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Ce fut d'abord la cantine de la police secrète de Staline, puis une table chic où se pressait la nomenklatura, avant de fermer dans le tumulte des années post-soviétiques. Le restaurant Aragvi vient de rouvrir à Moscou sur fond de nostalgie d'un passé révolu.
Tout Moscovite qui a eu la chance de rentrer dans ce restaurant mythique proche du Kremlin, réputé à l'époque soviétique pour sa cuisine géorgienne, en garde un souvenir ému.
"En URSS, évoquer le fameux poulet d'Aragvi, grillé avec des noix et de l'ail, servait de mot de passe pour entrer dans la crème de la société", se souvient Nelli Maksimova, 83 ans, une ancienne traductrice. "Et il était vraiment délicieux, leur poulet!"
Souvent cité dans le cinéma et la littérature soviétique, Aragvi était un peu l'équivalent à Moscou du célèbre restaurant parisien Maxim's et n'était accessible que pour ceux qui étaient capables de payer un dixième du salaire mensuel moyen pour un dîner à côté d'artistes, de cosmonautes, cinéastes ou champions d'échec.
Après la fin du communisme en 1991, l'établissement est privatisé par l'Etat et change plusieurs fois de propriétaires. Mais Aragvi, à l'heure de l'économie du marché et avec sa clientèle de nouveaux riches, perd rapidement son prestige et ferme en 2003.
Dix ans plus tard, ses nouveaux propriétaires, le groupe Tachir et Gor Nakhapetian, ancien dirigeant de la société d'investissement Troïka Dialog emblématique de la Russie post-soviétique, décident de mettre sur la table plus de 20 millions de dollars pour "relancer la légende soviétique". De longs travaux s'ensuivent, jusqu'à la réouverture des lieux en avril 2016.
Le menu allie les classiques de la cuisine géorgienne qui ont fait sa réputation comme les khinkali (gros raviolis remplis de viande et de bouillon) ou les khatchapouri (pâte à pain couverte de fromage) à des plats de la mer Noire (rillettes de hareng, bortsch...)
"Evidemment nous voulions renouer avec la nostalgie d'une époque révolue", avoue à l'AFP Gor Nakhapetian, originaire de l'Arménie soviétique.
Lors des travaux de rénovation, les restaurateurs ont découvert des maçonneries d'un palais du XVIIe siècle et des vestiges d'une rue moyenâgeuse qui servent aujourd'hui de décors pour les sous-sols du nouvel Aragvi.
Mais dans les principales salles du restaurant rénové, c'est le grand style soviétique que rappellent les motifs du décor: tracteurs, gerbes et ouvriers radieux, notamment dans l'ancienne salle qui était réservée à Lavrenti Beria, chef de la police secrète de Staline et à l'origine de la création du restaurant en 1938, à l'apogée des purges.
Situé dans un ancien hôtel où étaient descendus les écrivains Léon Tolstoï et Anton Tchekhov, l'établissement tient son nom de la rivière géorgienne d’Aragvi.
A l'époque, certaines denrées arrivaient alors à Moscou dans un wagon spécial du train de Tbilissi, notamment des ingrédients destinés à la préparation du "satsivi", dinde servie froide dans une sauce aux noix.
Sous Staline, originaire de Géorgie, "la cuisine géorgienne était servie au Kremlin et perçue comme la cuisine des tsars par les Soviétiques", observe Léonid Parfionov, auteur de plusieurs ouvrages sur la vie quotidienne en URSS. Et bien après la mort de Staline en 1953, "dans un contexte de morosité alimentaire soviétique, la tradition géorgienne, avec ses vins et épices, respirait la joie de vivre, et Aragvi a été un symbole de chic soviétique".
Fréquenté par les diplomates étrangers à l'époque soviétique, le restaurant Aragvi était un repère de la police secrète et à ce titre, truffé de micros.
C'est l'un des rares restaurants moscovites à être resté ouvert pendant la Seconde Guerre mondiale.
