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​Le personnel soignant en quête de reconnaissance

Les petites primes proposées ne font pas l'affaire


Chady Chaabi
Mardi 11 Août 2020

Epuisé et éreinté après cinq mois en première ligne dans la lutte contre le Covid-19, le corps médical, les infirmiers et les techniciens en particulier, est aujourd’hui aussi abasourdi que révolté par le manque de considération du ministère de la Santé à son égard. Entre des primes dérisoires, des congés refusés et des modalités de déplacement de plus en plus compliquées, le personnel soignant ne décolère pas. Les témoignages sur les réseaux sociaux affluent ces derniers jours. Et ils sont pour le moins édifiants. 

Des primes dérisoires 
Entre 1000 et 3000 DH, c’est le montant des primes accordées aux cadres et personnel soignant mobilisés pendant la crise sanitaire pour cinq mois de bons et loyaux services. En détail, les cadres soignants bénéficieront d’une indemnité de 3.000 dirhams. Pour le personnel des urgences et des services de réanimation, le montant s’élèvera à 2.000 dirhams. Le reste du personnel devrait toucher 1.000 dirhams, pour les efforts fournis ces cinq derniers mois. Un montant dérisoire qui plus est quand on sait qu’il ne reflète pas la réalité. « En comptant les coupures dans mes salaires, relatives à notre participation au Fonds de solidarité Covid-19, soit 690 DH à raison de 230 DH par mois, il ne reste en réalité que 310 DH de la prime. Et si je divise ce montant sur mes cinq mois de travail acharné, on est à hauteur de 62 DH par mois. Soit 2 DH par jour », s’offusque un infirmier sur les réseaux sociaux. En effet, si ce dernier n’a pas directement été affecté aux services Covid-19, il n’en reste pas moins que par un effet de domino, il a forcément eu plus d’efforts à fournir en l’absence du personnel affecté aux structures dédiées aux patients Covid. Et le cours de mathématiques ci-dessus s’applique à ces derniers aussi. 
Dans ces conditions, comment ne pas se sentir inconsidéré voire dévalorisé ? Pourtant, les sacrifices consentis mériteraient des récompenses raisonnables à défaut d’être vraiment significatives et surtout en phase avec les services rendus. On pense notamment à ce soignant qui a surpassé sa douleur infernale au dos pour être sur le pied de guerre. « Mon certificat médical a été refusé, malgré ma hernie discale. Du coup, j’ai été obligé de me gaver d’anti-inflammatoires en plus d’infiltrations de corticoïde afin de pouvoir tenir mon poste», se désole-t-il. 

Des congés mérités mais interdits
Au-delà des considérations financières qui sont naturellement importantes, les congés sont également au centre des préoccupations du personnel soignant. Pour planter le décor, rappelons qu’en début de semaine dernière, le ministère de tutelle a acté la suspension des congés « à partir du 3 août 2020 et jusqu'à nouvel ordre ». Une décision impliquant le retour « des personnes en bénéficiant actuellement à leurs postes dans un délai de 48 heures ». Selon ledit ministère, cette décision est motivée par « l'évolution de la situation sanitaire de notre pays ». Elle a été également justifiée par le fait que le ministère a prévenu en accordant des congés de moins de 10 jours tout au plus que « les bénéficiaires pouvaient être rappelés à tout moment ». Sauf que mettre tout le monde dans le même panier est loin d’être juste. 
Et pour cause, le corps médical est à l’œuvre 24/24, sans parler de ceux qui intègrent les structures d’accueil des patients Covid-19. Ils sont encore plus sujets à la fatigue physique et surtout mentale. Car quand ils y rentrent, ils n’ont plus le droit d’en sortir. Forcément, ces personnes ont des familles et des vies. On ne vous cache pas qu’ils attendaient les congés fébrilement. Mais la décision de les en priver a été ressentie comme une chape de plomb. Encore plus pour ceux engagés par le ministère l’année dernière. Pour ceux qui l’ignorent, selon l’article 40 du Dahir portant statut général de la fonction publique, un fonctionnaire ne peut prétendre à un congé qu’au bout de douze mois de service. Donc, ils sont nombreux ceux qui travaillent sans relâche non pas depuis cinq mois mais depuis au moins un an. A la lumière de ces éléments, l’indignation des infirmiers n’est pas dénuée de sens. Encore plus quand ils sont traités comme tout un chacun.

Des déplacements contrôlés 
On ne va pas se raconter d’histoires, en ces temps de pandémie, le personnel soignant doit plus que jamais être traité au-dessus de la mêlée, même si, à dire vrai, cela devrait être le cas tout le temps. Alors imaginez la stupeur de plusieurs soignants, quand ils ont été obligés de justifier plus que de raison, leurs déplacements professionnels : « Insupportable », évacue l’un d’entre eux avant de poursuivre : « C’est incroyable que l’on m’empêche de prendre le train car mon autorisation de déplacement professionnel n’est pas cachetée par les autorités locales. Le personnel soignant doit pouvoir aller à son lieu de travail sans entraves, surtout en période de pandémie ». 
S’il en fallait encore une, ceci est une preuve de plus du manque de considération dont souffre le corps médical et particulièrement les infirmiers et techniciens. Certes, ça ne date pas d’hier. Ça a toujours été le cas malheureusement. Mais aujourd’hui, la donne a changé. L’Exécutif se doit d’être aux petits soins avec ses chevilles ouvrières dans la lutte contre le Sars-Cov2. Mais le cours de l’histoire n’en prend pas le chemin. A présent, avec autant de préoccupations et un sentiment d’injustice tenace, on se demande comment le personnel soignant peut se donner à fond dans l’exercice de ses fonctions alors que, peut-être, le pire est à venir. Une chose est sûre, il ne lésinera jamais sur ses efforts pour continuer à sauver des vies. Charge au gouvernement de lui offrir des conditions à la hauteur de son engagement.  


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