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Très chère 2M ! “La deuxième chaîne nous rassemble” Peut-être bien, mais à quel prix ?


Hassan Bentaleb
Samedi 21 Septembre 2019

Deux années après la publication de son rapport sur le paysage médiatique au Maroc, le diagnostic établi par la Cour des comptes à propos de la SOREAD-2M demeure le même: situation financière alarmante, chiffres d’affaires inférieurs aux charges, manque à gagner sur les recettes publicitaires… la situation de la deuxième chaîne nationale ne semble pas avoir changé d’un iota.   
En effet, dans son rapport d’activités relatif à l’exercice 2018, la Cour des comptes a mis, de nouveau, en exergue la vulnérabilité et la fragilité de la situation financière de la SOREAD tout en précisant que cette situation s’est aggravée du fait du retard pris en matière d’augmentation du capital exigée par la loi sur la SA et au vu de la situation de la SOREAD. A ce propos, le rapport a indiqué que le chiffre d’affaires de Radio 2M a connu une nette diminution depuis 2008, passant de plus de 22 MDH à 8,4 MDH en 2017, soit une régression d’environ 62%. Dans le même sens, le chiffre d’affaires généré par l’activité du digital de la SOREAD ne couvre même pas ses charges directes. Ainsi, le résultat analytique de cette activité a présenté en 2017 un déficit de 9,2 MDH, et ce bien que le chiffre d’affaires des activités du digital ait connu une nette progression.
Selon les juges de la Cour des comptes,  la SOREAD ne réalise que des résultats déficitaires depuis 2008. Elle a subi une perte moyenne annuelle de 98,4 MDH entre 2008 et 2017. Ces déficits sont dus à l’importance des charges par rapport aux produits y compris la subvention de l’Etat. « Il apparait ainsi que l’ensemble des agrégats comptables et financiers de la SOREAD sont alarmants. Sa valeur ajoutée (VA) représente moins de 50% des charges d’exploitation. Pour certaines années, cette VA n’arrive même pas à absorber les charges du personnel. De même, son chiffre d’affaires est totalement absorbé par les charges », ont-ils révélé.  
En matière de dettes, la SOREAD souffre d’un endettement important qui a affecté son indépendance financière. En effet, le ratio de levier (rapport entre les capitaux propres et les engagements à long et moyen termes) montre que les dettes (à long et moyen termes) dépassent largement les capitaux propres de la SOREAD, ce qui compromet son indépendance financière et sa capacité à s’endetter. Ceci d’autant plus que sa trésorerie souffre d’une insuffisance chronique depuis 2008 du fait de l’importance de la trésorerie Passif par rapport à la trésorerie Actif. En 2008, la trésorerie nette enregistrait un solde négatif de (– 168 MDH), et en 2017, ce solde a atteint (– 304 MDH), soit plus de six mois de chiffre d’affaires.
Au 31 décembre 2017, les livres comptables de la société présentaient un certain nombre de dettes non payées. Leur total représente l’équivalent d’une année de chiffre d’affaires. Il s’agit notamment des dettes-fournisseurs, de celles de l’Etat et des organismes sociaux et du solde de Régie 3 pour un montant de 101,5 MDH. « Il y a lieu de noter que la SOREAD dépasse les facilités bancaires qui lui sont accordées avec tous les risques que cela comporte. En effet, le comité d’audit a signalé lors de  sa réunion du 26 avril 2017 que, déjà à la fin de l’année 2016, les lignes des découverts bancaires totalisaient un montant de 144 MDH, contre 134 MDH représentant le montant des autorisations, soit un dépassement de plus de 9 MDH. Ce dépassement a atteint plus de 45 MDH en avril 2017 », précise ledit rapport.
Concernant la relation avec sa régie publicitaire (Régie 3), la Cour des comptes a constaté que la SOREAD ne réalise que des pertes depuis 2008 en expliquant que la relation entre elle et Régie 3 contribue largement à cette situation. En effet, cette régie publicitaire est en même temps le régisseur exclusif d’autres médias, à savoir  Médi1 TV et Radio Medi1.  Dans ce cadre, l’analyse des contrats d’engagement afférents à 2M a montré que Régie 3 demande aux annonceurs d’acquérir une part de l’espace publicitaire d’autres médias (Médi1TV). Cette situation confirme le fait que la performance de la SOREAD, en termes d’audience, est utilisée par le régisseur pour commercialiser l’espace publicitaire d’autres médias. Cette position de Régie 3 a été accentuée en 2018, puisqu’elle a indiqué dans les conditions générales de vente de 2M de 2018, dans la partie « Remise engagement Pluri-support pour la publicité télé », que les annonceurs désirant bénéficier de cette remise devaient investir 80% dans 2M TV et 20% dans Médi1 TV.
Le rapport a observé également l’absence de contrôle du chiffre d’affaires par la SOREAD. A titre de rappel, la Cour des comptes avait constaté dans son rapport de 2009, l’absence de facturation directe ainsi que l’absence de contrôle des conditions commerciales et l’application des tarifs par la direction financière. Toutefois, la vérification de la facturation du chiffre d’affaires a permis de constater que la SOREAD continue à attendre l’état de facturation de Régie 3, et ne procède pas elle-même à la facturation de ses ventes publicitaires en tenant compte des conditions commerciales et des tarifs. En outre, malgré l’importance du chiffre d’affaires réalisé via Régie 3 (près de 95%), cette dernière a procédé au changement du logiciel de facturation sans concertation avec la SOREAD. Cette dernière n’a pas encore procédé à l’adaptation de son SI à cet effet. En outre, le principe comptable de clarté imposé par le CGNC n’est pas respecté dans la procédure de facturation de la SOREAD. Cette dernière facture et enregistre le chiffre d’affaires net de commission Régie 3, ce qui minimise l’effort de vente de la chaîne.
A ces problèmes financiers s’ajoutent également des déficits en matière de gouvernance. Le rapport a noté qu’après 12 ans, « le pôle audiovisuel public » tel que préconisé par le Conseil supérieur de la communication audiovisuelle de la HACA, n’a pas été mis en place et les deux sociétés audiovisuelles publiques disposent d’un même PDG, sans pour autant constituer un même groupe et se trouvent parfois contraintes de mener des actions sans complémentarité ni coordination au lieu de bénéficier des économies que peut engendrer la mutualisation des efforts. Le même rapport a observé également, entre autres, le non suivi des décisions du conseil d’administration et la limitation des activités des comités stratégiques et d’audit ainsi que l’insuffisance des procédures d’achat par marchés et bons de commandes.


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