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Contrecarrer les menaces terroristes en Afrique et au Moyen-Orient

Le coup de pouce donné aux islamistes dits modérés ne s’est pas avéré payant


Mourad Tabet
Samedi 10 Novembre 2018

Des historiens, des juristes, des politiques et des académiciens du monde arabe se sont réunis jeudi dernier à Rabat sur invitation du Centre des études sur l’Afrique et le Moyen-Orient (AMES-Center) pour débattre des menaces terroristes qui planent sur les pays d’Afrique et du Moyen Orient et plancher sur les stratégies permettant d’y faire face.
Khalid Abid, historien tunisien spécialiste de l’histoire politique contemporaine a, dans ce cadre, axé son intervention sur la situation politique, particulièrement en Tunisie et en Libye après les révolutions de 2011.
Il a assuré dans ce sens que ces révolutions sont le fruit d’un malaise social évident, mais leur déroulement a été dévié par des ingérences étrangères et notamment par ceux qui ont parié sur « l’islam modéré en vue de déraciner le terrorisme et de lutter contre les groupes jihadistes ». « Il y a eu une convergence internationale des efforts visant à faire accéder au pouvoir des partis de la mouvance de l’islam modéré (même si l’intervenant utilise avec précaution ce concept) dans le but de contrecarrer les groupes jihadistes et terroristes », a-t-il précisé. Et d’ajouter : « Il ne faut pas s’étonner que les partis islamistes soient arrivés au pouvoir en même temps en Tunisie, en Egypte et au Maroc. Mais ils ont échoué en Syrie, et partiellement au Yémen ». Ironie de l’histoire, au lieu de mettre fin aux groupes salafistes et jihadistes, ces groupes se sont multipliés sous le règne des islamistes, a-t-il déploré durant la première séance modérée par Mohammed Derouich et consacrée au diagnostic des défis et des menaces sécuritaires en Afrique et au Moyen-Orient. Et de s’interroger : « Comment expliquer la prolifération des groupes terroristes au Mont Sinaï en Egypte ? Jusqu’à présent cette question me taraude ».
Il a, par ailleurs, mis en garde contre la détérioration de la situation politique et sécuritaire en Tunisie et en Libye. Car si ces deux pays ont sombré dans le chaos, particulièrement la Libye où les groupes terroristes profitent de l’absence d’un pouvoir centralisé depuis la chute de Kaddafi, cela a « des répercussions géostratégiques dans toute la région de la Méditerranée et en Europe ».
Pour sa part, Moussaoui Ajlaoui a soutenu que la question des menaces terroristes ne peut être traitée seulement d’un point de vue technique, sécuritaire ou judiciaire, mais le traitement d’un phénomène qui menace la stabilité des pays de la région nécessite une approche globale et pluridisciplinaire.
Cet expert associé à l’AMES-Center a mis l’accent sur les menaces qui pèsent sur la Corne de l’Afrique et les changements géostratégiques dans cette région dont la stabilité est importante pour celle du continent africain tout entier.
Selon lui, cette région souffre de deux problèmes majeurs, à savoir les conflits régionaux, ethniques et politiques et la problématique de l’édification d’un Etat fort. Plongée dans le chaos et les divisions ethniques et politiques, la Corne de l’Afrique est devenue un terreau  fertile pour toutes les formes de terrorisme, comme c’est le cas du Mouvement des Chabab en Somalie.
Il a souligné qu’ « il y a de nombreux acteurs et identités qui interviennent dans cet espace géographique », tout en affirmant que « les structures sociales faibles des pays de cette région se recoupent avec des stratégies internationales visant à contrôler Bab El Mandeb », Détroit séparant Djibouti et le Yémen. « Ce Détroit constitue le nœud gordien des conflits géostratégiques. La situation dans la Corne de l’Afrique fait partie du conflit au Moyen-Orient », a précisé Moussaoui Ajlaoui avant d’ajouter  qu’«il y a une tentative de l’Iran d’encercler le monde arabe par une mainmise sur l’Afrique de l’Est».
Isselmou Abdel Kader, spécialiste en gestion des conflits intercommunautaires et des flux transfrontaliers a, quant à lui, axé son intervention sur les défis sécuritaires au Sahel.
Ce haut fonctionnaire et ancien ministre mauritanien a appelé à revenir à la source des défis et des menaces qui pèsent sur cette région de l’Afrique.
Dans ce sens, il a appelé à faire montre d’audace et de remettre en cause l’histoire coloniale des pays africains en vue de régler tous les problèmes qui ont été créés par le colonialisme, surtout celui de l’artificialité des frontières ; d’intégrer les transhumants qui ont été marginalisés par les pouvoirs africains postcoloniaux dans l’économie sahélienne et ce, dans le but de couper l’herbe sous les pieds des groupes terroristes ; et enfin de rénover le référentiel islamique.
Il a notamment mis l’accent sur la nécessité de mettre fin à ce qu’il a nommé « l’illusion identitaire », tout en affirmant que les Sahraouis doivent se réjouir du Plan d’autonomie proposé par le Maroc, car il leur permet de sauvegarder leur identité.  
Il a, par ailleurs salué l’appel de S.M le Roi Mohammed VI à un dialogue franc et direct avec l’Algérie pour « trouver une solution radicale à la question du Sahara ». Et d’ajouter : « La responsabilité pèse sur les élites pour résoudre les problèmes ».
Youssef El Alkaoui, juge marocain à la Cour d’appel chargée de la lutte contre le terrorisme, a souligné dans son intervention qu’il n’y a pas de statistiques précises sur le nombre de jihadistes marocains retournés au Maroc.
« Comment les terroristes se déplacent-ils facilement d’une région à une autre ? », s’est-il interrogé en citant comme exemple le cas du terroriste marocain Abou Khatir Al Maghrebi qui a commis un attentat terroriste aux Philippines. « Comment ce jihadiste appartenant à Daech en Syrie s’est-il  rendu  avec une aussi grande facilité aux Philippines pour se faire exploser ? Comment parvenait-il à communiquer avec les Philippins vu qu’il ne parle pas leur  langue ? Il y a probablement des personnes qui lui ont facilité tout cela », a-t-il ajouté.
Un autre axe a été abordé lors de la seconde séance modérée par Hasna Abouzeid. Il a trait aux stratégies de prévention et aux moyens de lutte contre le terrorisme en Afrique et au Moyen Orient.
Intervenant dans ce cadre, Rachid Benlabbah, chercheur à l’Institut des études africaines, a souligné que les groupes terroristes actifs en Afrique (Boko Haram, Nusrat al-islam wa al-mouslimin, AQMI, Chabab, groupes de l’Etat islamique en Libye et au Grand Sahara) tentent de développer des stratégies de communication et de se doter de structures d’information à large spectre, voire d’imiter les usages en cours dans le journalisme.
L’intervention de Maksoud Karrouz, directeur exécutif du centre Hedayah (Emirats arabes unis) a été, pour sa part, focalisée sur l’éducation et l’enseignement comme éléments importants de la lutte contre le terrorisme, alors que Khalid Chaouki, président du Centre islamique en Italie, a traité de la question de la jeunesse musulmane en Europe.

