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• Précipitations : irrégularité dans l’espace et variabilité temporelle
Les précipitations au Maroc sont caractérisées par une irrégularité dans l’espace. Elles culminent à 150 milliards de m3/an en moyenne dont 80,6%, soit 121 milliards s’évaporent, 29 milliards (19,4 %) s’écoulent et seulement 15% du territoire national reçoit plus de la moitié des pluies. Les régions montagneuses connaissent un « apport pluvial important » et le Rif occidental représente « le pôle de la pluviométrie au Maroc ». Dans cette région, les précipitations atteignent les 1.200 mm/an à l’inverse des hauts plateaux de l'Oriental et la bande sud-atlasique où les chiffres enregistrés annuellement varient entre 200 et 300 mm/an. Une grande variabilité temporelle caractérise les précipitations interannuelles qui connaissent des périodes de sécheresse répétitives plus au moins longues selon les périodes. Une sorte d’alternance marque l’évolution des précipitations au Maroc oscillant entre des périodes sèches et des périodes humides pendant le siècle écoulé. L’analyse des données pluviométriques sur le dernier millénaire révèle que le Maroc a connu et connaîtra probablement une sécheresse tous les huit ans en moyenne. Les cinquante dernières années ont été marquées par une nette hausse de la fréquence des sécheresses et inondations. Ainsi, entre 1955 et 2004, 7 périodes de sécheresse généralisée ont été enregistrées au Maroc (1957 ; 1966 ; 1974/75 ; 1980/85 ; 1986/87 ; 1990/95 et de 1998 à 2000). Toutefois, il faut souligner que la diminution des précipitations n’a pas empêché l’augmentation de la fréquence des inondations suite à des « pluies très rares mais très intenses ».
• Le changement climatique est déjà là
Ces évolutions ont-elles une relation avec le dérèglement climatique ? « Oui », répondent certains climatologues qui soutiennent que le changement climatique est une réalité au Maroc dont les effets se font déjà sentir dans plusieurs secteurs biophysiques. Le 4ème rapport d'évaluation du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a identifié le Maroc comme un pays très vulnérable qui risque de devenir le pays d’Afrique du Nord le plus durement frappé par les effets néfastes du changement climatique. Une réalité dont attestent plusieurs phénomènes (progression des régions à climat semi-aride et aride au détriment des régions classées sous climat humide et subhumide, hausse de la température annuelle moyenne de 0,16°C par décennie, baisse des précipitations printanières de 47% à l'échelle nationale, élévation du niveau de la mer ou inondations).
• Une situation désormais structurelle
Mohammed Said Karrouk, climatologue et professeur universitaire, soutient dans son livre « Dynamique des climats du Maroc : Genèses, évolutions et développement des phénomènes, espaces, et milieux climatiques », que le Maroc est « un pays à climat dépendant » subissant les influences des circulations atmosphériques des latitudes élevées et basses qui rendent de plus en plus importante la vulnérabilité aux extrêmes du changement climatique. « Sous le régime de la circulation tropicale, le risque de sécheresse est anormalement élevé (cas des hivers 1981, 1983, 1993, et 1995), etsous le régime polaire, c’est le risque d’inondations en raison des précipitations anormalement abondantes (cas des hivers 1963, 1977, 1996 et 1997), et ce dans le sens de la variabilité climatique déjà connue au Maroc». A ce propos, il avance que le changement climatique actuel au Maroc se distingue par une stimulation de l’intensité des événements climatiques et une perturbation des rythmes climatiques conduisant à un bouleversement des éco-sociosystèmes. Par intensité des événements climatiques, Mohammed Said Karrouk désigne la vitesse record avec laquelle s’effectue le changement climatique par rapport à l’évolution normale connue de l’histoire naturelle du climat ainsi que le caractère « extrêmement dommageable» du changement climatique qui restent « prédictibles dans les scénarios évolutifs, mais imprévisibles dans le temps et dans l’espace (vagues de chaleur, sécheresses prolongées, retours abondants et concentrés des précipitations et des averses) ». Concernant la perturbation des rythmes climatiques, Mohammed Said Karrouk souligne la modification des rythmes habituels des éléments et phénomènes climatiques. Tel est le cas de la perturbation des cycles hydrologiques à la source et le risque d’inondations au moment des précipitations, et celui du dessèchement après cette période due aux précipitations neigeuses qui ne se reproduisent plus à cause de la hausse des températures. En d’autres termes, l’intensité et la fréquence des vagues de chaleur intensifient le pouvoir d’évaporation de l’atmosphère, perturbent, en conséquence, à l’aval le cycle hydrologique habituel et rendent caducs les moyens actuels de stockage et de gestion de l’eau. Mohammed Said Karrouk conclut que cette situation structurelle doit être prise en considération dans toute analyse concernant les événements climatiques auxquels le Maroc se trouve exposé et dans toute politique publique destinée à agir sur ces événements.
