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Production abondante
La Russie devrait ainsi afficher une production de 85 millions de tonnes en hausse de 3,5 millions par rapport à la précédente estimation, grâce à des conditions météorologiques favorables « notamment des pluies de printemps abondantes ». L'Inde va également augmenter sa production de 3,5 millions de tonnes à 113,5 millions. La production de blé européen devrait être en hausse de 1,5 million à 140,5 millions de tonnes. Enfin l'Ukraine devrait produire un million de tonnes de plus qu'estimé précédemment à 17,5 millions de tonnes « grâce à des conditions météo favorables dans le sud de l'Ukraine » même si la production demeure plus faible que l'année dernière (20,1 millions de tonnes) et qu'avant la guerre avec la Russie (33 millions).
Des estimations sans grande surprise, selon certains analystes, puisque l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a déjà prévu une production mondiale record de blé estimée à 784 millions de tonnes soit une hausse de 0,6% par rapport à la précédente campagne.
L’essentiel de la croissance escomptée de la production, selon la FAO, repose sur des prévisions d’importants rebonds de la production au Canada et en Russie, qui devraient plus que compenser les replis prévus dans plusieurs pays, dont l’Argentine, l’Australie, l’UE, l’Inde et l’Ukraine.
Pour le maïs également, l'offre mondiale va augmenter mais d'une ampleur moindre, progressant de 3,8 millions de tonnes sur un an pour atteindre 1,22 milliard de tonnes, selon les prévisions du rapport de l'USDA. La hausse vient principalement de l'Ukraine avec 2,5 millions de tonnes de maïs de plus que prévu auparavant.
Répercussions positives
Pour plusieurs observateurs, ces annonces auront certainement des répercussions sur les marchés international et national, à savoir une baisse des prix dans les semaines et les mois à venir puisqu'une augmentation de l'offre signifie logiquement une baisse des prix. D’autant que les prix de l'énergie sont aujourd'hui revenus plus ou moins à la normale. Une bonne nouvelle pour le Maroc qui souhaite encourager les importations de blé pour combler le probable déficit de la production céréalière de la présente campagne agricole.
Selon une circulaire datée du 23 juin, l’Office national interprofessionnel des céréales et légumineuses (ONICL) a annoncé la mise en place d’une prime forfaitaire en faveur des importateurs de blé tendre en provenance de Russie, d’Ukraine, de France, d’Allemagne, d’Argentine et des Etats-Unis. Ladite subvention consiste à payer la différence entre le prix du blé importé et le prix d’importation de référence de 270 dirhams par quintal, pour des importations maximales de 2,5 millions de tonnes de blé tendre.
Selon le site Le360, cette décision devrait donc encourager les négociants marocains à accroître les volumes importés, à diversifier leurs partenaires et, par ricochet, à réduire leur forte dépendance vis-à-vis de la France.
Forte concentration du marché
En effet, les trois quarts du blé produit chaque année dans le monde sont consommés au sein des pays où ils sont produits, le surplus étant exporté ou stocké, soutiennent Raj Rajesh, Paul Vertier, Thibault Lemaire, Arthur Stalla-Bourdillon et Aude Le Métayer dans leur billet : « Dynamique et implications de la récente hausse des prix du blé ». Les principaux producteurs mondiaux ne sont donc pas nécessairement des exportateurs majeurs, ajoutent-ils.
Le changement climatique renforce une inégalité désormais inéluctable« La Chine et l’Inde, par exemple, stockent respectivement près de la moitié et d’un sixième du blé qu’elles produisent pour assurer leur sécurité alimentaire. En 2021-22, les cinq premiers exportateurs de blé au monde étaient, par ordre d’importance, la Russie, l’Union européenne, l’Australie, les Etats-Unis et l’Ukraine, et les cinq principaux importateurs étaient l'Egypte, l’Indonésie, la Chine, la Turquie et l’Algérie. La Chine, pourtant deuxième plus grand producteur, importe du blé en grandes quantités dans le cadre de sa stratégie de sécurité alimentaire, sa production ayant été inférieure à sa consommation ces dernières années », expliquent-ils.
Généralement, poursuivent-ils, le marché de blé mondial est fortement marqué par une concentration de l’offre et le fait qu’un quart seulement de la production mondiale de blé fasse l’objet d’échanges commerciaux, ce qui rend, en conséquence, les importateurs très vulnérables aux chocs d’offre et aux perturbations commerciales. De nombreux pays en développement, notamment en Afrique, font face à cette situation du fait de capacités de production limitées.
Selon le rapport FARM, le blé représente en moyenne environ 13 % de l’apport calorique en Afrique, et plusieurs pays africains allouent des subventions pour que le prix du pain reste abordable. Dans tous les pays d’Afrique subsaharienne, environ 90 % de la consommation de blé dépend des importations, et cette céréale représente un aliment de base essentiel en Afrique du Nord. Dans trente-huit pays du continent africain, cette dépendance aux importations est de l’ordre de 100 %. En particulier, les pays africains dépendent fortement de la région de la mer Noire – Russie et Ukraine – d’où proviennent environ 51% de leurs importations de blé.
Cette dépendance élevée des économies africaines à un marché à l’exportation asymétrique aggrave l’insécurité alimentaire du continent, qui s’est déjà accentuée ces deux dernières années en raison du changement climatique (Banque mondiale). En 2022, 140 millions de personnes étaient en situation d’insécurité alimentaire aiguë en Afrique, d’après la Banque mondiale.
Enjeux climatiques
Une réalité que le changement climatique risque de perpétuer. Un récent rapport scientifique, publié dans la revue Une Terre en 2022, a indiqué que le changement climatique devrait modifier considérablement le rendement et le prix du blé dans les années à venir. Et ce même si nous atteignons les objectifs d’atténuation du climat et restons sous la barre des 2 °C de réchauffement. Selon les chercheurs menant cette étude, le rendement du blé est susceptible d’augmenter aux hautes latitudes et de diminuer aux basses latitudes, ce qui signifie que les prix des céréales sont susceptibles de changer de manière inégale et d’augmenter dans une grande partie des pays du Sud, renforçant les inégalités déjà existantes. Une mauvaise nouvelle pour le Maroc qui peine encore à atteindre sa souveraineté alimentaire et à s’affranchir des marchés mondiaux en assurant son autosuffisance en termes de nombre de produits agricoles, notamment la céréaliculture marquée cette année par la faiblesse de l’actuelle campagne agricole. En fait, la production céréalière nationale ne couvre que 60 à 65% de nos besoins et notre pays reste obligé d’importer le reste. Pour rappel, le Maroc importe en moyenne, chaque année, 3 à 4 millions de tonnes de blé tendre et 800.000 à 900.000 tonnes de blé dur.
Hassan Bentaleb