Un "refuge" signé Le Corbusier renaît pour les plus démunis


Mercredi 6 Juillet 2016

Il y a plus de 80 ans, Le Corbusier créait en France pour l'Armée du Salut la Cité de Refuge, un havre de paix pour les plus démunis. Plusieurs années de travaux ont fait revivre ce bâtiment parisien méconnu.
C'est un vaste paquebot amarré dans le XIIIe arrondissement de Paris. Une fois franchie la passerelle, des naufragés de la société, hommes et femmes sans abri, familles en situation précaire, respirent, se reconstruisent: pour les 292 résidents, c'est l'espoir de repartir d'un bon pied.
La Cité de Refuge a été conçue en 1929 par l'architecte et urbaniste Le Corbusier et par son cousin et associé Pierre Jeanneret, à la demande de l'Armée du Salut. Sensible aux avant-gardes, la généreuse mécène Winnaretta Singer, princesse de Polignac, avait soufflé le nom du grand architecte pour réaliser ce projet social très ambitieux. Il s'agit de créer une "cité" où "toutes les misères, où l'errant, le chemineau, le fatigué, le désespéré, le meurt-de-faim, le sans-taudis, le sans-foi, le sans-Dieu, pourra venir, avec la certitude d'être accueilli", selon les mots d'Albin Peyron, directeur de l'Armée du Salut à l'époque.
Hébergement, crèche, ateliers de formation ou d'apprentissage... Le projet permet alors à quelque 500 personnes de vivre, dormir et travailler dans un espace aéré et lumineux. Construit en ciment armé, le bâtiment comprend notamment un système innovant de chauffage et de ventilation et une façade entièrement vitrée, redessinée après-guerre pour être dotée d'un système de brise-soleil.
Mais au fil des décennies, les couleurs bleu outremer, ocre et rouge de la façade - qui rappellent le drapeau de l'Armée du Salut - pâlissent, la Cité de Refuge se dégrade.
En 2007 est donc lancé un projet de réhabilitation de l'Armée du Salut et du "Centre espoir" attenant, qui sert aussi d'hébergement.
Aujourd'hui, après des mois de travaux, le hall d'entrée a retrouvé sa lumière, les dortoirs ont été transformés en chambres individuelles ou petits studios, des espaces communs ont été aménagés...
Frédéric Calberes, 35 ans, qui habite les lieux depuis six ans, a connu "l'avant" et "l'après". Et il ne regrette pas les anciens dortoirs, associés aux "disputes" et à la "promiscuité".
"J'étais serveur, je rentrais à 2H00, 3H00, je réveillais tout le monde, puis la lumière s'allumait automatiquement à 7H00. Moi, je n'ai pas tenu, j'ai abandonné mon boulot", raconte cet homme frêle aux cheveux corbeau.
Pour faire découvrir la "cité" rénovée et un peu de l'"esprit" Le Corbusier, une poignée des résidents conduit désormais des visites guidées, emmenant les visiteurs du vaste hall d'entrée aux coursives qui desservent les chambres, en équipe avec un architecte.
Kamel Agrebi est l'un d'eux. "L'architecte connaît pierre par pierre le bâtiment, moi je leur parle plutôt de la vie sociale. J'habite ici, je m'y sens très bien. L'espace, la lumière, la liberté... vous vous rendez compte, j'habite un bâtiment qui est classé monument historique!"
Pour l'association, fondée par un pasteur anglais et créée en France à la fin du XIXe siècle, ces visites guidées sont une façon de faire perdurer le projet social du Refuge et de répondre à la demande du public.
Car depuis sa rénovation et quelques articles dans la presse, le bâtiment suscite la curiosité. "On est très sollicités", confie Christophe Piedra, directeur de l'établissement. "L'idée, c'est aussi de faire venir des gens qui n'ont pas l'habitude de venir dans un centre d'hébergement".

 


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