Les pluies diluviennes ne sont plus une exception: Une réalité qu ’ignorent beaucoup de nos responsables
• Pluies extrêmes, un phénomène ancien
Pour beaucoup de nos concitoyens, cet épisode pluvieux que traverse actuellement notre pays est «exceptionnel» vu l’importance des précipitations cumulées, mais est-ce vraiment le cas? «Absolument pas car il s’agit d’un phénomène qui n’a rien de récent puisqu’il a été observé durant les années 60 et 70.Cette période a été caractérisée par des pluies extrêmes à forts débits mais à une fréquence faible au niveau journalier, mensuel et annuel. Dans les années 80 et 90, c’était la domination de la sécheresse », nous a indiqué Issam Bouaiche, doctorant-chercheur associé au Laboratoire des changements environnementaux et aménagement territorial (LCEAT)-faculté de Ben M’Sick. Et de poursuivre :«Il a fallu attendre les années 2007, 2008 et 2009 pour un retour des précipitations en grandes quantités et avec des fréquences plus fortes. Prenez à titre d’exemple le cas de Tanger qui a enregistré 199,9 mm en deux jours en 2008, soit la moitié des quantités cumulées habituellement pendant toute la saison d’hiver. Le cas de Casablanca est également édifiant puisque la ville blanche a cumulé en 2010 un pic de pluie de 118 mm, soit la pluie d’une demi-année. Le retour des pluies pendant cette période a été également marqué par leur durée qui s’est étalée tout au long des saisons de l’autonome, l’hiver et le printemps ».
• Quand les infrastructures ne suivent pas
Comment peut-on expliquer la situation actuelle marquée par des pluies diluviennes provoquant des boues et saletés, submergeant des routes et des quartiers entiers et causant des dommages se chiffrant en millions de dirhams? « La réponse est à chercher dans l’inadéquation entre les nouvelles caractéristiques météorologiques (pluies intenses et concentrées au niveau du temps et de l’espace) et nos infrastructures inaptes et obsolètes (canaux d’évacuation des eaux, routes, bâtiments…) dont plusieurs ouvrages remontent à l’époque du Protectorat », nous a expliqué notre interlocuteur. Et de préciser : «En d’autres termes, nous sommes face d’une part à une situation climatique marquée par des pluies abondantes, et de l’autre à des infrastructures désuètes devenues incapables d’absorber les quantités d’eau cumulées ».
•Evolution du climat ou dérèglement
Ces pluies extrêmes sont-elles liées au changement climatique ? « Les avis sont partagés concernant cette question», nous a répondu notre source. Et de poursuivre : « Il y a ceux qui pensent que cela a une relation étroite avec le dérèglement climatique. Alors que d’autres estiment que ce phénomène n’est plutôt qu’une évolution ordinaire du climat au Maroc. Mais, ce qui est sûr, c’est que ce phénomène sera probablement plus intense dans les années à venir selon les prévisions climatologiques. Les mêmes projections prévoient une baisse au niveau du moyen annuel des précipitations mais avec une augmentation de l’intensité des pluies extrêmes». Que faut-il faire pour éviter la catastrophe dans un avenir proche ou lointain ? « C’est difficile de répondre à cette question dans un contexte national marqué par des relations froides entre le politique et le scientifique. En effet, le contact est coupé entre les deux et les décideurs ne jugent pas utile de faire appel aux compétences (climatologues, physiciens, chercheurs en aménagement du territoire…) et de les associer à la prise de décisions », nous a indiqué Issam Bouaiche. Et de conclure : « Pour les responsables, ces épisodes pluvieux intenses ne sont que des phénomènes exceptionnels qui ne méritent pas réflexion. Ils se contentent souvent de prendre de petites mesures très circonscrites dans le temps et dans l’espace. En effet, le problème des pluies extrêmes disparaît du débat et de l’agenda publics dès la fin de la saison des pluies ».