
Autres articles
-
Les stades du Maroc portent-ils des noms qui honorent son histoire et sa culture ?
-
Une grande mobilisation militante face à d’importants enjeux politiques
-
La clé de la santé publique mondiale
-
Scandale des masters : Absence de valeurs ou besoin d’un mythe fondateur
-
Le coût réel de la pollution des océans par les plastiques
Alors qu’il est possible de le prévenir et de le guérir, le paludisme demeure extrêmement meurtrier en Afrique. En 2023, le continent représentait environ 95% des 597.000 décès causés par le paludisme à travers le monde, dont 76% concernaient des enfants de moins de cinq ans.
L’éradication de ce fléau, qui fait obstacle aux objectifs de développement ainsi qu’à l’accomplissement de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, est cependant à portée de main. Neuf Etats membres de l’UA – Algérie, Cap-Vert, Egypte, Lesotho, Libye, Maroc, Maurice, Seychelles et Tunisie – sont aujourd’hui débarrassés du paludisme, grâce à un engagement politique soutenu, ainsi qu’à des investissements publics intelligemment axés sur les soins de santé de base, la surveillance des maladies et la prise en charge des patients. Il est nécessaire que les pays africains les plus impactés par le paludisme s’inspirent de cette démarche.
Par exemple, la stratégie cap-verdienne d’éradication du paludisme a consisté en une approche multisectorielle, dans le cadre de laquelle l’Etat a travaillé en étroite collaboration avec les communautés locales et les organisations internationales.
Le plan d’action à volets multiples appliqué par l’Egypte prévoyait notamment pour sa part de solides programmes de formation pour les professionnels des soins de santé de base. La mise en œuvre de ces interventions coordonnées a nécessité de la volonté politique, mais surtout des financements nationaux accrus.
Dans l’ensemble, les efforts déployés par l’Afrique pour lutter contre le paludisme – notamment l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticide, la pulvérisation en intérieur et la chimioprévention saisonnière (qui consiste à prescrire aux enfants un traitement mensuel de médicaments antipaludiques) – ont conduit à une diminution considérable du nombre de décès causés par le paludisme sur le continent, qui est passé de 805.000 en l’an 2000 à 569.000 en 2023. (La pandémie de COVID-19, associée à l’émergence d’une résistance partielle à l’artémisinine, médicament bien connu contre le paludisme, a provoqué une brève augmentation de ce nombre, qui a atteint 598.000 en 2020.) Ces progrès n’en demeurent pas moins fragiles, notamment parce que de nouveaux types de moustiques apparaissent, que la résistance aux insecticides augmente, que le changement climatique s’aggrave, que les crises humanitaires deviennent de plus en plus fréquentes et, plus important encore, parce que l’insuffisance des financements mondiaux contre le paludisme se creuse.
En 2023, seulement 4 milliards $ ont été mobilisés pour l’éradication du paludisme, un montant très inférieur à l’objectif annuel de 8,3 milliards $, et légèrement inférieur aux 4,1 milliards $ réunis en 2022. Ce problème est encore plus préoccupant en Afrique, où l’aide étrangère dans le domaine de la santé a chuté de 70% entre 2021 et 2025.
Par ailleurs, la plupart des États africains consacrent moins de 10% de leur budget national au secteur de la santé, bien en dessous de l’objectif de 15% fixé par la Déclaration d’Abuja de 2001. Compte tenu de l’incertitude qui entoure l’avenir de l’aide étrangère, il est nécessaire que les gouvernements africains reconnaissent le paludisme comme une priorité en matière de développement, et qu’ils investissent davantage dans les efforts de contrôle et d’éradication de cette maladie. Cela signifie puiser dans des ressources inexploitées, parmi lesquelles les envois de fonds par la diaspora africaine, qui représentent chaque année 95 milliards $.
Plusieurs instruments de financement innovants, tels que les «obligations diaspora», pourraient soutenir le programme de santé publique du continent. Les prélèvements de solidarité sur le tabac, l’alcool, les transactions mobiles et les billets d’avion pourraient également générer plusieurs milliards de dollars à l’appui des services de santé. Pour améliorer l’accès à la prévention, au diagnostic et au traitement du paludisme, il sera nécessaire de renforcer les systèmes nationaux de couverture santé.
