BAM tire la sonnette d’ alarme. Et ce n’est pas fortuit


Hassan Bentaleb
Mercredi 23 Mars 2022

Confusion et incertitude règnent avec une inflation galopante, un taux de croissance quasi-nul, un déficit budgétaire inquiétant…

BAM tire la sonnette d’ alarme. Et ce n’est pas fortuit
Les temps sont graves selon Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib. Selon lui, il faut s’attendre à une situation économique et sociale difficile exacerbée par un contexte international marqué par des incertitudes. Il estime que le pays vit une situation inédite et plus confuse que celle liée à la pandémie de Covid-19. 
Intervenant lors d’une conférence de presse en marge du premier conseil trimestriel de 2022 de la Banque centrale, le wali a souligné que tous les indicateurs macroéconomiques sont dans le rouge : l’inflation passe de 1% à 4%, un taux de croissance presque nul (0,7%), un déficit budgétaire qui atteint les 6,3% et un déficit des comptes courants s’élevant à 5,5%.
« Cette sortie du wali n’a rien d’innocent et constitue une sorte de sonnette d’alarme qui présage d’une situation de plus en plus difficile dans les mois à venir. Rappelons-nous de sa sortie lors de la crise financière de 2008 suivie de sitôt du plan d’urgence», nous a indiqué Hicham Attouch, professeur d’économie à l’Université Mohammed V-Rabat. Et de préciser : « En d’autres termes, le wali de Bank Al-Maghrib est en train d’anticiper sur d'éventuelles perturbations que peut subir notre économie nationale. Nous sommes donc face à un jeu de tactique de la part du wali. Un jeu que le gouvernement ne semble pas maîtriser ».
Face à cette situation sombre, le wali n’a pas exclu la possibilité de renégocier une nouvelle ligne de précaution et de liquidité (LPL) avec le Fonds monétaire international (FMI) pour parer à ce « choc externe » en faisant allusion à la guerre Russie/Ukraine et ses conséquences sur les prix de l’énergie, des produits alimentaires et des métaux. « Le Maroc a signé, depuis 2012, quatre accords successifs avec le FMI, lui permettant d'utiliser la "ligne de prévention et de liquidité", qu'il n'a utilisée qu'en 2020 en retirant 3 milliards de dollars pour faire face au choc sans précédent causé par la pandémie de "Covid-19", y compris son impact intérieur et les répercussions de la récession mondiale qui en résultent. En fait, l’utilisation de la LPL est encadrée. Elle ne doit être utilisée qu’en cas de véritables difficultés et doit avoir l’aval du FMI», nous a expliqué notre interlocuteur. Et de poursuivre : « Les trois milliards ont été accordés sous forme de crédit remboursables sur 5 ans avec un délai de grâce de 3 ans. Le Maroc doit rembourser ses trois milliards en 2025. Et c’est pourquoi notre pays tente aujourd’hui de renégocier. Il a la possibilité également de chercher des crédits ailleurs dans un contexte où les conditions d’octroi de crédit deviennent de plus en plus difficiles. Notamment si la crise en mer Noire persiste ».
Aujourd’hui, explique Hicham Attouch, la situation de guerre en mer Noire a chamboulé toutes les prévisions et a engendré une conjoncture lourde. «En conséquence, il se peut que le Maroc ne puisse pas avoir cette possibilité de contracter de nouveaux emprunts sur le marché international. Nous sommes véritablement dans une situation d’incertitude et l’état actuel des choses présage un tableau sombre», nous a-t-il précisé. Et d’ajouter : « La question de la sécheresse n’est plus un véritable souci actuellement mais plutôt la capacité à emprunter à l’international, notamment auprès du FMI qui a d’autres chats à fouetter ces jours-ci. Donc, l’incertitude est le maître-mot. En fait, la guerre Ukraine/Russie aura des conséquences sur l’UE et aura un impact sur l’économie internationale, ce qui va rendre plus difficile toute tentative de recherche des crédits à l’international. La situation semble chaotique. C’est l’effet papillon ».
Une situation d’incertitude qui se complique davantage, selon notre interlocuteur, à la lumière d’un récent rapport du FMI qui s’interroge sur la soutenabilité du financement du nouveau modèle de développement, la faisabilité des objectifs fixés, et le séquençage des réformes en un temps si court. Publié en février dernier, ce document a souligné que la mise en œuvre de ce nouveau modèle de développement n’est pas aussi facile que cela. Et nécessite des préalables, comme l’espace budgétaire nécessaire pour le financement des réformes proposées.
«Une mise en œuvre prudente des réformes sera essentielle à leur succès. Déjà les réformes en cours et celles suggérées dans le rapport sur le nouveau modèle de développement ont le potentiel de générer une trajectoire de croissance plus forte, plus inclusive et durable pour le Maroc. Pourtant, étant donné les besoins de financement potentiellement importants associés à ces réformes, l’impact incertain sur la production potentielle et l’étroitesse de l’espace budgétaire, une conception et un ordonnancement soigneux sont nécessaires, sur la base d’un plan de financement adéquat et dans un cadre macroéconomique cohérent et stable», lance le rapport du FMI dès son introduction, avant d’affirmer que les impacts attendus du NMD sont, de ce fait, «entourés d’une grande incertitude».
En effet, « si la mise en œuvre effective de ces réformes pourrait stimuler de manière significative la croissance potentielle du Maroc, la taille et le calendrier de leur impact sur la croissance économique sont entourés d’une grande incertitude et des besoins de financement substantiels résultant des réformes ne seront probablement pas satisfaits par une croissance plus rapide du PIB », conclut le rapport du FMI. 

La ligne de précaution et de liquidité (LPL) du FMI

La ligne de précaution et de liquidité (LPL) permet d'apporter des financements pour répondre aux besoins réels ou potentiels de la balance des paiements des pays qui mènent de bonnes politiques économiques; elle a été conçue pour servir d'assurance ou aider à résoudre les crises, et ce dans un large éventail de situations. Elle allie un processus de qualification (semblable à celui de la LCM, mais avec un seuil plus bas) et une conditionnalité ex post ciblée visant à remédier aux facteurs de vulnérabilité modérés subsistants recensés pendant la phase de qualification. L’admission d’un pays à bénéficier de la LPL témoigne de la solidité financière de son économie et de la politique économique menée par les autorités, ce qui contribue à raffermir la confiance des marchés à l’égard des mesures qu’elles envisagent. Les accords au titre de la LPL ont une durée de six mois ou de un à deux ans. La période de six mois est applicable aux pays qui ont des besoins potentiels ou réels immédiats de balance des paiements et qui, durant cette période, peuvent avancer de manière crédible dans la correction des facteurs de vulnérabilité. Un pays peut normalement recevoir jusqu'à 125% de sa quote-part lors de l'approbation d'un accord de six mois. Cependant, si le besoin du pays en matière de balance des paiements est dû à un choc exogène, notamment à un regain de tensions régionales ou mondiales, l’accès peut être augmenté (voir infra). Le renouvellement d’un accord LPL de six mois n’est généralement possible qu’après une période de carence de deux ans à compter de la date d’approbation de l’accord de six mois précédent.
source : https://www.imf.org/


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