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Les Tunisiens doutent de leur équipe, en mal de réussite


Libé
Lundi 18 Juin 2018

Hosni Manoubi a soigneusement empaqueté sa veste aux couleurs de la Tunisie: il a économisé deux ans pour assister au Mondial, un enthousiasme rare dans un pays où la sélection fait moins recette que la Ligue des champions et les derbies locaux.
Quarante ans après son seul exploit au Mondial, l'équipe nationale doit encore conquérir les coeurs des fans de foot tunisiens, acquis à la cause des grands clubs du pays mais peu mobilisés derrière elle.
"C'est ma passion, je connais tous les joueurs, ce sont des amis", explique M. Manoubi, mi-fan mi-photographe indépendant, qui assistera en Russie à sa cinquième Coupe du monde.
Si les Aigles de Carthage sont "son équipe de coeur", le quinquagénaire suit -comme son père avant lui- les athlètes tunisiens ou arabes aux quatre coins du monde: Mondial mais aussi Jeux olympiques, Coupe d'Afrique des nations, etc.
Le sombrero et la veste rouge couverts de pins de la famille Manoubi font partie du folklore footballistique tunisien, et l'appartement d'Hosni regorge d'archives photo retraçant l'épopée des Aigles.
"Le peuple tunisien a délaissé l'équipe nationale ces dernières années", regrette-t-il, pointant du doigt des performances décevantes et des polémiques récurrentes.
De fait, deux clips musicaux tunisiens sur le Mondial ont eu beaucoup de succès, mais les joueurs n'y figurent pas. A l'approche de leur premier match contre l'Angleterre, les Aigles de Carthage sont placardés sur des affiches publicitaires mais les produits dérivés aux couleurs de la sélection ne s'arrachent pas.
Selon le ministère du Tourisme, 4.500 Tunisiens ont pris des billets pour la Russie -- moitié moins que le nombre de Marocains.
Les matches de préparation ont été moins suivis que la finale de la Ligue des champions entre le Real Madrid et Liverpool.
Et parmi ceux qui suivent les Aigles, nombre de fans, arborant les couleurs de leur club fétiche, réservent leur enthousiasme aux seuls joueurs de ce club dans la sélection.
Les Tunisiens "se moquent souvent de l'équipe de Tunisie mais c'est en train de changer", assure Hosni Manoubi, même si on n'en est pas à une ferveur comparable à "1977, quand les Tunisiens dormaient devant les stades pour voir les matches de l'équipe nationale".
Walid Mechri, qui anime un forum de supporteurs des Aigles en convient: la sélection "ne fait pas rêver" son public, car "cela fait longtemps que l'équipe nationale est très décevante".
Si la Tunisie est devenue en 1978 la première équipe africaine à remporter un match de Coupe du monde (3-1 contre le Mexique), elle n'a depuis plus gagné une rencontre à ce niveau malgré des participations en 1998, 2002 et 2006.
Et en Coupe d'Afrique des nations, les Aigles de Carthage n'ont plus dépassé les quarts de finale depuis leur sacre à domicile en 2004.
"Les Tunisiens n'ont pas confiance en l'équipe nationale, ils préfèrent soutenir des clubs comme l'Espérance de Tunis ou le Club Africain, qui remportent quasiment un titre chaque saison", explique encore Walid Mechri.
En outre, contrairement à l'Algérie ou au Maroc, qui ont intégré dans leurs équipes nationales quelques stars médiatisées, l'équipe tunisienne pâtit d'un manque de renommée.
Hormis l'attaquant Youssef Msakni, forfait pour le Mondial, l'équipe ne compte guère de pointures internationales et la couverture médiatique reste limitée.
"En France, il y a Téléfoot et au Maroc une émission hebdomadaire sur les Lions de l'Atlas, mais en Tunisie, on ne parle de l'équipe nationale que lors des grands matches", déplore Walid Mechri. "Parfois il n'y a rien sur eux durant trois mois".
Mais les récentes bonnes performances de la sélection, qui a terminé invaincue les qualifications au Mondial-2018 et a réalisé une belle campagne de matches amicaux cette année (2 victoires, 2 nuls dont un contre le Portugal et 1 courte défaite contre l'Espagne), pourraient marquer le début d'une nouvelle histoire d'amour entre les Aigles et les Tunisiens.
"On n'a pas de stars comme (l'Egyptien Mohammed) Salah, mais des jeunes qui montent, et une bonne performance pourrait déclencher une grande ferveur", souligne Walid.
"Je vous assure que si l'on fait un grand match contre l'Angleterre, on va voir dans les rues des milliers de gens avec le drapeau tunisien", martèle ce trentenaire, qui rêve comme tous les Tunisiens d'atteindre le deuxième tour.
"Si on gagne contre les Anglais, ça sera un moment historique", renchérit Hosni. "Une victoire peut changer la façon dont les Tunisiens perçoivent l'équipe nationale, eux qui n'ont en tête que le match gagné en 1978 et les déceptions qui l'ont suivi".


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