La cueillette de l'arnica sous haute surveillance

La fleur a besoin d'eau, de soleil, de terres acides et d'un champignon


Mardi 31 Juillet 2018

Sur les pentes du Markstein, un col culminant à 1.183 m dans le parc naturel régional des Ballons des Vosges, en France, l'arnica, fleur jaune prisée des laboratoires pharmaceutiques pour ses propriétés anti-inflammatoires, se récolte à l'état sauvage. Et sa cueillette est très réglementée.
"Le temps est idéal pour la récolte!", se réjouit Jean-François Messey, responsable d'une équipe de huit cueilleurs.
Le laboratoire Boiron lui a commandé cette année 2,5 tonnes, et il espère ramasser entre 5 à 6 tonnes de fleurs pour le compte de deux autres groupes.
La cueillette de cette marguerite aux pétales jaunes, lancée habituellement en juillet, a eu lieu plus tôt cet été: dès la fin juin, en raison de l'hiver neigeux et du printemps pluvieux qui ont avancé la floraison.
"Une bonne année, l'arnica représente un tiers de mon chiffre d'affaires", souligne M. Messey, récolteur de 62 ans. La tonne de fleurs se négocie autour de 10.000 euros, souligne-t-il.
Chapeau de paille sur la tête, bottes en caoutchouc aux pieds, le dos courbé, il attrape avec une main gantée la tige, la tourne délicatement et l'arrache du sol d'un coup sec.
La cueillette ne dure que quelques jours. Les fleurs sont ensuite posées délicatement en étages sur une bâche en plastique puis insérées dans un filet tissé.
"La plante évolue vite. Une fois cueillie, la fleur continue à maturer et monte rapidement en graines", souligne Sylvie Lemuid, 56 ans, collectrice d'arnica depuis 1990.
Pour préserver la qualité des fleurs, les sacs sont transportés en camion frigorifique jusqu'au laboratoire pharmaceutique, dans la région de Lyon (Centre-est). L'arnica y sera contrôlée, puis transformée en gélules, gel ou crème.
"On ne fait pas la récolte de l'arnica pour le plaisir - le dos et les mains prennent cher - mais pour la beauté des paysages et le grand air", relate Cédric Ramber, 35 ans.
Les ramasseurs doivent se prémunir du soleil, des tiques, mais aussi des réactions chimiques de la fleur. "C'est une plante riche en huile, ce qui peut donner des maux de tête et brûlures sur la peau", raconte Sylvie Lemuid.
L'arnica montana - seule espèce inscrite à la pharmacopée européenne - s'épanouit sur les chaumes des Hautes-Vosges, peu concurrencée par les rares autres végétaux.
"La fleur a besoin d'eau, de soleil, de terres acides et d'un champignon", résume M. Messey qui ramasse depuis trente ans 500 à 600 plantes différentes pour plusieurs clients.
Mais "le Markstein, qui était la plus belle station d'Europe pour la cueillette de l'arnica, se transforme en champ de trèfles: chaque année, les surfaces se réduisent", peste un ramasseur sous couvert d'anonymat.
"Le premier jour, on était 57 cueilleurs sur une surface réduite... Forcément, il y aura un impact", ajoute-t-il, anticipant une récolte moindre.
La fleur jaune, fragile, a pâti des méthodes culturales visant à l'augmentation de la production pour alimenter les nombreuses fermes-auberges vosgiennes. L'apport de chaux dans les sols pour favoriser les plantes fourragères pour le bétail a détruit par endroits de façon irréversible le système racinaire souterrain.
"L'arnica est présente grâce au pâturage. Sans les troupeaux, on n'aurait que de la forêt", nuance Clément Urion, qui ramasse la plante pour son exploitation agricole et d'autres clients.
Selon lui, la convention pour protéger l'espèce, créée en 2007, "a permis de poser des règles et de comprendre les intérêts de chacun".
Cette convention, signée par le parc naturel régional des Ballons des Vosges et le conseil départemental des Vosges avec, entre autres, les six communes propriétaires des surfaces, des laboratoires et des cueilleurs, réglemente les pratiques agricoles et secteurs de récolte.
L'équipe du laboratoire Boiron a déjà rempli plusieurs sacs de la précieuse fleur jaune quand deux gardes champêtres à cheval approchent. Chaque cueilleur leur présente sa carte, délivrée par les six communes, contre une taxe fixée à 1,60 euro le kilo.
"Un cueilleur contrôlé dans une zone interdite est exclu immédiatement avec son équipe et l'autorisation de cueillette de l'année suivante peut être remise en cause", souligne Pascal Haubensack, de la brigade verte.
Jusqu'à onze tonnes de la fleur aux propriétés anti-inflammatoires peuvent être collectées sur 120 hectares. Cette année, la récolte avoisine les neuf tonnes.


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