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Les thématiques sensibles, un terrain fertile
Selon Misbar, la majorité des allégations recensées tournent autour des développements actuels au Moyen-Orient. Un exemple flagrant est celui d’une fausse information, relayée par certains médias et comptes algériens sur les réseaux sociaux, prétendant que des soldats marocains participaient, aux côtés de l'armée israélienne, à la guerre contre Gaza. Bien que démentie rapidement, cette rumeur illustre la facilité avec laquelle des informations trompeuses peuvent se propager et semer le doute dans l’esprit du public.
Cette fausse nouvelle n'est en effet que la partie émergée de l'iceberg d'une campagne de désinformation plus vaste et sophistiquée. Les mécanismes de propagation de ces informations sont souvent bien orchestrés, impliquant des réseaux sociaux, des blogs, et parfois même des médias traditionnels, créant une toile complexe et difficile à démêler. Les techniques utilisées vont des faux comptes et des bots aux «influenceurs» qui, consciemment ou inconsciemment, amplifient les fake news.
Le choix des sujets n'est pas anodin. En ciblant des thématiques sensibles et émotionnellement chargées, telles que le conflit israélo-palestinien, les instigateurs de ces fausses informations exploitent les préjugés et les passions du public. Leurs infox sont conçues pour provoquer des réactions immédiates et intenses, en jouant sur les sentiments de colère, de peur et de frustration, ce qui facilite leur viralité. De plus, la vitesse à laquelle ces fausses nouvelles se répandent est amplifiée par les algorithmes des réseaux sociaux qui favorisent les contenus générant de l'engagement, souvent au détriment de l'exactitude et de la véracité.
Pour Abdelwahab Jarib, expert en cybersécurité, «la large diffusion des réseaux sociaux facilite la propagation rapide d'informations incorrectes parmi les utilisateurs. Ces réseaux sont souvent animés par des influenceurs en quête de buzz, négligeant les normes professionnelles». «L'impact de ces fausses nouvelles est amplifié par la situation politique et sociale complexe du Maroc. Le pays attire une grande attention médiatique, ce qui en fait une cible privilégiée pour ceux qui cherchent à influencer l'opinion publique et à porter atteinte à la stabilité du pays», ajoute le spécialiste.
Ces campagnes de désinformation sont souvent sophistiquées, impliquant des techniques avancées de manipulation de l'information, y compris l'utilisation de deepfakes et d'autres technologies de création de contenu trompeur. «Les fausses nouvelles ne se contentent plus de simples textes ou images manipulées. Nous voyons de plus en plus de vidéos et d'enregistrements audio falsifiés qui semblent authentiques, ce qui rend la détection et la correction encore plus difficiles», estime, pour sa part, Zohra Amrani, chercheuse en communication numérique.
Un climat de méfiance et de tension
La réforme actuelle du Code de la famille est un exemple des sujets épineux qui attisent les divergences idéologiques et les tentatives d'influence peu éthiques. Ce projet de réforme, visant à moderniser les lois relatives aux droits des femmes et des enfants, a suscité des débats passionnés et des divisions profondes au sein de la société marocaine. Khadija El Fakir, militante pour les droits des femmes, explique que «les discussions autour de la réforme du Code de la famille sont marquées par des opinions fortement polarisées». «Certaines factions utilisent les réseaux sociaux pour propager des informations erronées afin de manipuler l'opinion publique et créer un climat de méfiance et de tension», souligne-t-elle.
Le domaine sportif n'est pas non plus épargné. Des rumeurs malveillantes entourant les importantes échéances comme l’organisation par le Maroc de compétitions internationales, dont la Coupe d’Afrique 2025 ou encore le Mondial 2030, visent à semer le doute et à perturber les préparatifs. «Les fausses nouvelles dans le domaine sportif cherchent souvent à déstabiliser les institutions sportives et à saper la confiance du public dans les capacités organisationnelles du pays. Cela peut également avoir des répercussions négatives sur l'image du Maroc à l'étranger», estime Abdelwahab Jarib.