Au moyen de financements mixtes, il est possible de mobiliser des capitaux privés pour la recherche et le développement liés au paludisme, ainsi que pour la fabrication locale de produits thérapeutiques. D’après les projections, le marché de la santé en Afrique représentera 259 milliards $ d’ici 2030. Les dirigeants politiques doivent saisir cette opportunité pour établir des partenariats public-privé efficaces, faire progresser les solutions de livraison du dernier kilomètre, ainsi que pour améliorer la surveillance et la lutte antivectorielle.
Ce serait investir à la fois dans le présent et dans l’avenir de l’Afrique, puisque chaque dollar consacré à la lutte contre le paludisme et à son éradication génère un rendement spectaculaire de 36 $ en termes de croissance économique. Une population libérée du paludisme est plus susceptible d’accéder à l’éducation, et de contribuer ainsi au développement socio-économique du continent.
Mon message est clair : investir dans la lutte pour l’éradication du paludisme ne constitue pas seulement un impératif sanitaire et économique, mais également un acte de justice. Cette maladie impacte de manière disproportionnée les populations africaines les plus démunies et les plus vulnérables, perpétuant ainsi les cycles de la pauvreté et de l’inégalité.
Je me suis joint l’an dernier aux ministres de la Santé de 11 Etats membres de l’UA durement frappés par le paludisme, dans la formulation d’un engagement consistant à accélérer les efforts de réduction du nombre de décès causés par cette maladie.
Comme l’énonce notre déclaration, «il est inacceptable que l’on meure encore aujourd’hui du paludisme, compte tenu des outils et systèmes à notre disposition». Place désormais aux mesures concrètes. Les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (dont je suis directeur général) sont prêts à contribuer à l’élaboration d’une stratégie continentale visant à éradiquer le paludisme d’Afrique d’ici 2040. En réalisant des investissements judicieux, en mettant en œuvre des politiques intelligemment ciblées, et en approfondissant la collaboration, nous pouvons faire en sorte que tous les pays africains soient débarrassés du paludisme au cours de la prochaine génération.
Par Jean Kaseya
Directeur général des Centres africains pour le contrôle et la prévention des maladies.
L’éradication de ce fléau, qui fait obstacle aux objectifs de développement ainsi qu’à l’accomplissement de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, est cependant à portée de main. Neuf Etats membres de l’UA – Algérie, Cap-Vert, Egypte, Lesotho, Libye, Maroc, Maurice, Seychelles et Tunisie – sont aujourd’hui débarrassés du paludisme, grâce à un engagement politique soutenu, ainsi qu’à des investissements publics intelligemment axés sur les soins de santé de base, la surveillance des maladies et la prise en charge des patients. Il est nécessaire que les pays africains les plus impactés par le paludisme s’inspirent de cette démarche.
Par exemple, la stratégie cap-verdienne d’éradication du paludisme a consisté en une approche multisectorielle, dans le cadre de laquelle l’Etat a travaillé en étroite collaboration avec les communautés locales et les organisations internationales.
Le plan d’action à volets multiples appliqué par l’Egypte prévoyait notamment pour sa part de solides programmes de formation pour les professionnels des soins de santé de base. La mise en œuvre de ces interventions coordonnées a nécessité de la volonté politique, mais surtout des financements nationaux accrus.
Dans l’ensemble, les efforts déployés par l’Afrique pour lutter contre le paludisme – notamment l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticide, la pulvérisation en intérieur et la chimioprévention saisonnière (qui consiste à prescrire aux enfants un traitement mensuel de médicaments antipaludiques) – ont conduit à une diminution considérable du nombre de décès causés par le paludisme sur le continent, qui est passé de 805.000 en l’an 2000 à 569.000 en 2023. (La pandémie de COVID-19, associée à l’émergence d’une résistance partielle à l’artémisinine, médicament bien connu contre le paludisme, a provoqué une brève augmentation de ce nombre, qui a atteint 598.000 en 2020.) Ces progrès n’en demeurent pas moins fragiles, notamment parce que de nouveaux types de moustiques apparaissent, que la résistance aux insecticides augmente, que le changement climatique s’aggrave, que les crises humanitaires deviennent de plus en plus fréquentes et, plus important encore, parce que l’insuffisance des financements mondiaux contre le paludisme se creuse.
