui ne pouvaient être immortalisés. L'idée était, ainsi, d'immortaliser ces empreintes et ces gestes. Une expérience très réussie avait eu lieu concernant le tennis avec les trois champions marocains, Younès El Aynaoui, Karim Alami et Hicham Arazi.
Après, cette expérience a été étendue au vélo et à d'autres disciplines avec plus ou moins de réussite .
Commentant « Trans'art », Pierre Restany, célèbre  critique d'art français disait : « Ce qui m'a beaucoup frappé dans la démarche de Zine, c'est ces rituels de la transe, ces rituels de l'empreinte humaine sont en quelque sorte immémoriaux (…) et en même temps, ils viennent se greffer sur des recherches extrêmement modernes. Et c'est en cela que l'on peut parler, plus encore de la modernité, de la « post-modernité » de Zine.
Concernant « Color of jazz », Jean-Marie Tasset écrivait dans Le Figaro, reprenant des propos de Zine : « Les sonorités m'inspirent les couleurs. Je pars du son brut pour donner une calligraphie jazzy (…) les signes que je trace sur le tableau n'ont aucun sens. Ils sont indéchiffrables mais possèdent une charge émotionnelle ».
Le passage au XXIe siècle n'a pas incité Zine à changer de style; au contraire il a maintenu sa conception et ses thèmes de prédilection. Pour Charles-Claude Mollard, « il y a deux artistes en Zine. Le paysagiste, l'expressionniste de scènes de genre, le peintre de l'âme du Maroc, le coloriste qui s'inscrit naturellement dans la filiation de Delacroix. Mais aussi l'artiste en rupture de ban, l'inventeur de nouvelles formes d'expression, le poète des empreintes du monde à la recherche de ses marques évolutives ».     
A ce titre, Zine est sans conteste l'un des meilleurs promoteurs de la culture marocaine telle qu'elle doit être présentée aux étrangers.  Il  en saisit la profondeur et la signification pour la présenter selon une optique artistique très élaborée esthétiquement. D'ailleurs, les événements qu'il a réalisés ont été derrière l'arrivée de nombreux touristes au Maroc dont des Japonais notamment, et ce après que la chaîne de télévision nippone NHK avait diffusé un documentaire réalisé sur Zine et la ville de Marrakech et qui avait fait sensation au pays du Soleil levant.
D'autre part, Abdellatif Zine ne cesse d'œuvrer sur le plan associatif et syndical pour le bien-être, la considération et la reconnaissance  des artistes. Il est derrière la création de plusieurs associations et syndicats grâce à qui la situation des artistes commence à s'améliorer nettement.
Célébrer cinquante années de création c'est, certes célébrer  l'œuvre de cet artiste mais c'est célébrer, aussi et surtout,  l'homme, le personnage qui a donné beaucoup d'éclat et de rayonnement à la peinture marocaine et dont les sacrifices et les actions pour autrui soulignent la générosité et la grandeur.  Car la grandeur de l'âme de Zine n'a d'égale que la générosité de son œuvre.    


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