Fatiha Saddas: Lachguar n’arrête pas de nous dire de le laisser tranquille. C’est nous qui lui demandons de continuer


Libé
Mardi 14 Décembre 2021

Ce n’est pas une question de volonté des dirigeants, mais surtout celle des congressistes

Membre du Bureau politique de l’USFP, ittihadie pure et dure depuis sa tendre jeunesse, connue et reconnue, rompue à la tâche en tant que dirigeante au Parti de la Rose et en tant que militante invétérée au quotidien, Fatiha Saddas, avec la sage spontanéité et le franc-parler qu’on lui connaît, s’est admirablement livrée au jeu de questions-réponses dans la fameuse rubrique « L’interrogatoire», savamment concoctée par nos confrères de Tel Quel. Des questions pertinentes et des réponses sans détour. Un entretien plein d’enseignements.

L'interrogatoire
Par Jassim Ahdani

Smyet bak ?

Mohamed, paix à son âme.

Smyet mok ?
Fatna, paix à son âme.

Nimirou d’la carte ?
A129775.

Le 11è congrès de l’USFP se tiendra fin janvier prochain, en présentiel et à distance. Où en êtes-vous dans les préparatifs techniques ?
En plus du comité d’organisation du congrès, il y a un comité de logistique qui réfléchit au modèle à adopter. Dans les années 1960, Omar Benjelloun avait défini un concept organisationnel que nous n’avons eu de cesse de développer. Cela a toujours été au centre des discussions.

1000 congressistes devront s’exprimer et voter durant les 3 jours du congrès. Ne risquez-vous pas de devoir en prolonger la durée ?
Non, car les gens préfèrent désormais les réunions à distance et s’adaptent à cette nouvelle situation. C’est devenu normal dans la vie politique et syndicale, et même au sein de l’Etat. C’est le contexte qui nous l’impose. Mais si l’intensité de la pandémie s’atténue, nous pourrions envisager de tenir tout le congrès en présentiel. Cela nous éviterait de nombreux problèmes techniques.

Votre premier secrétaire, Driss Lachgar, a récemment déclaré qu’il comptait sur “la bonne foi de tous” afin de réussir le congrès. Est-ce suffisant en politique ?
Je pense que nous sommes à la hauteur de nos responsabilités. Si le vote se tient à distance, nous fournirons au niveau central toutes les possibilités avec lesquelles nous gérerons ce processus.

Certains de vos congrès se sont déjà terminés en scissions irréversibles…
L’USFP a connu de nombreuses scissions. Mais nous sommes encore là, avec 43 parlementaires dans les deux chambres. Nos crises nous ont affaiblis au lieu de nous renforcer. Aujourd’hui, il faut réfléchir aux mécanismes qui maintiennent le parti afin qu’il puisse, à l’avenir, reprendre la place qu’il mérite.

La majorité des membres de votre bureau politique appellent Driss Lachgar à assurer un troisième mandat consécutif. Manquez-vous d’alternatives à ce point ?
Je fais partie de ceux qui veulent voir le frère Driss prolonger son mandat. Il a orchestré les élections de 2015, 2016 et 2021. Nous avons travaillé avec lui dans les provinces afin de couvrir toutes les circonscriptions et de respecter la loi relative aux partis. Les résultats sont aujourd’hui positifs, comme vous le savez. Pourquoi n’aurait-il pas droit à un troisième mandat ?Benabdallah l’a fait au PPS, et Benkirane est tout juste redevenu leader du PJD.

Mais Ssi Driss a affirmé à de nombreuses reprises ne pas avoir l’intention de briguer un troisième mandat…
Ce n’est pas une question de volonté des dirigeants, mais surtout de celle des congressistes. Si vous demandez à n’importe quel parlementaire socialiste, il vous dira qu’il souhaite travailler avec Ssi Driss au cours des cinq prochaines années. Il a été omniprésent lors de la préparation des élections et a résolu de nombreux problèmes survenus au niveau local.

Et que dit votre règlement interne ?
Chaque membre a droit à deux mandats, pas seulement le Premier secrétaire. Pour en envisager un troisième, il est nécessaire de réviser le règlement interne. Si cette option est retenue par le comité d’organisation du congrès, il faudrait qu’elle soit préalablement approuvée par le conseil national. 

