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En effet, le Conseil des ministres a validé mardi un décret royal établissant le ratio de référence pour l’accueil de mineurs étrangers non accompagnés. Désormais, l’Espagne fixe la capacité ordinaire de ses dispositifs de protection et de tutelle à 32,6 places pour 100.000 habitants.
Selon des sources espagnoles, « le système d'accueil, déjà fragilisé, fonctionne aujourd'hui à plus de trois fois sa capacité habituelle, dépassant ainsi le seuil fixé par le gouvernement espagnol pour déclarer une «situation extraordinaire d'urgence migratoire» ». La prise en charge des mineurs migrants non accompagnés (MNA) constitue un défi humain et juridique majeur, particulièrement sensible en Espagne et au Maroc, deux des pays les plus concernés par ce phénomène migratoire.
En Espagne, une obligation légale forte mais une mise en œuvre complexe
L'Espagne est légalement tenue, notamment par la Convention internationale relative aux droits de l'enfant et par le droit européen, d'assurer la protection des mineurs non accompagnés qui arrivent sur son territoire. Ces enfants bénéficient automatiquement d'un droit de séjour légal jusqu'à leur majorité ou la localisation de leur famille, ainsi que d'un accès à l'éducation, aux soins de santé, et à une assistance juridique. Chaque mineur est censé être pris en charge par la communauté autonome où il est intercepté, avec des services spécialisés assurant l'hébergement, le suivi social et la formation.
Cependant, la mise en œuvre de ces droits essentiels reste entravée par la saturation des capacités d'accueil, notamment aux Iles Canaries, à Sebta et Mellilia, où le nombre de mineurs dépasse largement les capacités prévues. Par ailleurs, les procédures d'évaluation de l'âge, souvent basées sur des radiographies osseuses, sont sujettes à des débats quant à leur fiabilité et à leur respect de la dignité des jeunes.
Un accord bilatéral entre l'Espagne et le Maroc datant de 2007 permet d'envisager des retours assistés des mineurs vers leur pays d'origine après un examen individuel, mais ce dispositif est au cœur de controverses et procure le risque de violations des droits humains. Des décisions judiciaires européennes ont rappelé que les expulsions collectives sont interdites, impliquant que chaque cas doit être traité selon son mérite et dans le respect strict des normes internationales.
Au Maroc, une responsabilité croissante entre défis structurels et besoins humanitaires
Le Maroc, quant à lui, est confronté à l'équilibre délicat entre son rôle de pays d'origine et de transit, et celui d'acteur responsable dans la gestion des retours de mineurs. Le pays réalise d'importantes actions pour empêcher les départs irréguliers : par exemple, plus de 11.000 tentatives d'émigration irrégulière ont été empêchées à Sebta en un mois.
Néanmoins, le cadre juridique marocain autour des MNA est encore en développement, et les infrastructures d'accueil et de protection demeurent insuffisantes face à la croissance des flux migratoires. Le Maroc doit gérer une population fragile, souvent économiquement vulnérable, exposée aux risques de traite et d'exploitation, tout en faisant face à des pressions internes, sociales et politiques.
Un paradoxe juridique et humanitaire
Ce double statut – mineur protégé d'un côté, migrant en situation irrégulière de l'autre – crée un paradoxe juridique majeur. Les mineurs marocains non accompagnés en Espagne représentent une catégorie particulièrement hétérogène, confrontée à des procédures discriminantes selon les territoires et à des décisions d'éloignement parfois contestées.
L'Espagne, forte de ses obligations européennes, exerce une tutelle sur ces mineurs, tandis que le Maroc doit renforcer ses capacités de prise en charge et d'intégration, dans un contexte où la coopération bilatérale tend à privilégier la prévention et la protection selon le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Vers une coopération renforcée et respectueuse des droits
Pour que la protection juridique des mineurs soit efficace, une meilleure coordination et une transparence totale sont nécessaires entre les autorités espagnoles et marocaines. Cela inclut un système commun d'évaluation des cas, un suivi strict des retours assistés et un renforcement des dispositifs sociaux et éducatifs des deux côtés.
De plus, il est impératif que les droits fondamentaux des enfants soient toujours respectés, que ce soit dans les centres d'accueil, lors des procédures d'immigration, ou dans le cadre des expulsions. Les organisations non gouvernementales et la communauté internationale ont un rôle clé à jouer pour veiller à l'application de ces normes.
Cette situation souligne la fragilité d'un système migratoire euro-méditerranéen où la protection de l'enfance se heurte aux réalités complexes de la migration irrégulière, appelant à une refonte des politiques fondée sur l'humanisme et la coopération.
Hassan Bentaleb