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Bombardements aveugles : Erreur ou préméditation ?

Des dizaines de migrants victimes collatérales de la guerre fratricide en Libye


Hassan Bentaleb
Vendredi 5 Juillet 2019

Y a-t-il eu des Marocains parmi les victimes du raid aérien qui a frappé mardi le centre de détention des migrants irréguliers près de Tripoli ?  Le consulat du Maroc à Tunis a évoqué d'éventuelles victimes et que des contacts avec les autorités libyennes sont en cours afin de déterminer et d’établir l’identité des 44 morts et 130 blessés touchés dans cette frappe aérienne.
 Des propos que nous a confirmés Tarik Argaz, responsable UNHCR à Tunis. « Mardi dernier, il y a eu deux frappes aériennes qui ont ciblé un centre de détention des migrants à Tajoura à 30 km de la capitale. Le raid a visé le bâtiment réservé aux hommes et a épargné celui dédié aux femmes et enfants. Un premier bilan de cette attaque fait état de 24 morts et 130 blessés ».
Y a-t-il des Marocains parmi les morts ?  « Nous ne sommes pas sûrs. Des recherches pour l’identification des corps sont en cours », nous a-t-il expliqué.
 Concernant le ciblage de ce centre, notre source nous a indiqué que les versions se contredisent et que les parties concernées se renvoient la responsabilité. « Si certains défendent la thèse d’une frappe aérienne commis par erreur et sans prémédition, d’autres pensent que ce raid a été intentionnel et a ciblé en priorité des bâtiments militaires situés à côté du centre de détention des migrants.    Ghassan Salamé, émissaire de l'ONU en Libye, a qualifié, de son côté, ces frappes de crime puisqu’elles ciblent des civils », nous a indiqué notre source. Et de poursuivre : «Une commission d’enquête sera constituée afin de déterminer les véritables circonstances de ce drame et de désigner les responsables ».
Tarik Argaz nous a précisé, en outre, que les raids aériens contre des centres de détention des migrants ne sont pas nouveaux. « La Libye compte 25 centres gérés par le gouvernement via l’instance de la lutte contre la migration irrégulière qui œuvre sous l’égide du ministère de l’Intérieur.  Sans parler des centres qui sont hors du radar du gouvernement et qui sont dirigés par des milices. On estime à 5.900 le nombre de migrants détenus dans ces centres dont 3.800 migrants et réfugiés dans des centres à Tripoli et ses environs et qui se trouvent dans les zones de guerre », nous a-t-il déclaré. Et d’ajouter : « Ces centres ont été, à plusieurs repris, la cible de frappes et la vie des migrants est souvent en danger. Pire, lors de frappes de ces centres, les gardiens chargés de surveillance fuient les lieux, abandonnant les migrants en détention ».
A ce propos, le responsable UNHCR nous a fait savoir que cette instance onusienne a toujours été contre la détention des réfugiés puisqu’il s’agit, en effet, des personnes qui ont fui leur pays de peur d'être persécutées et qui sont à la recherche de la protection internationale. « Et du coup, il est insensé et inconcevable de les incarcérer dans des centres qui sont dépourvus des conditions de vie les plus élémentaires », nous a-t-il lancé. Et de préciser : «Ceci d’autant plus qu’ils sont détenus dans des centres où les conditions d’hygiène et d’alimentation sont précaires et dégradantes et où les détenus sont incarcérés pendant des années sans jugement. Ils ne s’en sortent qu’après intervention d’une ONG ou de leurs ambassades respectives ».
D’après notre source, UNHCR tente aujourd’hui de faire sortir ces 3.800 personnes et de les transférer dans des centres sûrs, éloignés des zones de combat. « Aujourd’hui, on dispose de deux centres de ce genre qui abritent 1.000 réfugiés parmi les plus fragiles, à savoir les femmes, les personnes âgées ou malades et les enfants sachant que les mineurs non accompagnés constituent 30% du total. Ces centres offrent des chambres pour des familles et d’autres individuelles climatisées avec des toilettes. On a offert également des cours de langue», a-t-il rapporté. Et de conclure : « Pourtant ces centres demeurent transitoires dans l’attente d’une solution durable. Pour UNHCR, la Libye n’est pas un pays sûr pour les réfugiés et on estime que leur rapatriement vers la Libye est inacceptable notamment par les temps qui courent. C’est pourquoi, on opte plutôt pour la réinstallation de ces réfugiés, le retour volontaire et l’ouverture des couloirs humanitaires comme le cas aujourd’hui avec le Niger où 600 personnes bénéficient de nourriture et de liberté de circulation.   D’ailleurs, le UNHCR n’a cessé de réitérer son appel à la communauté internationale pour qu’elle procède à de nouvelles évacuations de réfugiés hors de la capitale ».
Ledit raid aérien du mardi dernier a été condamné par plusieurs Etats. La cheffe de la diplomatie européenne,  Federica Mogherini a qualifié l’attaque de choquante et tragique qui «nous rappelle le coût humain du conflit en Libye ainsi que la situation désastreuse et vulnérable des migrants pris dans la spirale de la violence dans ce pays».
La France a également «condamné» le raid aérien et appelé à nouveau les parties à une désescalade immédiate et à la cessation des combats. De son côté, le ministre italien des Affaires étrangères, Enzo Moavero, a fait part de sa «consternation» tout en appelant à prendre des mesures sérieuses de protection […] et, en particulier, le transfert des migrants qui se trouvent dans des installations d’accueil vers des lieux à l’abri des combats.
Antonio Guterres, patron de l'ONU, a demandé, de son côté, une "enquête indépendante" sur l'attaque contre le centre et réitéré son appel à un "cessez-le-feu immédiat en Libye". Un vœu qui semble difficile à concrétiser puisque les forces du maréchal Haftar ont promis cette semaine d’intensifier les frappes aériennes contre les forces rivales du GNA, après avoir perdu Gharyan, ville au sud de Tripoli dont le maréchal avait fait son centre opérationnel lors de son offensive contre la capitale, à plus de 1.000 km de son bastion de Benghazi (nord-est). Les deux camps rivaux s’accusent mutuellement de recourir à des mercenaires et de profiter du soutien militaire, notamment aérien, de puissances étrangères.


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