Abdel Jawad et Mohammed pourraient être libérés dans le cadre d'un échange entre des prisonniers palestiniens et des otages israéliens scellé par l'accord entre Israël et le Hamas, entré en vigueur vendredi, après plus de deux ans de guerre à Gaza.
"On nous a appelés pour nous dire: +leur nom est sur la liste+" des détenus libérables, publiée vendredi par Israël, explique Mme Shamasneh, qui se déplace à l'aide d'un déambulateur.
Toute la famille s'est déjà réunie dans la maison des parents, à Qatanna, un village situé au nord de Jérusalem, à deux pas du mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie, un territoire palestinien occupé depuis 1967.
Dans le salon, trois générations ont les yeux rivés sur le poste de télévision.
"Donc on attend les nouvelles", explique-t-elle alors qu'elle a revêtu une robe traditionnelle palestinienne, entièrement brodée à la main.
Sur les murs de la pièce, de nombreuses photos des frères, aux couleurs fanées. Leurs vêtements rappellent les années 1980, décennie au cours de laquelle les deux hommes ont été arrêtés. Abdel Jawad a aujourd'hui 62 ans, Mohammed a bientôt la soixantaine.
Personne n'évoque les raisons de l'incarcération, mais le dossier d'Abdel Jawad communiqué par Israël dans la liste des prisonniers à libérer, indique qu'il a été condamné à la perpétuité pour meurtre, tentative de meurtre et complot en vue de commettre un crime. Pour Mohammed, l'AFP n'a pas pu obtenir de détails.
En décembre 1987, la première Intifada a débuté, inaugurant des années d'un soulèvement populaire côté palestinien, mais aussi d'attentats meurtriers commis en Israël par des groupes armés.
"J'avais neuf ans quand mon père a été emprisonné, j'en ai 44 aujourd'hui, quatre enfants", raconte à l'AFP Ajwad Shamasneh, fils d'Abdel Jawad, "Vivre sans père est une tragédie."
"Enlacer son père après 34 ans (...) C'est indescriptible", lâche-t-il. A ses côtés, ses frères contiennent leurs larmes.
Israël et le Hamas ont donné leur aval à la première phase du plan du président américain Donald Trump censé mettre un terme à la guerre déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, et qui a depuis ravagé la bande de Gaza.
Aux termes de ce plan, le Hamas doit libérer d'ici lundi midi les 47 otages (vivants ou morts) restants à Gaza qui avaient été enlevés le 7-Octobre, ainsi que la dépouille d'un soldat tué en 2014 lors d'une précédente guerre à Gaza.
En échange, Israël doit libérer 250 "détenus pour des raisons de sécurité" dont de nombreux condamnés pour des attentats meurtriers anti-israéliens, et 1.700 Palestiniens arrêtés par l'armée israélienne à Gaza depuis octobre 2023.
Ajwad Shamasneh, travailleur journalier en Israël, explique n'avoir pas pu voir son père depuis huit ans en affirmant que l'administration pénitentiaire israélienne a interdit ses visites.
En janvier dernier, une trêve de six semaines avait vu la libération de centaines de Palestiniens en échange d'otages.
"J'avais de l'espoir, mais ça ne s'est pas fait, aujourd'hui par contre, l'espoir est réel", commente Youssef Shamasneh, le père des détenus.
Mais l'incertitude demeure car ses fils pourraient être contraints à l'exil à l'étranger, comme c'est parfois le cas pour des personnes condamnées à de lourdes peines ou ayant une certaine notoriété dans les Territoires palestiniens.
"J'espère qu'ils viendront ici, vraiment. S'ils partent à l'étranger, je ne pourrai pas les voir, ni moi ni leur mère", soupire-t-il.
Son épouse refuse de l'envisager. Elle sait déjà ce qu'elle cuisinera à ses fils à leur retour à la maison, "un mansaf", un plat de fête, spécialité régionale à base d'agneau et de yaourt fermenté.