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C’est d’abord un titre séducteur parce qu’intrigant. En effet, il suscite moult questions : que veut-on signifier par le mot « cœur » ? Est-ce l’organe vital fait de muscles, de veines et d’artères, niché dans la cage thoracique de tout un chacun ? Si c’est cet organe qu’on entend, alors qu’est-ce qu’un cœur marocain pourrait avoir de particulier en comparaison aux sept milliards de cœurs battant dans les corps qui peuplent cette terre ? Est-ce le cœur pris dans le sens métaphorique qu’on lui attribue, c’est à dire le foyer des sentiments que ressent un être humain ? Dans ce cas, qu’aurait également un cœur marocain de particulier ? Générosité, hospitalité, jovialité caractérisant les Marocains de manière générale ?
On entame la lecture du roman avec toutes ces questions. On tombe alors sur des premières lignes non moins séductrices que le titre. La phrase inaugurale du roman est éloquente à cet égard :
« Monsieur, votre rythme cardiaque est de 39 pulsations par minute ».
Pour un lecteur qui ne comprend pas vraiment ce que cela signifie médicalement, la précision vient quelques lignes plus loin :
« Et donc, il devrait battre entre 60 et 80 pulsations par minute…le vôtre est à 39… C’est bas… C’est même très bas. Avez-vous déjà fait des malaises ? »
Adam Kazantzakis, la cinquantaine, Grec résidant au Maroc, animateur d’une émission culturelle dans une antenne radio à Rabat, célibataire, ayant pour seule famille deux amis écrivains, va se retrouver face à une grave défaillance du fonctionnement de son cœur qui l’expose à tout moment à un accident cardio- vasculaire, une attaque cérébrale ou même un arrêt cardiaque.
Commence alors un périple. Le lecteur est entraîné avec Adam Kazantzakis dans l’univers de la maladie cardiovasculaire. Grâce à un style fluide et entraînant, on plonge avec grand intérêt dans l’enfer des analyses, des radiographies, dans le jargon relatif aux maladies cardiaques : arythmie, électrocardiogramme, fibrillation auriculaire, TP/INR, coronographie, «seintrom» (jeux de mots avec le nom des médicaments), holter, pacemaker…lequel univers nous fait prendre conscience de la fragilité de la vie et d’un type de vie particulier où « la maladie n’a pas de jour férié » et que les personnes bien portantes n’imaginent pas.
Dans cette descente aux enfers de la maladie, cette chute libre dans le gouffre de la maladie, une main va se tendre à Adam Kazantzakis et le happer pour en freiner la vitesse : Leïla Zinaidi, une cardiologue.
Le médecin généraliste ayant vivement conseillé la consultation d’un cardiologue à Adam, ce dernier se rend sans grande conviction, dans le cabinet du docteur Zinaidi qui se situe dans l’immeuble où il habite. Dès la première consultation, il se surprend à lui dire, lui qui a horreur des médecins et des milieux hospitaliers : « Mon cœur est entre vos mains ».
Cette phrase ne tardera pas à prendre une double dimension : le cœur malade entre les mains d’une cardiologue et le cœur esseulé entre les mains d’une femme esseulée à son tour !
Divorcée, éloignée de ses deux enfants partis vivre avec leur père en France, Leïla Zinaidi va se donner corps et âme à son travail, s’oubliant comme femme jusqu’au jour où elle fit la connaissance d’Adam Kazantzakis. Du devoir professionnel, elle passera à un statut maternel et protecteur envers lui pour finir par découvrir qu’ils sont amoureux l’un de l’autre, ouvrant ainsi la voie à une grande question déontologique que l’auteur soulève avec beaucoup de finesse.
Pourquoi toute relation amoureuse entre un médecin et son patient est-elle une grave transgression à la déontologie du métier et est sanctionnée pénalement ? Le rapport médecin /patient exclut-il le fait qu’on soit homme et femme pouvant éprouver une attirance amoureuse mutuelle ?
Par ce roman, Jean Zaganiaris met en lumière l’Homme confronté à la maladie, à la défaillance de son corps qui refuse de mener la vie qu’il veut lui imposer. Il y révèle une vulnérabilité particulière de l’être humain. Son roman est une autopsie de la psychologie d’un malade qui découvre sa maladie, qui en souffre énormément mais qui, en perdant à jamais son cœur sain, en trouve un autre qui va l’aimer. Qu’adviendra-t-il alors de ces deux cœurs ?
Un roman à lire !