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"Mais par où commencer?", lâche d'emblée le chef ojibwé Gordon Bluesky, rencontré par l'AFP début décembre lors de l'élection par les leaders autochtones de la cheffe nationale des Premières nations.
"Nous avons un long chemin à parcourir avant d'arriver à une véritable réconciliation avec l'Etat du Canada", explique-t-il, déçu que le mot ne soit presque jamais, dit-il, accompagné d'actions.
Le Canada, qui n'a adhéré qu'en 2021 à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones de 2007, a accordé ces dernières années des milliards de dollars aux descendants des premiers habitants du pays, en guise de dédommagement pour les "préjudices" subis pendant plus d'un siècle.
Mais les communautés autochtones (Inuits, Cris, Dénés...), qui représentent 5% de la population canadienne, souffrent encore largement de pauvreté, de chômage, de mal logement et de discriminations, même si le Premier ministre Justin Trudeau a fait de la réconciliation l'une de ses priorités depuis son arrivée au pouvoir en 2015.
"Regardez autour. Qu'y a-t-il ici qui me représente en tant qu'autochtone? Il n'y a même pas de statue dans notre capitale qui désigne l'un des peuples ici présents", poursuit Gordon Bluesky. "C'est comme si on n'existait pas et c'est malheureux".
"Difficile de penser à la réconciliation quand on essaie au même moment de retrouver nos enfants disparus", pointe pour sa part Alvin Fiddler, le grand chef de la Nation Nishnawbe Aski.
Au printemps 2021, plus d'un millier de tombes non-identifiées d'enfants ont été découvertes près des sites d'anciens pensionnats pour autochtones, ces écoles religieuses financées par le gouvernement fédéral de la fin du XIXe siècle jusqu'à la fin des années 1990.
Plus de 150.000 enfants autochtones ont été placés de force dans 139 pensionnats, aujourd'hui fermés, où ils ont été coupés de leur famille, de leur langue et de leur culture - un système d'assimilation forcée considérée depuis 2015 comme un "génocide culturel".
Deux ans et demi plus tard, les recherches de tombes se poursuivent dans le pays et les autochtones traînent toujours ce "lourd poids du passé", constate la chercheuse Marie-Pierre Bousquet.
"Il y a encore trop de séquelles. Il faut d'abord que les autochtones arrivent à un meilleur stade de guérison" avant de parler de "réconciliation", explique à l'AFP la directrice des études autochtones à l'Université de Montréal.
Selon elle, les choses ont toutefois commencé à changer en 2021 après le "choc" et l'"indignation" provoqués par les découvertes de ces tombes anonymes.
La professeure estime que la réconciliation doit forcément réunir les "trois éléments du triangle": le grand public, le gouvernement et les autochtones.
"Les gens sont de plus en plus conscients de l'histoire coloniale et de la violence qui a été infligée à notre peuple", estime Alvin Fiddler, qui porte au revers de sa veste une broche en forme de silhouette rouge et noire, symbole évoquant les milliers de femmes autochtones disparues ou assassinées au Canada.
Pour le chef sioux Tony Alexis, venu de la province de l'Alberta dans l'ouest du Canada: "Le pays fait des efforts, le gouvernement aussi et instaure des initiatives, des programmes (...) Mais nous en sommes toujours à l'étape des discussions".
Le Premier ministre Justin Trudeau qui assure qu'"aucune relation n'est plus importante" pour le Canada que celle avec les peuples autochtones, a instauré en 2021 un jour férié national en l'honneur des victimes des pensionnats.
La même année, Mary Simon est devenue la première autochtone à être nommée gouverneure générale du pays, une fonction de représentation du roi Charles III. Un an plus tard, le pape François présentait des excuses sur le sol canadien.
"Je pense qu'il faudra peut-être encore 20 à 50 ans" avant d'arriver au stade de la réconciliation, estime le chef Alexis. "Ce n'est que le début".