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Fille de migrants marocains établis à Bruxelles, Dounia est la dernière d’une fratrie de sept enfants. Née suite à une grossesse « non désirée », elle s’est toujours sentie comme la fille « mal-aimée ». Et le conflit culturel et intergénérationnel avec ses propres parents, ainsi que l’absence de dialogue ne faisaient qu’accentuer sa solitude et son isolement. La seule personne en qui elle avait confiance était Abdel, un jeune délinquant de son quartier qui lui rendait visite régulièrement à l’hôpital où elle avait longtemps séjourné après s’être défenestrée alors qu’elle fuyait, adolescente, un problème familial.
Dounia finit par se marier avec lui après avoir renoncé à la scolarité, se sentant rassurée quant à son avenir et son indépendance avec l’indemnité d’invalidité qu’elle touchait suite à l’accident. Mais le mari, rattrapé par ses délits, ne tardera pas à faire un séjour en prison où il sera radicalisé. Elle apprendra par la suite son implication dans un attentat à sa sortie de prison. Bien qu’elle ne partage pas ses opinions et critique ouvertement ses manipulateurs, n’hésitant pas aussi à lui rappeler son passé de délinquant, elle accepte de le retrouver dès qu’elle reçoit son appel, l’informant qu’il rentrait de Syrie. C’est qu’elle avait une « bonne » nouvelle à lui annoncer, qui promet plein d’espoir pour l’avenir... Vêtue d’une robe blanche, elle se rend au lieu du rendez-vous, une station de métro très fréquentée en plein cœur de la capitale belge. C’est sur cette scène que la pièce s’ouvre.
« Ambiance de station métro. Une rame arrive, la foule se bouscule pour monter, les portes se referment. Explosion. Poussières, hurlements de sirènes, bruits de foule en panique, lampes qui clignotent. Rythme d’un cœur qui bat rapidement. Puis… plus rien. Peu à peu, dans une maigre clarté, on discerne au sol un corps habillé de blanc », décrit l’auteur avant de donner la voix à son héroïne. La scène qui rappelle l’ambiance sombre de l’un des attentats survenus le 22 mars 2016 à Bruxelles, laisse peu de suspense quant au sort tragique de Dounia qui revoit défiler en accéléré toute sa vie avant de rendre l’âme. « A travers ce monologue, Dounia qui s’est toujours sentie rejetée par sa famille, raconte sa quête perpétuelle pour s’affirmer en tant que jeune femme forte au caractère bien trempé », avait expliqué à la MAP Taha Adnan à l’occasion de la première présentation du texte « Dounia » devant le public bruxellois. C’est la comédienne belgo-marocaine Yasmine Laassal qui avait alors donné vie à ce personnage à la fois sensible et exubérant.
Pour l’auteur, ce récit soulève plusieurs questionnements sur le malaise de ce personnage qui essaie de sortir la tête de l’eau malgré les flots tumultueux de la vie. La question identitaire est également présente dans cette pièce à travers la déchirure que vit Dounia qui ne s’est jamais sentie intégrée ni dans sa propre famille, ni dans la société, selon l’auteur. Malgré la gravité du sujet traité par cette pièce, Taha Adnan reste fidèle à son style, en agrémentant son récit de sa touche d’humour habituelle, naviguant avec aisance entre moments émouvants et d’autres plus légers et drôles. La pièce Dounia a été écrite en arabe avec le soutien du Centre nomade des arts « Moussem » qui a permis à l’auteur une résidence d’écriture à Hammana Artist House au Liban et la traduction française de la pièce, en collaboration avec « La Charge du Rhinocéros » et le soutien de Wallonie-Bruxelles International à l’occasion de l’année culturelle Maroc 2018.
Originaire de Marrakech, Taha Adnan est établi à Bruxelles depuis plus de 20 ans. Il est membre de l’Union des écrivains du Maroc et du Collectif de poètes bruxellois.
Sa poésie et son théâtre sont publiés, traduits et primés dans plusieurs pays. C’est notamment le cas de sa pièce «Bye-Bye Gillo», un témoignage bouleversant sur l’immigration, présenté dans des dizaines de pays européens et arabes, raflant de nombreuses distinctions.