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« Fakihani ne mourra pas », « Fakouss, tu es immortel ». La douleur des anciens camarades de Abdelfettah Fakihani a envahi, toute la matinée de ce jeudi 18 juin, le web. Celle de Khadija, son épouse et d’Anas, son fils, est incommensurable.
Les anciens de Kénitra, les ex-camarades d’Ila Al Amam, les défenseurs des droits humains sont comme inconsolables. Les blessures d’avant, les plaies des années de plomb ne sont pas complètement cicatrisées. A. Fakihani a traversé les années de plomb. Dans sa chair, sa tête, sa vie. On ne s’en remet jamais vraiment. Il n’en parlait jamais sinon avec pudeur et une économie de mots. Jusqu’au jour où il publiera aux éditions Tarik, « Le couloir », un témoignage qui bouleverse, remue, prend aux tripes. Des bribes de vérité sur les années de plomb et le devenir des anciens détenus politiques. Le récit de ce journaliste qui a travaillé pendant 15 ans au bureau de Rabat de l’Agence France Presse, AFP, n’est pas un livre de plus à ajouter à la collection de ce qui est convenu d’appeler la littérature carcérale. Plutôt une introspection, un voyage à l’intérieur, un reportage vérité sur les tortionnaires, les centres secrets de détention, le dogmatisme de militants de l’extrême gauche. Celui qui a été l’un des fondateurs du mouvement marxiste–léniniste marocain, souvent présenté comme l’idéologue d’Ila Al Amam avait été arrêté une première fois en mars 1972 avant d’être acquitté en août 1973. Libre, il replonge dans la clandestinité. Jusqu’en 1976. Arrestation, torture, condamnation. L’ancien prof de Khouribga est condamné à la peine perpétuelle, avec deux ans en prime pour « outrage à magistrat »
À la prison civile Kénitra, Fakihani fait des études de lettres et de philosophie. « La prolongation de notre incarcération devenait d’autant plus absurde que nous étions convenablement traités et que nous n’avions plus, pour la plupart, les mêmes convictions, » écrit-il dans « Le couloir ».
Le 7 mai 1989, il est libre. Le difficile apprentissage du retour à la vie commence. Il a définitivement rompu avec Ila Al Amam, en retrait de la politique. Il travaille d’abord au quotidien de langue arabe «Al Alam », écrit dans les pages culturelles et internationales. Quelques années plus tard, en 1995, il rejoint l’AFP. Mohamed Chakir, son confrère du bureau de l’AFP Rabat, a la voix étranglée de chagrin. « Nous avons travaillé ensemble pendant 15 ans. Nous avons couvert ensemble les grands événements. On a partagé tellement de choses. Abdelfettah n’avait jamais un mot qui fâche. Il était plein d’humour, d’anecdotes en bon Marrakchi qu’il était».
Fakihani était tout cela à la fois. Un journaliste de talent, pragmatique, professionnel, un homme sensible, authentique et d’une immense gentillesse. Les nécros de confrères ne sont jamais un exercice facile. Et il est encore plus difficile de parler d’Abdelfettah au passé.