Bat fait partie du Dayar Mongol ("Tout mongol"), l'un des trois groupuscules ultranationalistes dûment enregistrés en Mongolie, où la xénophobie a trouvé un terreau, et où l'ennemi numéro un est le puissant voisin du Sud: la Chine.
"Nous avons entraîné 50 combattants dont la tâche est de pourchasser les Chinois résidant en Mongolie et certains Mongols de père chinois", dit sans détour Bat, interrogé par l'AFP dans la capitale Oulan Bator.
"Nous rejetons leur race et leur culture", dit le jeune homme de 24 ans, reconnaissant que son groupuscule a agressé des ressortissants chinois.
La Mongolie, ancien satellite soviétique coincé entre la Russie et la Chine, tente de s'extraire de la pauvreté en se tournant vers l'économie de marché depuis une vingtaine d'années, mais reste l'un des pays les plus pauvres d'Asie.
Ses réserves importantes de cuivre, d'or, d'argent ou d'uranium ont attiré la convoitise des investisseurs étrangers, souvent chinois, mais des groupes comme le Dayar Mongol rejettent toute influence venue de l'extérieur.
"On ne peut tout simplement pas donner la Mongolie aux Chinois. On la protège d'eux", lance Bat, dont le groupuscule, qu'il a relancé en 2005 après quelques années de repli, revendique 300 membres actifs.
Bat explique aussi que le Dayar Mongol a également dans le collimateur les femmes mongoles qui ont des relations sexuelles avec des Chinois. Ils leur rasent la tête, ou parfois leur font un tatouage sur le front -- des humiliations qui rappellent des pratiques de la Seconde Guerre mondiale.
Le racisme antichinois a semé le trouble jusqu'à Washington, où le Département d'Etat a mis en garde les voyageurs contre "le nombre croissant d'attaques xénophobes contre les étrangers" depuis le printemps 2010.
"Des groupes nationalistes prennent souvent des Américains d'origine asiatique pour des Chinois ou des Coréens et peuvent les attaquer sans prévenir ni sans qu'il y ait eu provocation", écrit le Département d'Etat sur son site internet.
Cette année, deux Chinois ont été tués à Oulan Bator, a indiqué la police, ajoutant que le meurtre d'un Mongol par un Chinois dans les faubourgs de la capitale "explique le fait que les groupes ultranationalistes sont devenus plus actifs".
Le nombre de Chinois se rendant ou résidant en Mongolie est difficile à établir, ceux-ci ne nécessitant pas de visas, mais les flux sont importants.
Pour Franck Bille, qui mène des recherches à l'Université de Cambridge sur le comportement mongol face à la Chine, le sentiment antichinois en Mongolie remonte au moins à l'époque soviétique.
"C'est une conséquence directe de la période socialiste", explique-t-il à l'AFP, "les Russes ont souvent agité la 'menace chinoise' pour s'assurer de l'allégeance mongole".
La Russie est toujours perçue de manière favorable dans la population, le président russe Dmitri Medvedev et le Premier ministre Vladimir Poutine sont tous les deux venus en Mongolie l'année dernière. Mais la présence économique grandissante chinoise inspire de la méfiance.
"L'influence accrue de la Chine en Mongolie dans les secteurs des mines et de la construction a surtout contribué à la montée du sentiment nationaliste", estime Shurkhuu Dorj, de l'Institut des études internationales à l'Académie mongole des Sciences.
Les ambitions de la Chine, dont la dynastie mandchoue a imposé sa tutelle pendant deux siècles à Oulan Bator, inquiètent aussi les Mongols.
"A l'évidence, ils ne veulent pas que le pays devienne une banlieue économique de Pékin", dit Graeme Hancock, expert de l'industrie minière à la Banque mondiale.
Pour M. Dorj, les organisations antichinoises ont des centaines, plutôt que des milliers, de membres.
Mais "il y a un vrai danger", juge-t-il.