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Les salles d’accouchement des hôpitaux vénézuéliens peuvent devenir mortelles


Libé
Dimanche 7 Février 2021

Les salles d’accouchement des hôpitaux vénézuéliens peuvent devenir mortelles
Des roses rouges et une bougie entourent un tout petit cercueil blanc que Wendy Dulcey caresse en silence. Cette mère vénézuélienne pleure son bébé décédé 39 jours après sa naissance dans un hôpital de Caracas, une atroce réalité trop récurrente au Venezuela. Le ventre encore gonflé, elle raconte dans son appartement de Caracas le fil des événements entre sa césarienne le 1er décembre à sept mois de grossesse jusqu’à la vision du corps de son petit Thiago, parmi d’autres nouveau-nés, dans une chambre froide dont la porte avait du mal à fermer. “Il était trop seul à se battre”, dénonce cette femme de 39 ans pointant les négligences dans le suivi médical de son bébé, né dans l’une des nombreuses salles d’accouchement du Venezuela, qui pâtissent elles aussi de la grave crise économique traversée par le pays, en récession depuis sept ans et depuis trois ans en hyperinflation.

Les hôpitaux publics sont dans un désarroi total, manquant d’équipements et de personnel formé. Nombreux sont les soignants parmi les plus de 5 millions de Vénézuéliens qui ont choisi de fuir leur pays dirigé par le régime autoritaire de Nicolas Maduro et étranglé par les sanctions économiques internationales. Wendy Dulcey a encore du mal à croire que les infirmières réutilisaient la seringue ayant servi à nourrir Thiago par une sonde nasogastrique qui n’a jamais non plus été changée. Son nouveau-né a fini par attraper une infection bactérienne qui l’a emporté, malgré les antibiotiques. Elle aussi a également failli perdre la vie après avoir fait une hémorragie utérine.

Dès son arrivée à l’hôpital Universitario, autrefois une référence dans le pays, elle raconte s’être “mise à penser qu’on n’allait pas s’en sortir, ni lui, ni moi” en voyant les couloirs, selon elle, “pleins d’excréments, de sang et de détritus”. La mortalité infantile au Venezuela a augmenté de 30,12% entre 2015 et 2016, soit 11.466 décès de bébés âgés de 0 à 1 an, selon le ministère de la Santé. La mortalité maternelle a, elle, grimpé de 65%. 

Le Dr Jaime Lorenzo, de l’ONG Médicos Unidos, assure que ces mauvais chiffres sont dus aux “défaillances de base des infrastructures et du personnel” des hôpitaux du pays. Une enquête menée en 2019 par HumVenezuela, une ONG qui documente la crise humanitaire du pays, a révélé que quatre hôpitaux sur dix manquaient de fournitures de base et que huit sur dix n’avaient pas assez d’outils chirurgicaux ou de médicaments. Et la moitié des maternités vénézuéliennes ont vu leurs services obstétriques fermés partiellement ou totalement en 2019. “Nous devons demander (aux patients) d’apporter une énorme quantité de choses dont ils ont besoin pour se soigner”, indique le Dr Lorenzo à l’AFP. Et réutiliser une seringue ? Le risque d’infection “est extrêmement élevé” et ne devrait, selon lui, n’être qu’un ultime recours. Briggite Perez, 19 ans, est passée elle aussi par un “parcours du combattant”.

“J’ai fait six hôpitaux avant de trouver où accoucher”, raconte la jeune femme dont c’est le premier enfant. Briggite raconte avoir passé des heures à pousser sur un lit rouillé, sans repose-pieds, puis d’avoir été transférée en salle d’opération pour une césarienne. Quatre jours après sa sortie, elle est retournée à l’hôpital pour soigner une infection. “Ils ne m’ont jamais expliqué comment je devais nettoyer ma cicatrice”, se défend-elle. Selon Hum Venezuela, 57% des femmes enceintes ont reçu en 2019 des soins obstétriques inadéquats. Donner naissance à un enfant au Venezuela “est une question de chance”, selon Vanessa Martinez, 28 ans. Après une montée en flèche de sa tension artérielle suite à la consommation d’un supplément de fer, elle a subi une césarienne d’urgence au septième mois de grossesse. Elle sait la chance qui est la sienne et dit aujourd’hui aspirer à une “vie tranquille” avec sa petite fille, Samantha, qui pèse 1,945 kilo et dort dans un berceau recouvert d’une moustiquaire dans la maison familiale, à Catia, dans l’est de Caracas.

Selon l’OMS, “chaque jour, 7.000 femmes dans le monde accouchent d’un enfant mort-né” et “830 meurent du fait de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement”. La majeure partie de ces décès se sont produits dans des pays à revenu faible et la plupart auraient pu être évités, déplore l’organisation onusienne.


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