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Au Maroc, on fume et on enfume en toute impunité

La loi antitabac désespérément en panne


Chady Chaabi
Mardi 30 Juillet 2019

En clair obscure, c’est la nuance dont est teinté le nouveau rapport présenté par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Un nouveau rapport sur l’épidémie du tabagisme qui souligne les progrès réalisés par la lutte antitabac aux quatre coins de la planète, tout en admettant que ce n’est pas assez.  « De nombreux gouvernements progressent dans la lutte antitabac. Aujourd’hui, cinq milliards de personnes habitent dans un pays qui a instauré des interdictions de fumer, l’apposition de mises en garde illustrées sur les conditionnements des produits du tabac ainsi que d’autres mesures efficaces de lutte antitabac », se réjouit l’OMS dans un communiqué. Cependant, elle ne manque pas de rappeler « que de nombreux pays ne mettent pas encore en œuvre correctement certaines politiques susceptibles de sauver des vies, notamment en matière de sevrage tabagique » .
Si le Maroc n’a pas été explicitement cité, force est de constater qu’il ne fait malheureusement pas partie des premiers de la classe en la matière, alors qu’en même temps, avec 15 milliards de cigarettes par an, il est considéré comme l’un des plus grands consommateurs de tabac dans la zone méditerranéenne. Pour expliquer ce fait, il suffit de se baser sur les préceptes du rapport « MPOWER », présenté en 2007 afin d’inciter les gouvernements à renforcer la lutte antitabac et par conséquent réduire la demande. Ce dernier est composé de six stratégies : Suivre la consommation de tabac et les politiques de prévention, protéger contre la fumée du tabac, offrir une aide à ceux qui veulent y renoncer et mettre en garde contre les dangers du tabagisme. Et enfin, faire respecter l’interdiction de la publicité pour le tabac, de la promotion et du parrainage, ainsi qu’augmenter les taxes sur le tabac. 
Pour ce qui est de l’augmentation des taxes, pas d’inquiétude à avoir, elles ont augmenté deux fois en moins d’une année. Idem pour l’interdiction de publicité, même si moult commerces mettent en avant les paquets de cigarettes dans des présentoirs aguicheurs et ultra-lumineux, avec parfois des cadeaux à l’achat, tels que des briquets et autres porte-clefs. Là où les choses se corsent, c’est quand on se tourne vers les suivis de consommation et les politiques de prévention, preuve en est la dernière enquête nationale sur les habitudes et les comportements des fumeurs qui date de bien longtemps, plus de dix ans (2008), et d’autre part, des politiques de prévention quasi inexistantes, excepté le programme «Collèges et lycées sans tabac». Initié en 2017 par le ministère de la Santé, il est censé lutter contre la première cigarette chez les collégiens et lycéens, mais il n’empêche que juste en face des établissements scolaires, tel un leitmotiv, se trouve toujours un vendeur de cigarettes en détail. Une incongruité à la lumière des objectifs dudit programme, mais encore de l’effrayante statistique qui révèle qu’un enfant sur dix, âgé de 13 et 15 ans, est un fumeur. 
Concernant l’aide offerte à ceux qui veulent renoncer au tabagisme, on a beau chercher, nous n’avons rien trouvé, hormis les centres d’addictologies, dont le personnel est déjà occupé par les usagers de drogues dures. Dans ce sens, un numéro vert mis à la disposition des citoyens désireux d’arrêter la cigarette, n’aurait pas été de trop, tout comme trouver une autre manière de mettre en garde la population contre les dangers du tabagisme, à part celle qui consiste à afficher le fameux message « Fumer Tue » en majuscules sur les paquets, car il y aura toujours quelques irréductibles qui diront que si fumer tue, vivre aussi, donc tant qu'à faire autant se ruiner. 
Enfin, dans un pays où le tabac fait un…tabac, 17% de la population marocaine seraient exposés au tabagisme passif dans l’entourage professionnel, à l’image du calvaire vécu par les serveurs et serveuses dans les cafés et les bars, 32% en milieu familial et 60% dans les lieux publics. En réalité, ces chiffres n’ont pas lieu d’être. Du moins pas à de telles proportions. Pourquoi ? Parce que le Maroc a été l’un des premiers pays au niveau régional à avoir élaboré une loi contre le tabagisme portant sur l'interdiction de fumer dans certains lieux publics et de faire de la propagande ou de la publicité en faveur du tabac. C’était en avril 1991. Elle est entrée en vigueur le 3 février 1996. Problème, jusqu’au jour d’aujourd’hui, on attend son décret d'application.  
Bref, vous l’aurez certainement compris, le Maroc est plus concerné par la partie obscure que claire du rapport de l’OMS. Présenté le 26 juillet courant au Brésil, le document ambitionne principalement d’encourager les pays à offrir de l’aide à ceux qui veulent renoncer au tabac. D’ailleurs, il est intitulé de la sorte. Dans ce sens, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, explique : «Renoncer au tabac est l’une des meilleures choses pour la santé. Le module MPOWER donne aux gouvernements les outils pratiques pour aider les gens à y parvenir et ainsi à vivre plus longtemps et en meilleure santé». Justement, quels sont ses outils ? 
Toujours d’après le même document, les services d’aide au sevrage tabagique incluent les aides téléphoniques nationales gratuites, les services faisant appel aux technologies mobiles pour atteindre une population plus large grâce aux téléphones portables, les conseils donnés par les prestataires de soins de santé primaires et les traitements de substitution à la nicotine gratuits. Inutile de rappeler encore une fois, que rien de tout cela n’existe au Maroc, à l’instar de plusieurs autres pays. 
Pour dire vrai, d’après le rapport financé par Bloomberg Philanthropies, seulement 23 pays dans le monde ont mis en œuvre des politiques d’aide au sevrage tabagique au plus haut niveau d’exécution, dont le Brésil, tandis que 116 offrent, dans quelques-uns ou dans la plupart des établissements de santé, des services gratuits ou dont le coût est partiellement pris en charge. Alors que 32 proposent des services sans en prendre en charge le coût, ce qui montre que l’aide au sevrage est très demandée par le grand public si l’on en croit l’OMS. 
En tout cas, une chose est sûre, l’affaire est urgente. Car quand bien même la consommation du tabac a baissé dans la plupart des pays, en vérité c’est un leurre. En mettant de côté la croissance démographique, le nombre total de personnes consommant du tabac est resté constamment élevé. On estime qu’il y a actuellement 1,1 milliard de fumeurs, dont 80% environ habitent dans un pays à revenu faible ou intermédiaire. 
 


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1.Posté par Hasnaoui le 05/01/2020 15:39 (depuis mobile)
A quand la prise de responsabilité des pouvoir public, l'intérieur des cafés et restaurants empeste la cigarette aux détriments de ceux qui ont choisi de dire non au tabac !

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