En outre, la situation géopolitique du Maroc, notamment en ce qui concerne les questions sensibles comme le Sahara marocain et le conflit israélo-palestinien, en fait une cible de choix pour les campagnes de désinformation orchestrées par des acteurs étrangers. «Les ennemis du Maroc utilisent la désinformation comme une arme pour affaiblir la position du pays sur la scène internationale. Les fausses nouvelles sont délibérément créées pour discréditer le Maroc et influencer les perceptions internationales», ajoute le spécialiste.
Une menace multiforme
L'ampleur de la menace des fausses nouvelles va au-delà de simples rumeurs. Abdelwahab Jarib met en garde: «La propagation des fausses nouvelles constitue une menace pour la sécurité et la stabilité au Maroc à plusieurs niveaux. Elle peut entraîner une perte de confiance dans les institutions gouvernementales, affecter négativement la coopération entre les citoyens et le gouvernement, inciter au chaos et impacter l'économie».
Les défis sont accentués par les transformations numériques et la transition vers l'économie numérique. Avec l'augmentation de ces changements, les défis liés à la sécurité de l'information et à la protection contre la désinformation augmentent également. Le domaine numérique devient un champ de bataille privilégié pour les Etats et les milices hostiles, incapables de rivaliser avec le Maroc, mais trouvant dans la désinformation un terrain fertile pour semer la confusion et la discorde.
Sur le plan économique, les répercussions sont tout aussi préoccupantes. Les investisseurs étrangers, alertés par les rumeurs de stabilité politique ou économique, peuvent hésiter à investir, ralentissant ainsi la croissance et le développement économique. En effet, la désinformation peut perturber les marchés financiers et affecter la confiance des entreprises et des consommateurs. Les entreprises peuvent être victimes de campagnes de désinformation visant à nuire à leur réputation, ce qui peut entraîner des pertes financières considérables.
Une réponse technologique, sociale et politique
Pour faire face à ces défis, la réponse doit être à la fois proactive et réactive. Les experts recommandent plusieurs mesures. Les institutions concernées doivent prendre des mesures efficaces, incluant la sensibilisation aux dangers des fausses nouvelles et la formation des citoyens à la vérification des informations avant de les publier ou de les croire. Le renforcement des lois et des règlements pertinents est crucial, tout comme l'utilisation de la technologie pour lutter contre la désinformation. Abdelwahab Jarib propose que «le Maroc investisse dans des technologies avancées de surveillance et d'analyse des médias sociaux pour identifier les tendances de désinformation en temps réel». «La collaboration avec des entreprises technologiques et des institutions académiques peut aider à développer des outils plus efficaces pour contrer cette menace», explique-t-il. Et d’ajouter : «La coopération internationale est également indispensable pour lutter contre un phénomène qui ne connaît pas de frontières. Le partage d'informations et de bonnes pratiques entre les nations peut renforcer les défenses contre la désinformation».
«La lutte contre la désinformation nécessite une approche coordonnée à l'échelle mondiale. Les alliances stratégiques et les partenariats internationaux peuvent augmenter l'efficacité des efforts individuels et offrir une réponse plus cohérente et unifiée à cette menace globale», précise le spécialiste.
«La lutte contre les fausses nouvelles au Maroc nécessite donc une mobilisation collective et une stratégie multidimensionnelle. Dans un monde où l'information est à la fois un outil et une arme, il est impératif pour le Maroc de se doter des moyens nécessaires pour protéger ses citoyens et ses institutions», note l’expert en cybersécurité. «La résilience du Royaume face à ce fléau dépendra de sa capacité à innover, à éduquer et à coopérer sur tous les fronts pour bâtir un environnement médiatique sain et sécurisé», conclut-il.
Mehdi Ouassat