Corruption et financement libyen : Sarkozy à l’heure du jugement


Libé
Mercredi 24 Septembre 2025

La justice française tranche jeudi une accusation lourde qui laisse planer sur Nicolas Sarkozy la menace d'un emprisonnement: le dictateur libyen Mouammar Kadhafi l'a-t-il corrompu en finançant son accession à la présidence de la République en 2007 ?

Le jugement sera lu lors d'une audience qui devrait durer plusieurs heures jeudi matin au tribunal correctionnel de Paris. L'ancien président, qui a passé de longues heures à la barre lors du procès début 2025, devrait être présent.

Pour prix de ce qu'ils ont dépeint en "pacte de corruption faustien avec un des dictateurs les plus infréquentables de ces trente dernières années" ayant pour but d'étancher sa "soif de pouvoir", les représentants du Parquet national financier (PNF) avaient réclamé fin mars sept ans de prison contre l'ancien chef de l'etat, au terme de trois mois de procès.

Il s'agit de la peine la plus lourde des réquisitions visant les douze prévenus, parmi lesquels figurent des proches de Nicolas Sarkozy, 70 ans, présenté par les procureurs comme un "commanditaire" autant qu'un bénéficiaire.

Aux côtés d'un aréopage d'intermédiaires et d'hommes d'affaires sulfureux, ont notamment comparu Brice Hortefeux, l'ancien ministre et l'ami, et Claude Guéant, chef d'orchestre de la campagne de 2007 avant de devenir secrétaire général de l'Élysée.

En échange de l'argent, selon l'accusation, Nicolas Sarkozy aurait notamment favorisé le retour sur la scène internationale de la Libye, et se serait engagé à absoudre le beau-frère du Guide, Abdallah Senoussi, condamné à la perpétuité pour son rôle dans l'attentat du DC-10 de l'UTA qui avait coûté la vie à 170 personnes en 1989.
En cas de condamnation jeudi, un appel serait probable, tant Nicolas Sarkozy n'a eu de cesse de clamer son innocence depuis 2011.

Ce recours repousserait vraisemblablement de plusieurs mois la menace de la prison. Mais une condamnation définitive supérieure à deux ans ferme ne pourrait pas être aménagée, par la pose d'un bracelet électronique par exemple.

Pendant plus d'une décennie, Nicolas Sarkozy, contre qui le parquet a également requis 300.000 euros d'amende et cinq ans d'inéligibilité, a crié à l'"infamie" et répondu aux journalistes qu'ils devraient avoir "honte" d'évoquer l'affaire. Durant les trois mois de procès, le vocabulaire a pu varier, pas la proclamation d'innocence.

Il n'y a "aucune preuve", "rien", "pas un centime libyen", "pas le début d'un commencement de financement", a martelé un Nicolas Sarkozy lassé de se "justifier sur des preuves qui n'existent pas!".

Initialement portées par des dignitaires de l'ancien régime, les accusations ne seraient selon lui que le fruit d'un complot ourdi par le clan Kadhafi pour se venger de son rôle déterminant dans la chute du dictateur en 2011.

Pour ses avocats, les enquêteurs n'ont pas trouvé trace d'argent libyen dans les fonds de campagne, d'enrichissement personnel ni d'intervention de Nicolas Sarkozy.

"Se faire financer sa campagne par Kadhafi", ce serait "aussi con que de se faire payer ses costards par (Robert) Bourgi", a confié durant l'instruction un collaborateur de l'époque, David Martinon, en référence au scandale qui a ruiné la campagne de François Fillon à la présidentielle de 2017.

Alors conseiller diplomatique, il appartenait à la petite équipe dévouée corps et âme à Nicolas Sarkozy au moment des faits allégués, entre l'automne 2005 et la présidentielle 2007, une période très particulière de son destin politique: rien ni personne ne semblait alors en mesure d'entraver sa marche triomphale vers le pouvoir suprême.
Près de deux décennies plus tard, cette affaire libyenne n'est pas la seule dans laquelle est englué l'ancien président, condamné à l'issue de ses quatre précédents procès.

Définitivement condamné à un an de prison ferme dans l'affaire dite des écoutes, Nicolas Sarkozy a dû porter entre janvier et mai un bracelet électronique à la cheville, sanction inédite pour un ancien chef de l'Etat. Il a déposé un recours devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).

Il a par ailleurs été condamné en appel à un an de prison, dont six mois ferme, dans l'affaire Bygmalion sur le financement de sa campagne présidentielle de 2012: son pourvoi en cassation doit être examiné le 8 octobre.


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