En 2023, seulement 4 milliards $ ont été mobilisés pour l’éradication du paludisme, un montant très inférieur à l’objectif annuel de 8,3 milliards $, et légèrement inférieur aux 4,1 milliards $ réunis en 2022. Ce problème est encore plus préoccupant en Afrique, où l’aide étrangère dans le domaine de la santé a chuté de 70% entre 2021 et 2025.
Par ailleurs, la plupart des États africains consacrent moins de 10% de leur budget national au secteur de la santé, bien en dessous de l’objectif de 15% fixé par la Déclaration d’Abuja de 2001. Compte tenu de l’incertitude qui entoure l’avenir de l’aide étrangère, il est nécessaire que les gouvernements africains reconnaissent le paludisme comme une priorité en matière de développement, et qu’ils investissent davantage dans les efforts de contrôle et d’éradication de cette maladie. Cela signifie puiser dans des ressources inexploitées, parmi lesquelles les envois de fonds par la diaspora africaine, qui représentent chaque année 95 milliards $.
Plusieurs instruments de financement innovants, tels que les «obligations diaspora», pourraient soutenir le programme de santé publique du continent. Les prélèvements de solidarité sur le tabac, l’alcool, les transactions mobiles et les billets d’avion pourraient également générer plusieurs milliards de dollars à l’appui des services de santé. Pour améliorer l’accès à la prévention, au diagnostic et au traitement du paludisme, il sera nécessaire de renforcer les systèmes nationaux de couverture santé.
Au moyen de financements mixtes, il est possible de mobiliser des capitaux privés pour la recherche et le développement liés au paludisme, ainsi que pour la fabrication locale de produits thérapeutiques. D’après les projections, le marché de la santé en Afrique représentera 259 milliards $ d’ici 2030. Les dirigeants politiques doivent saisir cette opportunité pour établir des partenariats public-privé efficaces, faire progresser les solutions de livraison du dernier kilomètre, ainsi que pour améliorer la surveillance et la lutte antivectorielle.
Ce serait investir à la fois dans le présent et dans l’avenir de l’Afrique, puisque chaque dollar consacré à la lutte contre le paludisme et à son éradication génère un rendement spectaculaire de 36 $ en termes de croissance économique. Une population libérée du paludisme est plus susceptible d’accéder à l’éducation, et de contribuer ainsi au développement socio-économique du continent.
Mon message est clair : investir dans la lutte pour l’éradication du paludisme ne constitue pas seulement un impératif sanitaire et économique, mais également un acte de justice. Cette maladie impacte de manière disproportionnée les populations africaines les plus démunies et les plus vulnérables, perpétuant ainsi les cycles de la pauvreté et de l’inégalité.
Je me suis joint l’an dernier aux ministres de la Santé de 11 Etats membres de l’UA durement frappés par le paludisme, dans la formulation d’un engagement consistant à accélérer les efforts de réduction du nombre de décès causés par cette maladie.
Comme l’énonce notre déclaration, «il est inacceptable que l’on meure encore aujourd’hui du paludisme, compte tenu des outils et systèmes à notre disposition». Place désormais aux mesures concrètes. Les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (dont je suis directeur général) sont prêts à contribuer à l’élaboration d’une stratégie continentale visant à éradiquer le paludisme d’Afrique d’ici 2040. En réalisant des investissements judicieux, en mettant en œuvre des politiques intelligemment ciblées, et en approfondissant la collaboration, nous pouvons faire en sorte que tous les pays africains soient débarrassés du paludisme au cours de la prochaine génération.
Par Jean Kaseya
Directeur général des Centres africains pour le contrôle et la prévention des maladies.