Une partie de vos camarades laissent entendre que Hasna Abou Zaid serait prête à challenger Lachgar. La concernée, elle, entretient le flou. Soutiendriez-vous un visage féminin, le cas échéant ?
Non, j’aurais tout aussi bien pu me présenter moi-même dans ce cas. Je suis une militante qui a accumulé des années de responsabilités. Hasna Abou Zaid, je l’admire et la respecte. Mais si je devais voter pour une sœur, ce serait pour quelqu’un qui a travaillé dur toutes ces années au niveau local. Je suis pour la récompense des efforts. Homme ou femme, personne ne peut rester confiné chez lui quatre ans et devenir mon chef par la suite. Ethiquement, je considère hchouma que ceux qui n’ont pas mené bataille avec nous puissent se présenter dans ce contexte.

Est-ce le cas de l’ancien ministre USFP, Abdelkarim Benatiq, qui a d’ores et déjà annoncé sa candidature ?
Nous n’avons pas officiellement ouvert la porte des candidatures au poste de Premier secrétaire. Benatiq a annoncé son intention de se présenter, marhaba. C’est le congrès qui décidera.

Certains le présentent comme un “lièvre de course” pour donner une image de démocratie interne. N’y a-til vraiment personne pour concurrencer Lachgar ?
Il faut que vous sachiez que Driss n’a pas arrêté de nous dire de le laisser tranquille. C’est nous qui lui demandons de continuer. Il est charismatique, il a du sens politique, une présence quotidienne au siège… Je n’étais pas d’accord avec lui avant 2012. J’étais plutôt proche du frère Oualalou. Mais quand ce dernier est tombé au deuxième tour du 9e congrès, j’ai fait campagne pour Lachgar sans réfléchir. C’est ma génération. On coopérait, on se disputait, toujours dans un cadre fraternel. C’est un militant des années 1970- 1980, un ancien leader de la chabiba et du mouvement estudiantin, chef de la majorité parlementaire à l’époque de l’Alternance.

Autre prétendant, le démissionnaire Hassan Nejmi dit que sa candidature dépend du parti, de la société et de l’Etat. Lui non plus ne fait pas le poids à vos yeux ?
Je n’ai pas compris ce qu’il a voulu dire. Comment peut-il proposer une candidature alors qu’il a démissionné ?

Que valent ces courants aux slogans révolutionnaires au sein de l’USFP, tels “Ilal amam” et “Ouled chaâb” ?
Nous l’ignorons. On lit seulement leurs communiqués sur certains sites d’information. Je suis issue d’une ancienne génération qui a une conviction ferme : j’ai été beaucoup lésée dans ce parti, mais je ne suis jamais allée critiquer ma formation dans la presse. Je le fais en interne.

Les détracteurs du leadership de l’USFP prétendent ne pas avoir été consultés sur la date et le mode d’organisation du prochain congrès. Un énième désaccord à finir en justice ?
Que puis-je dire ? Nous avons annoncé la date du congrès il y a deux mois. Mais avant cela, nous avons révisé 3 articles du règlement intérieur pour adapter le congrès au fait qu’il y a eu en septembre 2021 trois élections distinctes en une journée. Nos structures sont en parfaite cohérence avec la loi.
 

​LE PV

 C’est au siège de l’USFP à Rabat que Fatiha Saddas nous accueille. Candidate malheureuse aux dernières élections régionales à Casablanca-Settat, elle n’a pas réussi à décrocher l’un des trois sièges à pourvoir dans la province de Benslimane. Elle en a vu d’autres. Des campagnes électorales, Fatiha Saddas en mène depuis 1976. L’ancienne vice-secrétaire de l’organisation féminine de l’USFP de 1992 à 2002 se présente comme une légitimiste anti-scissionniste qui n’a jamais répondu aux sirènes frondeuses. Celle qui estime que le militantisme s’est éteint de nos jours (“il n’y a plus de militants, que des activistes. Le militant était celui qui se faisait incarcérer pour ses idées”, tonne-t-elle) est ittihadia depuis ses 12 ans et compte le rester jusqu’à son dernier souffle. “Même en béquilles, je serais une vieille dame qui ira voter pour l’USFP”, nous confie-t-elle… à moins que le vote à distance ne se généralise d’ici là.


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