C’est fait. Les autorités de la ville de Fès sont passées à l’acte. La cité universitaire de Dhar Mehraz –garçons- n’est désormais qu’un amas de pierre. Des années d’histoire totalement rasées en quelques jours. L’historique bâtisse ayant marqué des milliers d’étudiants marocains de l’Université Mohamed Benabdellah n’est plus qu’un souvenir quelconque.
Plusieurs voix se sont élevées depuis quelques mois appelant à la sauvegarde de cette cité, à sa restauration ou à sa transformation. Creuset de différentes formes de créativité estudiantine, cette cité avait vu naître de nombreuses potentialités créatives: romanciers, poètes, écrivains, musiciens, réalisateurs, artistes plasticiens, metteurs en scène, comédiens et bien évidemment leaders politiques et associatifs.
La panoplie est on ne peut éclectique : du poète et parolier Ahmed Lamsayeh, au spécialiste des études hébraïques Mohamed Lmedlaoui, de l’écrivain et journaliste Hassan Najmi aux poètes Mohamed Bennis, Mohamed Belamou et Mohamed Abed, des réalisateurs Abdelilah Jawhari, Azelarabe Alaoui Mharzi et Mohamed Nabil à l’artiste peintre résidant en Italie Youssef Satouri, de Naziha Miftah et Said Maghribi au sociologue Noureddine Zahi et à l’écrivain et traducteur de la philosophie allemande Hamid Lechhab.Il s’agit d’une cité qui a pu asseoir des traditions diverses. Une lutte estudiantine de gauche qui n’avait rien à envier aux plus traditionnelles cités universitaires du monde. Des traditions qui bousculaient parfois les valeurs d’équité, de démocratie et de pluralité dans pareils eespace.
L’Etat n’avait jamais vu d’un bon œil la cité universitaire Dhar Mehraz. Cette dernière a de tout temps formé ses opposants et à son insu une élite cooptée par le pouvoir. Les affrontements avec les forces de l’ordre duraient souvent des heures et parfois même une longue journée. Les victimes les plus connues de ce genre d’événements sont Adel Ajraoui, Khalifa Zoubida et Hafid Bouabid, toujours considérés comme des martyrs du mouvement estudiantin et symboles de lutte et de résistance.
Depuis le début des années 90, les affrontements allaient changer d’acteurs avec l’entrée en scène des étudiants islamistes. Au lieu de simples rivalités entre groupuscules de gauche, on allait vivre des moments de violence intense. Des étudiants qui mouraient : en 1993, c’était le gauchiste Aït Ljid Mohamed Benaïssa, puis en 2014 l’étudiant islamiste Hasnaoui.
Les moments de la cité Dhar Mehraz furent partagés entre la prévalence de la raison et du dialogue et ceux où la violence et les hostilités gagnaient du terrain. Pour l’histoire, ce sont les premiers qui l’avaient remporté. Les temps allaient changer bon an mal an. La cité Dhar Mehraz a, entre temps, changé de mission.
Des fois, ce sont des valeurs de débat, de raison et de dialogue qui triomphent, ce qui a débouché sur une école de formation pluridisciplinaire, notamment en sciences politiques. Mais une fois la raison reléguée au second plan, ce sont la violence et l’hostilité qui prennent le dessus, au grand bonheur des faucons qui ne voulaient pas voir continuer une université de liberté et de formation.