Arrestation à Inzegane et Aït Melloul de deux présumés partisans de Daech

Dans le cadre des opérations proactives visant à faire face aux dangers de la menace terroriste, le Bureau central des investigations judiciaires (BCIJ) a procédé, sur la base d’informations précises fournies par les services de la Direction générale de la surveillance du territoire national (DGST), à l'arrestation, vendredi à Inzegane et Aït Melloul, de deux individus présumés partisans de "Daech", soupçonnés de préparer des projets terroristes au Maroc.
Selon les premiers éléments de l'enquête, les deux suspects, âgés de 18 et 25 ans, un ancien détenu dans le cadre de la loi antiterroriste et un étudiant à la Faculté de la Chariâ, entretenaient des liens avec d'autres éléments terroristes, arrêtés en juillet 2018 à Fès et Safi, avec lesquels ils coordonnaient pour tenter d'obtenir des armes à feu qu'ils comptaient utiliser pour commettre des opérations terroristes contre des cibles sensibles dans le Royaume, indique le BCIJ dans un communiqué.
Les prévenus, ajoute la même source, menaient d'intenses contacts avec des partisans de "Daech" en dehors du Maroc, en vue de bénéficier de leur expertise dans le domaine de la fabrication d'engins explosifs et de poisons, en préparation à l'exécution de leurs projets terroristes dans le Royaume. Les deux mis en cause ont été placés en garde à vue à la disposition de l'enquête menée sous la supervision du parquet chargé des affaires de terrorisme, pour démêler l’écheveau de leur implication dans la préparation d'actes terroristes et pour identifier d'éventuels complices au Maroc ou à l'étranger, conclut le communiqué.


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