Au Liban, d'irréductibles paludiers défendent leurs derniers marais


Mardi 22 Août 2017

Pendant un demi-siècle, Elias al-Najjar a récolté le sel dans des bassins sur la rive libanaise de la Méditerranée. Mais aujourd'hui, comme ses collègues, cet homme de 93 ans redoute la mort de son métier. La production traditionnelle de sel le long de la côte, autrefois populaire au Liban, ne survit aujourd'hui que dans une seule localité balnéaire, celle d'Anfé, à environ 80 km au nord de Beyrouth. Les marais salants ont souffert de l'exode des paludiers durant la guerre civile (1975-1990) et de la suppression des tarifs douaniers pour le sel importé. "Je produisais 300 tonnes dans les années 1950. Aujourd'hui, j'en produis 30, au mieux", dit M. Najjar. Les gardiens du métier, qui se voient refuser des permis d'entretien de leurs infrastructures, ont peur que le gouvernement ne veuille se débarrasser d'eux pour laisser la place à des projets immobiliers en bord de mer.
Si les autorités "ne peuvent pas détruire les vasières, elles veulent les rendre inutilisables afin que cela soit plus facile à des gros poissons de les acheter pour y construire des complexes touristiques", affirme Hafez Jreij, un paludier de 67 ans. "Les terrains où se trouvent les bassins vont être cédés à des promoteurs qui veulent ériger des stations balnéaires", assure-t-il. Mais la porte-parole de la municipalité, Christiane Nicolas, nie toute intention du conseil municipal de détruire le secteur. Le gouvernement "estime que les bassins sont un empiètement sur la propriété publique", mais "il n'y a pas de preuve que les autorités veuillent céder ces terrains à des promoteurs", dit-elle à l'AFP. Pendant l'âge d'or de la production traditionnelle de sel au Liban, entre 1955 et 1975, celle-ci s'élevait annuellement à 50.000 tonnes, relève Hafez Jreij.
A l'époque, "le Liban n'avait pas besoin d'importer du sel et l'Etat avait imposé une taxe douanière de 200%" sur le sel étranger. Mais avec le début de la guerre civile en 1975, beaucoup de paludiers ont quitté le pays. La production de sel libanais a baissé, ne suffisant plus à satisfaire la demande intérieure et poussant le gouvernement à lever en 1990 cette taxe douanière. Puis, le secteur étant en chute libre, le gouvernement a annoncé qu'il considérait beaucoup de vasières comme des constructions illégales installées sur le bien-fonds maritime. Les autorités ont cessé en 1994 de collecter l'impôt sur le revenu lié à la production de sel. Et la municipalité d'Anfé a commencé à rejeter des demandes de renouvellement de permis de maintenance des bassins. Selon les paludiers, ce refus tue graduellement l'industrie car chaque année un nombre toujours plus grand de marais deviennent inutilisables.

 


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