Cet Occident qu’on admire…


Par Najma Zaghrioui
Lundi 14 Décembre 2015

La femme française ou européenne, une fois mariée, porte le nom de son conjoint. Cela n’est-il pas une atteinte à la dignité de la femme ? Une fois divorcée puis remariée, elle portera le nom du nouveau conjoint. Cela est bien répandu et semble une coutume ordinaire chez nos amis les Occidentaux !
J’ai posté cette question, qui m’a toujours intriguée, sur le fameux réseau social Facebook. J’ai eu quelques réponses ; des réponses décevantes. 
Les Marocains qui m’ont répondu, ont défendu ladite coutume : la femme européenne est libre de choisir de porter ou non le nom de son conjoint ; ce n’est qu’une tradition qui n’atteint guère à sa liberté de choisir comment on devrait l’appeler. Mieux encore, ses enfants peuvent porter son propre nom à elle. 
Des réponses qui laissent entendre qu’on est encore ahuri par la vie à l’européenne. Cette expression de « vie à l’européenne » est vague certes, mais je fais juste allusion à un ensemble de valeurs qui sont étrangères à notre culture. 
Porter un nom autre que celui de ma famille est une atteinte à ma dignité, tout simplement. En ayant celui du conjoint, je perds mon indépendance en tant que personne. Ma propre culture et non celle de l’autre m’a appris à réfléchir ainsi. 
«Je suis libre et autonome» : cette phrase n’est-elle pas celle qu’on me demande d’apprendre jour et nuit ? Etant de bons élèves d’un Occident qui nous dicte souvent ces principes, a-t-on encore le droit de lui poser des questions
sur ce qui nous intrigue et de le critiquer ?  
On admire l’Occident. On l’a toujours admiré d’ailleurs pour son développement économique et scientifique surtout. 
En 1798, quand Bonaparte a mené sa Campagne d’Egypte, un nombre d’historiens, de botanistes, de techniciens et de dessinateurs l’ont accompagné pour découvrir les richesses de l’Orient, ses terres, sa civilisation, etc. 
A travers ces savants et scientifiques, les musulmans ont eu une occasion, bien que mauvaise, de découvrir le nouveau Occident. Ce dernier avait déjà vécu sa révolution industrielle : l’Europe connaissait des progrès techniques, un essor économique important et une pensée développée. 
La «modernité» est venue pour s’imposer violemment dans des sociétés décrites souvent comme étant traditionnelles. Au 19ème siècle même, on a commencé à apprendre des notions nouvelles, telle que la démocratie, la liberté, l’égalité et bien d’autres. Néanmoins, ce n’était pas pour la première fois que les musulmans faisaient connaissance de l’Occident, ils avaient déjà traduit et expliqué la philosophie grecque des siècles auparavant ; mais cette fois, il était très avancé. Pire encore, il était venu pour une campagne d’expansion coloniale. Il était en position de force vu son développement technique notamment. 
Dès lors, les musulmans ont commencé à se poser la question suivante : Devrions-nous apprendre de
l’Europe ou bien rejeter tout ce qui nous vient d’elle ? N’oublions pas que l’Occident jouait le rôle du fort colonisateur qui venait pour perturber tout un système de pensée.  Cette admiration du développement de l’Occident, de la grandeur de sa pensée, de son humanisme ne nous a jamais quittés.
Aujourd’hui encore, notre propre développement est mesuré par rapport à lui. Les bonnes valeurs et les bonnes conceptions sur l’éducation, la vie, la liberté, la laïcité sont celles venues d’Europe. Nous commençons même aujourd’hui à prendre soin de définir des notions clés d’une façon à ne jamais « déranger » l’autre : la religion, la vie, la mort, l’existence, la foi.  Nous prétendons qu’être moderne signifie obligatoirement « faire comme un Européen », « penser comme un Européen», «agir comme un Européen ». Or c’est faux. Prendre l’Occident comme modèle  juste parce qu’il est plus « développé » est une erreur. C’est même une soumission, une humiliation. C’est à partir de notre culture, de nos traditions et notre système de pensée que nous devrions faire un pas en avant. 
La dépendance morale vis-à-vis de l’autre n’aboutit à aucun résultat. Admirons l’Occident comme on veut, mais soyons libre de penser, autonome et surtout appartenons à notre culture. 


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