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Faute de chiffres officiels, on en bricole

Des contaminations par centaines au sein du personnel médical


Hassan Bentaleb
Lundi 19 Octobre 2020

L'inadéquation des conditions de travail y est pour beaucoup

825 est le nombre des infirmiers et techniciens de la santé touchés par la Covid19 dès son apparition en mars dernier dans l’ensemble des hôpitaux et centres de santé publics. 200 cas ont été enregistrés en seulement deux semaines, a rapporté dernièrement le Mouvement des infirmiers et des techniciens de la santé du Maroc (MITSM). « Il est vrai que ces chiffres sont très minimes par rapport au nombre des infirmiers et techniciens estimé à 30.000 personnes, mais nous croyons que le taux d’incidence est le double ou le triple voire plus. Notamment ces dernières journées où le nombre des contaminations a augmenté », nous a indiqué Fatima Zahra Belline, coordinatrice du comité de communication et des médias auprès du MITSM. Et de poursuivre : « Les données publiées par le MITSM ne sont que les résultats de nos propres efforts grâce au travail accompli par nos coordinateurs. En effet, les cas recensés ne concernent que les infirmiers et techniciens qui ont pris contact avec notre mouvement. Les chiffres officiels n’existent pas. C’est motus et bouche cousue du côté du ministère de la Santé». A rappeler qu’en août dernier, la Fédération nationale de la santé (FNS) a révélé l’existence de 120 cas parmi le personnel médical public qui a dû être hospitalisé. La FNS a même évoqué l’existence de foyers professionnels de contamination à Fès, à Tanger et dans d’autres villes. Comment peut-on expliquer l’augmentation de ces cas ? Sont-ils dus aux dysfonctionnements des mesures de prévention et de sécurité ou plutôt aux conditions de travail non adéquates ? «Ce sont les deux à la fois. En effet, si les moyens de protection sont abondants dans certaines régions, ce n’est pas le cas pour d’autres qui endurent une certaine rationalisation exagérée. D’autant plus que la hausse du nombre des personnes touchées par le Covid-19 n’a été accompagnée ni par l’augmentation des effectifs ni par l’amélioration des conditions et des moyens de travail qui demeurent identiques à ceux d’avant l’apparition du coronavirus. Notre pays reste encore loin du standard international, le manque en ressources humaines est estimé à 50.000 infirmiers et techniciens, selon le ministère de tutelle et à 64.000, selon l’OMS», nous a expliqué notre interlocutrice. Et d’ajouter : « A noter également que ce personnel médical n’a pas bénéficié des congés ni des périodes de repos. Il a été appelé à travailler jour et nuit au cours de la propagation de la pandémie. L’ensemble de ces facteurs épuise l’énergie et la bonne volonté de ce personnel et augmente le risque des erreurs humaines lors de l’exercice de sa mission ». Aujourd’hui, nous a confié notre source, les infirmiers et les techniciens de santé sont désespérés. D’après elle, l’enthousiasme et la volonté de lutte qui ont caractérisé les premiers mois de l’apparition du coronavirus ont laissé place à la désillusion. « Nous avons risqué nos vies, mais ces efforts et risques n’ont pas été reconnus. Notre rôle est encore sous-estimé et moins valorisé. Il y a eu des annonces concernant une prime Covid-19 qui fait encore l’objet de négociation entre le ministère et les syndicats, mais nous rejetons catégoriquement cette prime et nous appelons plutôt à une révision de notre statut et une amélioration de nos conditions de travail (recrutements, salaires, promotion, équivalence des diplômes…) », nous a souligné Fatima Zahra Belline. Des propos que confirme l’OMS qui estime que le personnel infirmier forme le plus vaste groupe professionnel du secteur de la santé, représentant environ 59% des professions de santé. Selon cette organisation, aucun programme d’action sanitaire mondial ne peut être mené à bien sans des efforts concertés et soutenus pour tirer le meilleur parti du personnel infirmier ainsi que sa contribution aux équipes médicales interprofessionnelles. En effet, l’OMS considère le personnel infirmier comme essentiel pour tenir la promesse de ne «laisser personne de côté » et pour atteindre les objectifs de développement durable au niveau mondial. « Il apporte une contribution déterminante aux cibles nationales et mondiales relatives à tout un éventail de priorités sanitaires, dont la couverture sanitaire universelle, la santé mentale et les maladies non transmissibles, la préparation et la riposte aux urgences, la sécurité des patients, et la prestation de soins intégrés centrés sur la personne», indique un rapport de l’OMS sur la situation du personnel infirmier dans le monde en 2020. Et de préciser que ce rôle primordial est difficile à mener puisque « le monde n’est pas doté d’un personnel infirmier suffisamment nombreux au regard des cibles de la couverture sanitaire universelle et des ODD. Plus de 80 % des infirmiers(ères) du monde exercent dans des pays représentant ensemble la moitié de la population mondiale. La pénurie planétaire de personnel infirmier, estimée à 6,6 millions de personnes en 2016, s’est légèrement résorbée, passant à 5,9 millions de personnes en 2018. D’après les estimations, 89 % de cette pénurie (soit 5,3 millions de personnes) est concentrée dans des pays à revenu faible ou intermédiaire, où la croissance du nombre d’infirmiers(ères) suit à peine celle de la population, et où les niveaux de densité de personnel par rapport à la population ont donc peu progressé ». Pourtant, ce rôle ne semble pas être apprécié et considéré par le ministère de tutelle qui fait la sourde oreille aux principales revendications des infirmiers qui enchaînent sit-in et grèves il y a près de six ans. En effet, rien n’a été entrepris en matière de rémunération des risques professionnels ni au niveau de la promotion professionnelle ni au niveau de la reconnaissance académique des diplômes délivrés par l’Etat dans le domaine de l’infirmerie et l’accès aux postes de responsabilité. L’augmentation des effectifs, une formation de base et une formation continue en adéquation avec les besoins réels, l’ouverture de cycles du master et du doctorat en nombre suffisant, une amélioration du cadre législatif des professions infirmières et spécialement l'élaboration du Référentiel d'emploi et de compétences (REC), une augmentation de la prime de risques professionnels, l'égalité des chances en matière de promotion professionnelle à l'instar des ingénieurs, des pharmaciens, des médecins... et la création des ordres professionnels représentant les infirmiers, sages-femmes et techniciens de santé à l’instar de ceux des pharmaciens et des médecins restent toujours des vœux pieux. Affaire à suivre. 


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