Trop pro-Poutine ? Quand l'extrême droite allemande se dispute sur la Russie


Libé
Samedi 15 Novembre 2025

Un chef qui encourage les voyages de ses élus en Russie, une autre qui les dénonce. La direction du parti d'extrême droite allemand AfD se divise sur sa ligne prorusse, au moment où il est accusé d'espionner pour Moscou.

Seconde formation politique du pays depuis les législatives de février, l'Alternative pour l'Allemagne a construit sa base électorale dans l'est du pays, traditionnellement prorusse, et porte d'ordinaire un discours radicalement favorable au Kremlin.
Mais la formation dispose aussi d'une aile en quête d'une image plus lisse, qui ambitionne d'étendre son influence dans l'ouest du pays et de resserrer les liens avec Donald Trump. Ce dernier a pris ses distances avec Vladimir Poutine à cause de son refus de négocier la paix en Ukraine.

La tension entre ces deux approches a éclaté au grand jour lorsque la copatronne de l'AfD, Alice Weidel a dénoncé mardi le voyage prévu de plusieurs élus à Sotchi, ville russe des bords de la mer Noire : "Je ne comprends pas ce qu'on est censé faire là-bas", a-t-elle dit.
Elle a aussi interdit toute rencontre avec Dmitri Medvedev, l'ex-président russe désormais coutumier des propos haineux et des menaces nucléaires.

En septembre déjà, Alice Weidel - originaire de l'ouest du pays - avait dit "partir du principe" que la Russie testait "les défenses antiaériennes de l'Otan" avec ses vols de drones et de chasseurs, appelant Vladimir Poutine "à la désescalade".

Tout l'inverse de son binôme à la tête de l'AfD, Tino Chrupalla, élu de l'est.
"Nous devons nous rapprocher (de la Russie, ndlr) pour empêcher une guerre plus grande encore en Europe", a martelé Tino Chrupalla à la télévision publique ZDF jeudi matin, fustigeant les "va-t-en-guerre".

Mardi, toujours à la télévision, il proclamait que Moscou n'était pas une menace car Vladimir Poutine "n'a même pas menacé d'attaquer l'Allemagne avec une bombe atomique".
Ce grand écart de la direction du parti illustre aussi les tensions au sein de l'électorat.

Un sondage réalisé en septembre par l'institut Insa et publié dans le quotidien Handelsblatt jeudi, relève ainsi que 44% des partisans de l'AfD craignent que "la Russie puisse attaquer militairement l'Allemagne dans un avenir proche". Une minorité de poids.

Depuis des mois, les sabotages d'infrastructures et vols de drones imputés à la Russie se multiplient, nourrissant la peur d'une confrontation militaire directe.
Et récemment, les élus AfD du Bundestag et dans le parlement régional de Thuringe (est) ont été accusés d'instrumentaliser leur droit de questions au gouvernement pour récolter des informations sensibles à l'intention de Moscou.

Pour le chef de l'Insa, Hermann Binkert, dans les colonnes du Handeslblatt, une position trop pro-Kremlin "pourrait faire du mal à l'AfD". Un risque est de voir la formation nationaliste perçue comme rangeant les intérêts nationaux derrière ceux du Kremlin.
En outre, l'AfD avec sa ligne prorusse est à contre-courant de nombreux partis nationalistes européens, plus inspirés par le Make America Great Again (MAGA) de Donald Trump que par la guerre de Vladimir Poutine.

Alice Weidel "craint que des déclarations comme celle de M. Chrupalla (...) ne rendent le parti vulnérable, ne privent (l'AfD) du soutien des partisans MAGA aux Etats-Unis et, par conséquent, n'anéantissent ses chances de succès électoral", dit à l'AFP Marc Henrichmann, député conservateur CDU et président de la commission de contrôle des services de renseignement.
Pour cet élu du parti du chancelier Friedrich Merz, l'AfD hésite en définitive entre "allégeance à la Russie ou aux Etats-Unis".

Egalement interrogé par l'AFP, Konstantin von Notz, député des Verts (opposition) et vice-président de la même commission parlementaire qui s'intéresse aux liens entre AfD et Russie, juge que le parti reste avant tout "le porte-voix" des dictatures qui cherchent à "faire du mal" à l'Allemagne.

Selon lui, Mme Weidel n'a pris position contre le projet de voyage de ses élus à Sotchi que lorsqu'il est devenu public et a tourné à la polémique.
Pour l'élu écologiste, il n'y a pas de changement de fond: "Pour l'AfD, l'alternative pour l'Allemagne, c'est l'autocratie russe".


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