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« Le dernier scrutin a été marqué par la présence importante de candidats d’origine marocaine sur les listes électorales. Notamment dans les communes à forte population issue de la migration marocaine (Linkebeek, Rhode-Saint-Genèse, Molenbeek-Saint-Jean, Saint-Gilles…). Tous les partis politiques belges, toutes tendances confondues, sauf celui de l'extrême droite, à savoir le "Vlaams Belang", ont misé sur des candidats belgo-marocains afin de capter les voix des Marocains ou des Belgo-Marocains », nous a indiqué Lahcen Hammouch, journaliste et directeur d’Almouwatin Radio et TV à Bruxelles.
Hassan Bousetta et Marco Martiniello, deux chercheurs, ont, pour leur part, expliqué dans un article intitulé « Marocains de Belgique : du travailleur immigré au citoyen transnational », que l’inscription originale de l'immigration marocaine dans l'espace politique en Belgique est due à la très grande propension des Marocains à acquérir la nationalité belge et à son renforcement par des mécanismes institutionnels au premier rang desquels le mode de scrutin. « Le système électoral belge, par son mode de représentation proportionnelle et son scrutin de liste autorise le vote préférentiel », précisent les deux chercheurs.
Pourtant, Lahcen Hammouch estime que s’il y a une évolution notable du nombre des candidats au niveau quantitatif, le qualitatif laisse à désirer. « Une grande majorité des candidats sont des acteurs associatifs ou des sans-emplois. Une grande partie d’entre eux est âgée entre 18 et 27 ans. La tranche d’âge des 35-55 ans constitue une minorité. Ces candidats n’ont ni l’expérience politique ni la formation adéquate. Beaucoup d’entre eux sont sans diplômes ou à la recherche d’emploi. Les élections constituent pour certains une occasion ou un tremplin pour accéder au marché du travail et les partis politiques traditionnels exploitent leur situation dans le seul but de récupérer les voix des communautés d’origine. On peut parler de marchandage politique», nous a-t-il expliqué. Et de poursuivre : «Cette situation n’a rien de bénéfique pour la démocratie et le fonctionnement des institutions puisqu’elle risque d’altérer leur bon déroulement ».
Concernant l’efficacité politique des élus issus de la migration marocaine, notre source observe qu’il y a un décalage entre l’implication forte des Belgo-Marocains dans le débat public, leur investissement dans le champ politique et leur impact réel sur les questions relatives à la communauté marocaine résidant en Belgique. « Il y a de plus en plus de Belgo-Marocains qui occupent des responsabilités importantes au niveau de l’Etat. Ces personnes ont une grande compétence et une expérience politique mais leur efficacité est restreinte. En fait, l’équation politique en Belgique fait que les chefs des partis, les têtes de listes électorales, … sont des Belges de souche et ce sont eux qui décident. Les élus marocains jouent souvent le rôle d’intermédiaires sociaux dont la mission consiste à accompagner et à faciliter les tâches administratives ».
Même constat au niveau des relations avec le pays d’origine. Peu de politiques issus de la migration défendent les positions du Maroc au niveau des institutions belges. « Ils sont conditionnés par leurs partis et n’ont pas la possibilité de dire ce qu’ils pensent. Les décisions sont prises au niveau des présidents des partis et des grands conseils. Jusqu’au jour d’aujourd’hui, ces politiques n’ont pas une position claire sur certaines questions importantes comme l’immolation rituelle de l’Aïd El Kébir, la place de l’islam, le port du voile, les produits halal… En fait tout le monde sait que les partis politiques traditionnels sont, au fond, opposés à toutes ces thématiques », nous a expliqué Lahcen Hammouch. Un constat qui n’a rien de nouveau, puisque Hassan Bousetta et Marco Martiniello ont observé cette inefficacité depuis les premières années d’implication des Belgo-Marocains dans le champ politique belge. En effet, ces deux chercheurs avancent que si le degré de représentation atteint par les populations issues de l'immigration à Bruxelles est plutôt encourageant, les élus d'origine étrangère restent confrontés à d'importantes difficultés et à des limitations patentes sur le plan de leur efficacité politique. « Ils n'ont pas encore pu faire la démonstration claire de leur capacité à transformer leurs victoires électorales et leur présence dans les assemblées bruxelloises en victoires politiques notamment en ce qui concerne les dossiers considérés comme prioritaires par leurs électeurs. Par ailleurs, bien que la représentation des Belges d'origine étrangère soit supérieure à leur poids démographique au niveau des communes bruxelloises, leur poids à l'intérieur des structures de direction des partis reste marginal. Ces derniers semblent également être soumis à des formes d'instrumentalisation au profit des intérêts stratégiques des partis, bien plus fortes que celles qu'ont à subir leurs homologues belges. Dans un contexte où tous les partis politiques, à l'exception de l'extrême droite, visent à séduire le segment antiraciste et ethnique de l'électorat bruxellois - les observateurs les mieux avisés en ignorent l'ampleur, mais les stratèges des partis croient en percevoir l'importance croissante -, la probabilité d'utiliser les candidats issus de l'immigration à des fins purement instrumentales est forcément très grande», concluent-ils.