Violences conjugales en Chine: un long combat, et plus de porte-parole


AFP
Jeudi 7 Août 2014

Violences conjugales en Chine: un long combat, et plus de porte-parole
Les violences ont commencé un mois après le mariage. Puis Ma Shuyun et sa petite fille ont été battues pendant deux ans, recevant gifles et coups de pieds de la part de leur mari et père : il aurait voulu avoir un fils.
Une nuit, après que Mme Ma avait appelé la police à l’aide, son mari — assisté de sa belle-mère— l’a enveloppée dans une couette et s’est assis sur elle jusqu’à ce qu’elle commence à perdre connaissance. 
Après quoi, la police a arrêté non pas le mari mais le frère aîné de Mme Ma, accouru pour la sauver, au prix d’une rixe avec l’époux. 
Les policiers «ont trouvé que mes blessures n’étaient pas assez graves, que c’était juste une dispute conjugale», dit cette femme de 36 ans.
Le mari demande maintenant le divorce, la garde de leur fille et veut qu’elle lui paie une pension alimentaire mensuelle de 1.500 yuan (178EUR). 
Un tribunal a rejeté la plainte de Mme Ma contre son époux pour absence de preuve. Son frère est en prison depuis huit mois. 
Ce genre d’affaire est monnaie courante en Chine, où la violence conjugale toucherait un quart des familles, les autorités refusant d’intervenir dans ce qu’elles considèrent comme un problème «privé», selon Hou Zhiming, une militante de la première heure des droits des femmes qui a conseillé Mme Ma. 
En 1995, Pékin a accueilli la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, à l’issue de laquelle un plan international pour promouvoir les droits des femmes a été lancé. 
Mais la Chine ne s’est toujours pas dotée d’une loi propre sur les violences faites aux femmes et le Réseau anti-violence conjugale (ADVN), le groupe le plus influent du pays sur le sujet, a récemment annoncé sa dissolution-surprise.
Dans les années 1990, la violence physique n’était pas encore reconnue comme motif de divorce en Chine. Ce n’est qu’en 2001 qu’une modification de la loi sur le mariage a formellement interdit la violence conjugale. 
«Il y a vingt ans, le gouvernement était dans le déni total. Mais au fil des années, les défenseurs des droits ont travaillé pour que le sujet ne soit plus considéré comme une affaire privée et familiale mais bien comme un crime», rappelle Joan Kaufman, directrice du Columbia Global Centers pour l’Est asiatique.
Si les postures officielles ont évolué, la violence est toujours présente dans environ une famille chinoise sur quatre, selon la Fédération des femmes chinoises, émanation du parti communiste au pouvoir.
Aucune loi ne définit la violence conjugale et de nombreuses victimes —celles du moins qui osent se plaindre— sont renvoyées de bureau de police en comité de quartier et à la Fédération des femmes.
Le Parlement chinois a accepté en 2012 d’examiner un projet de loi présenté par des militantes sur ce sujet, mais aucun texte n’a pour l’instant été voté. 
En avril, la direction de l’ADVN a justifié son auto-dissolution en assurant avoir «rempli l’essentiel» de sa mission.
Mais certaines anciennes responsables du réseau —plusieurs ont refusé de s’exprimer sur ce point— avancent que son influence grandissante aurait précipité sa chute. 
«Il y a un problème général de relations entre le gouvernement et beaucoup d’ONG», a déclaré l’une d’entre elles, sous couvert d’anonymat. «Ils ne veulent pas que les organisation issues de la société civile critiquent le gouvernement et insistent trop sur les phénomènes négatifs en Chine.»
Ces dernières années, plusieurs affaires très médiatisées ont attiré l’attention sur ce sujet encore tabou en Chine. 
L’Américaine Kim Lee avait choqué le pays en 2011, en postant sur Internet des photos des blessures que lui avait infligées son mari de l’époque, le Chinois Li Yang, célèbre fondateur de l’école linguistique «Crazy English». 
Mme Lee a obtenu son divorce l’an dernier, lors d’un jugement qui a fait date. Son ex-mari continue lui de se vanter de ses brutalités, allant jusqu’à s’auto-proclamer «porte-parole de la violence conjugale»... à ses yeux légitime. 
En juin, la Cour suprême chinoise a annulé la condamnation à mort de Li Yan, une femme qui avait tué son mari violent. 
Quant à Mme Ma, elle qui pratiquait les danses de compétition, a vu sa santé se détériorer, à force de vivre dans la terreur d’un époux qui restreignait ses déplacements et la frappait lorsque les tâches domestiques n’étaient pas accomplies assez vite à son goût.
«Je ne suis pas juriste. Je ne suis pas officier de police. Mais nous savons que chacun est responsable de ses actes. Le comportement de mon mari ne justifie-t-il pas une sanction?», s’étonne-t-elle.
«Si mon frère n’était pas intervenu, je ne serais peut-être pas assise ici en train de vous parler.»


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