Comment dit-on souffler le chaud et le froid en espagnol ?


Hassan Bentaleb
Lundi 24 Janvier 2022

Avec les volte-face répétées de Madrid, pas facile de reconquérir la confiance de Rabat concernant les relations entre les deux pays

Comment dit-on souffler le chaud et le froid en espagnol ?
L’Espagne souffle le chaud et le froid. Ainsi quelques jours après les déclarations du ministre des Affaires étrangères indiquant que « le Maroc et l’Espagne tentent de construire une relation digne de l’ère actuelle», et qu’il y a « une fluidité dans les contacts qu'il entretient avec son homologue Nasser Bourita ». Et les déclarations du Roi Felipe VI appelant à des relations plus fortes et solides avec le Maroc, Madrid assure aujourd’hui que la fin de la crise diplomatique avec le Maroc n'est pas proche et qu’elle prendra le temps nécessaire pour parvenir à une relation bilatérale solide. José Manuel Albares, chef de la diplomatie espagnole, a affirmé que ni le voyage au Maroc ni la reconnaissance de la marocanité du Sahara ne sont à son ordre du jour, a rapporté le journal espagnol El Pais. 
Selon cette source, ce dernier a indiqué qu’une relation solide avec Rabat fondée sur la confiance et le bénéfice mutuel "prendra le temps qu'il faudra" et que ce sujet ne constitue pas une priorité ainsi que la reconnaissance de la marocanité du Sahara. A ce propos, Albares a minimisé les propos du chef du gouvernement marocain, Aziz Akhannouch, qui, dans une interview diffusée mercredi soir, a demandé des "positions ambitieuses et claires", par rapport au conflit du Sahara, de la part des pays qui veulent entretenir de bonnes relations avec Rabat.
Le ministre espagnol des Affaires étrangères a déclaré, en outre, que l'Espagne ne peut pas "parler au nom des parties en conflit". A Washington et après avoir rencontré le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, il a déclaré qu’il faut « une solution politique, mutuellement acceptable dans le cadre de l'ONU ».
Sur un autre registre, José Manuel Albares a envoyé un message aux partenaires et alliés de l'Espagne demandant l’engagement de l'Alliance atlantique et l'Union européenne "avec le voisinage méridional" notamment le Maroc, a indiqué le journal Elespanol. Selon lui, le voisinage sud doit avoir le même poids que le voisinage est, précise El Pais. "Nous travaillons sur une relation solide, dans laquelle les actions unilatérales sont impossibles avec Rabat", a-t-il lancé. Et d’ajouter que cette zone constitue, à la fois, une source d'opportunités et un foyer d'instabilité (trafic d'armes, trafic d'êtres humains, drogue). La Méditerranée, a-t-il déclaré, "ne doit pas être une mer qui nous sépare mais plutôt qui nous unit pour créer une communauté avec ces pays".
Comme lors du sommet de l'OTAN, Albares a exigé que l'UE définisse clairement son autonomie stratégique. "Ce n'est qu'en identifiant nos menaces que nous pourrons savoir de quelles capacités nous avons besoin pour y faire face. Plus tard, nous pourrons discuter avec notre allié naturel, les Etats-Unis, pour savoir ce que nous devons faire ensemble, ce que nous aurons à faire séparément et comment nous nous coordonnons."
Comment peut-on expliquer ce changement de position de l’Espagne ? Pour Abdellah Rami, chercheur au Centre marocain des sciences sociales, c’est purement du jeu diplomatique. « Le gouvernement espagnol a pari sur un changement de position du Maroc vis-à-vis de l’Espagne en changeant le locataire du ministère des Affaires étrangères. En fait, Madrid a cru que la crise politique entre les deux Royaumes est due à l’Affaire Ghali alors que Rabat estime qu’il s’agit d’une crise de confiance», nous a-t-il indiqué. Et de préciser : «Aujourd’hui, le Maroc a perdu confiance dans le gouvernement espagnol et cherche à impliquer le palais royal espagnol dans les discussions concernant le dossier du Sahara. Pour Rabat, les équipes gouvernementales sont changeantes et certaines d’entres elles regroupent des parties hostiles au Maroc et à son intégrité territoriale ».
S’il est vrai que l’Espagne a multiplié les messages et les signes en direction de Rabat, explique notre chercheur, cette dernière est restée ferme dans sa position et demande une position claire et sans détour de la part de l’Espagne concernant le dossier du Sahara. Une situation considérée comme délicate pour Madrid qui se trouve divisée entre ses intérêts avec l’Algérie (gaz naturel) et ceux avec le Maroc. « Ce positionnement est devenu plus délicat encore avec le changement de position de l’Allemagne vis-à-vis du Maroc. A rappeler que Berlin a été contrainte de changer ses positions vu ses objectifs stratégiques en matière d’énergies renouvelables. L’Allemagne a des projets avec le Maroc et parie sur les énergies renouvelables importées du Royaume », nous a-t-il expliqué. Et de poursuivre : « Aujourd’hui, l’Espagne est dans une zone grise. Sa position n’est pas claire et demeure confuse. La dernière visite d’Albares aux USA a ajouté une autre couche de confusion. En fait, personne ne sait si l’Espagne a demandé l’intervention des USA ou leur a demandé de faire pression sur le Maroc. A souligner que le changement de position de l’Allemagne a constitué une pression sur Madrid. Sachant que les relations entre Madrid et Rabat sont plus complexes (immigration, Sebta et Mellilia, …) que celles entre Berlin et Rabat ».
Et qu’en est-il du message aux partenaires et alliés de l'Espagne demandant l’engagement de l'Alliance atlantique et l'Union européenne "avec le voisinage méridional" notamment le Maroc ? « Aujourd’hui, les USA parient sur Rabat comme en attestent les dernières manœuvres militaires menées par les deux pays et qui ont exclu Madrid. Le gouvernement, les médias ainsi que les analystes espagnols ont pris note de cet intérêt pour le Maroc de la part des USA et la régression du rôle de Madrid au profit de celui de Rabat. Ce qui porte atteinte à la position stratégique de l’Espagne. Et c’est pourquoi Madrid est en train de chercher à donner vie à sa position comme en témoigne sa volonté de déployer 650 militaires espagnols en Ukraine », a conclu Abdellah Rami. 


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