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Chômage, mépris et exil
"Si le passage de et vers Sebta ne rouvre pas, je n'aurais d'autre choix que de mendier", lâche Fadwa, une employée de maison de 43 ans, dont 18 à travailler à Sebta, à moins de dix kilomètres de chez elle.
Le poste douanier voisin est désert, les forces de l'ordre surveillent l'entrée grillagée. Fnideq, petite ville commerçante habituellement bondée en cette saison, tourne au ralenti.
Depuis la fermeture des pseudo-frontières, plus de 8.000 personnes - serveurs, commerçants, femmes de ménage ou employés du tourisme - ont perdu leur emploi, 3.600 à Sebta, 5.000 à Mellilia, selon les syndicats locaux.
Pour Chakib Merouane, secrétaire général des travailleurs marocains de Sebta, la situation est grave.
Si certains ont pu compter sur "l'indulgence" de leur employeur du fait du caractère exceptionnel de la crise, d'autres ont été "remerciés ou sont menacés de l'être", selon les témoignages recueillis par son syndicat. D'après lui, certains "ont dû divorcer ou ont sombré dans la dépression, parce qu'ils ont choisi de rester bloqués (dans lesdits présides, NDLR) loin de leurs proches pour préserver leur emploi".
Pendant longtemps, tout était très simple, puisqu'un accord entre le Maroc et l'Espagne dispensait de visa les travailleurs « transfrontaliers ». Fattouma Chairi, 73 ans, a fait la navette pendant un demi siècle. "Depuis mars, je n'ai pas touché de salaire, je suis bloquée à la maison", déplore-t-elle, redoutant désormais de perdre sa retraite. Selon des chiffres officiels, la crise liée à la pandémie pourrait faire basculer dans la misère plus d'un million de personnes vulnérables au Maroc, portant à 20% le taux de pauvreté de 35 millions d'habitants. Le Royaume devrait connaître en 2020 sa pire récession depuis 1996, avec une contraction de plus de 5% du PIB, les effets de la pandémie se conjuguant à de faibles rendements agricoles. Et si près de six millions de familles en détresse ont pu toucher des aides de l'Etat pendant trois mois, rien n'a été fait pour les Marocains privés d'emploi par la fermeture des passages terrestres avec l'Espagne. "Je n'ai bénéficié d'aucune aide, j'ai dû emprunter de l'argent pendant six mois pour survivre. Mais là, ce n'est plus possible, je risque de me retrouver à la rue", lance Chakib Merouane. Le syndicaliste de 49 ans est lui-même employé depuis une vingtaine d'années dans un restaurant de Sebta. "Tout le monde reprend le chemin du travail, alors pourquoi pas nous? Les autorités ne peuvent pas être plus cruelles que la pandémie!", se plaint Fadwa, qui faisait vivre les six membres de sa famille, parmi lesquels son mari au chômage. Le gouvernement n'a pas spécifiquement commenté la situation de ces travailleurs transfrontaliers. Mais les autorités expliquent d'une manière générale privilégier au maximum la lutte contre la pandémie, qui a connu un pic dans le pays cet été. Reste que la fermeture des passages est venue s'ajouter à une crise socioéconomique apparue dans la région fin 2019, quand les autorités ont fermé un poste douanier dédié aux porteurs de marchandises entre le Maroc et le préside occupé de Sebta. Jusque-là, cette contrebande tolérée irriguait toute la région. A ce jour, aucune date n'a été fixée pour la réouverture des passages. Samira, 33 ans, "pense sérieusement à rejoindre Sebta à la nage". "Je n'ai plus le choix", assure en pleurant celle qui ne peut plus subvenir aux besoins de ses proches depuis qu'elle a perdu son emploi d'auxiliaire de vie à Sebta. Les migrants, eux, parviennent parfois à passer. A la miaoût, la Garde civile espagnole a intercepté 300 d'entre eux qui tentaient d'entrer à Mellilia lors d'un assaut qui a fait un mort et plusieurs blessés.