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Les chiffres sont accablants, tranchants, indiscutables. Selon la dernière enquête d’Afrobarometer, 63% des jeunes Marocains âgés de 18 à 35 ans n’ont pas d’emploi. Parmi eux, un sur cinq cherche activement du travail – trois fois plus que les 36-45 ans. Voilà la réalité brutale d’un pays où plus de la moitié de la population a moins de 35 ans. Un pays jeune sur le papier, vieux dans ses institutions, archaïque dans sa gouvernance.
Que fait le gouvernement face à cette bombe à retardement ? Rien de sérieux. Rien d’efficace. Rien de durable. Il bricole, il communique, il dilue sa responsabilité dans des plans aux acronymes ronflants, pendant que la jeunesse s’enlise dans le désespoir. Le gouvernement ne gouverne pas, il improvise. Il ne prévoit pas, il panique. Il ne bâtit pas, il colmate.
Pire : il trahit. Il trahit des générations entières à qui il a fait croire que l’école, le diplôme, le mérite étaient les clés d’une vie digne. Aujourd’hui, plus de 56% des jeunes disposent d’un diplôme postsecondaire, contre à peine 9 à 27% pour leurs aînés. C’est une avancée majeure, une victoire collective. Mais une victoire sans lendemain, car ces diplômes ne mènent nulle part. Ils promettent des carrières impossibles. Ils ne déverrouillent aucune porte.
Ce qui manque, ce n’est pas le talent. Ce n’est pas la volonté. C’est un gouvernement à la hauteur de ses responsabilités. Et pour le gouvernement Akhannouch, l’emploi est une loterie contrôlée par des réseaux opaques, une récompense réservée aux bien-nés, aux bien-placés, aux bien-connectés. Le reste n’a qu’à se contenter des miettes : l’informel, la débrouille, l’exil.
Pour se justifier, on préfère accuser les jeunes eux-mêmes. Ils seraient trop fiers, trop sélectifs, peu enclins à accepter les «métiers difficiles». Une insulte à leur intelligence, à leurs efforts, à leurs sacrifices. Car que leur propose-t-on, concrètement ? Des emplois éphémères, sous-payés, sans droits, sans perspectives, dans des secteurs abandonnés par le gouvernement. Et quand bien même ils accepteraient, encore faudrait-il que ces postes existent en nombre suffisant.
A écouter les jeunes interrogés dans le cadre de l’enquête en question, le mal est profond. Ils dénoncent une formation inadéquate, un système éducatif coupé des réalités économiques, un manque cruel d’expérience et d’accompagnement. Ils pointent aussi le peu d’intérêt du gouvernement pour leur sort : seuls 20% approuvent son action en matière d’emploi. Le chiffre tombe à 14% pour la lutte contre l’inflation. Ce n’est plus de la défiance. C’est de la rupture.
Et pourtant, malgré tout, malgré les humiliations, malgré la précarité, malgré l’abandon, cette jeunesse continue d’espérer. 73% pensent que le pays va dans la bonne direction. Mais cet optimisme fragile est miné par une autre statistique, bien plus révélatrice : près de deux jeunes sur trois envisagent de quitter le pays. Pas pour découvrir le monde. Pas pour voir du pays. Mais pour survivre. Pour échapper à une réalité qui les étrangle. Pour fuir l’échec d’un modèle qui ne leur laisse plus d’espace. Car l’exil n’est pas un projet. C’est une fuite. Et le Maroc, aujourd’hui, est un pays dont les enfants fuient. Ce n’est pas une crise conjoncturelle, c’est un séisme structurel. C’est le signe d’un système qui n’offre plus d’horizon à ceux qui devraient en être la colonne vertébrale.
Le gouvernement tente de vendre l’entrepreneuriat comme la planche de salut. Mais comment entreprendre dans un pays où l’accès au crédit est réservé à une élite ? Où la fiscalité écrase les petits et protège les gros ? Où l’administration décourage plus qu’elle ne soutient ? L’entrepreneuriat est devenu un slogan vide, un alibi politique, un cache-misère.
Et pendant ce temps, les décideurs persistent dans leur autisme. Ils s’enferment dans leurs bureaux climatisés, s’auto-félicitent dans des rapports de complaisance, s’acharnent à faire croire que le problème est ailleurs. Mais le problème est ici, dans ce divorce consommé entre une jeunesse brillante et un gouvernement démissionnaire. Dans cette incapacité chronique à anticiper, à investir, à réformer.
Il faut le dire sans détour : le Maroc n’a pas un problème de jeunesse. Il a un problème de gouvernance. Un gouvernement qui a trahi le contrat social. Un gouvernement qui préfère gérer les urgences que construire l’avenir. Un gouvernement dont l’élite s’accommode fort bien de l’exode des compétences tant qu’elle peut préserver ses privilèges.
L’histoire retiendra que ce pays a eu une chance inouïe : une jeunesse nombreuse, éduquée, motivée. Et que cette chance a été gâchée. Que cette jeunesse a été ignorée, méprisée, abandonnée. A force de lui tourner le dos, le gouvernement a transformé une opportunité en bombe sociale.
Il n’est pas trop tard pour agir. Mais il est trop tard pour les demi-mesures. Ce qu’il faut, c’est un électrochoc politique. Un véritable changement de paradigme. Une révolution dans la manière de concevoir l’éducation, l’emploi, la jeunesse. Un sursaut de responsabilité. Un retour au réel.
Car si rien ne change, alors que le Maroc a aujourd’hui 20 ans devant lui pour capitaliser sur sa transition démographique, ce pays deviendra ce qu’il redoute le plus : une promesse trahie. Un pays jeune avec une âme vieille. Un Etat figé dans ses privilèges, pendant que sa jeunesse part, s’éteint, ou se révolte.
Le compte à rebours a déjà commencé.
Mehdi Ouassat