Fin 1943, c'est là que le poète officiel Sergueï Mikhalkov, père des futurs cinéastes Nikita Mikhalkov et Andreï Mikhalkov-Kontchalovski, s'est vu proposer d'écrire les paroles pour le nouvel hymne soviétique. "Pour le KGB, Aragvi a toujours été le lieu préféré pour recruter des espions et pour des soirées d'adieux d'agents qui partaient à l'étranger", se souvient Mikhaïl Lioubimov, qui a longtemps dirigé les activités d'espionnage contre le Royaume-Uni et la Scandinavie.
En 1960, c'est chez Aragvi que son chef l'avait emmené pour le présenter au numéro deux de son département de renseignement.
"Pendant une soirée bien arrosée, l'un des nôtres a invité à danser une belle femme, ignorant que c'était une espionne américaine suivie par le KGB" , raconte le vieil homme en riant. "Les maîtres d'hôtels d'Aragvi étaient pour la plupart des officiers du KGB à la retraite, et la cuisine y était sublime".
Depuis la réouverture du restaurant, les nostalgiques semblent se bousculer: "Rétablissez les recettes d'antan!", "Faites mariner la viande comme avant", lit-on ainsi dans le livre d'or à la disposition des clients.
Marina Dolguikh, une juriste de 49 ans, est venue en reconnaissance: "A l'époque, Aragvi était inaccessible pour moi", se souvient-elle en feuilletant le menu. "Et cela reste beaucoup trop cher pour moi...", constate-t-elle sobrement avant de quitter les lieux.
Tout Moscovite qui a eu la chance de rentrer dans ce restaurant mythique proche du Kremlin, réputé à l'époque soviétique pour sa cuisine géorgienne, en garde un souvenir ému.
"En URSS, évoquer le fameux poulet d'Aragvi, grillé avec des noix et de l'ail, servait de mot de passe pour entrer dans la crème de la société", se souvient Nelli Maksimova, 83 ans, une ancienne traductrice. "Et il était vraiment délicieux, leur poulet!"
Souvent cité dans le cinéma et la littérature soviétique, Aragvi était un peu l'équivalent à Moscou du célèbre restaurant parisien Maxim's et n'était accessible que pour ceux qui étaient capables de payer un dixième du salaire mensuel moyen pour un dîner à côté d'artistes, de cosmonautes, cinéastes ou champions d'échec.
Après la fin du communisme en 1991, l'établissement est privatisé par l'Etat et change plusieurs fois de propriétaires. Mais Aragvi, à l'heure de l'économie du marché et avec sa clientèle de nouveaux riches, perd rapidement son prestige et ferme en 2003.
Dix ans plus tard, ses nouveaux propriétaires, le groupe Tachir et Gor Nakhapetian, ancien dirigeant de la société d'investissement Troïka Dialog emblématique de la Russie post-soviétique, décident de mettre sur la table plus de 20 millions de dollars pour "relancer la légende soviétique". De longs travaux s'ensuivent, jusqu'à la réouverture des lieux en avril 2016.
Le menu allie les classiques de la cuisine géorgienne qui ont fait sa réputation comme les khinkali (gros raviolis remplis de viande et de bouillon) ou les khatchapouri (pâte à pain couverte de fromage) à des plats de la mer Noire (rillettes de hareng, bortsch...)
"Evidemment nous voulions renouer avec la nostalgie d'une époque révolue", avoue à l'AFP Gor Nakhapetian, originaire de l'Arménie soviétique.
Lors des travaux de rénovation, les restaurateurs ont découvert des maçonneries d'un palais du XVIIe siècle et des vestiges d'une rue moyenâgeuse qui servent aujourd'hui de décors pour les sous-sols du nouvel Aragvi.
Mais dans les principales salles du restaurant rénové, c'est le grand style soviétique que rappellent les motifs du décor: tracteurs, gerbes et ouvriers radieux, notamment dans l'ancienne salle qui était réservée à Lavrenti Beria, chef de la police secrète de Staline et à l'origine de la création du restaurant en 1938, à l'apogée des purges.
Situé dans un ancien hôtel où étaient descendus les écrivains Léon Tolstoï et Anton Tchekhov, l'établissement tient son nom de la rivière géorgienne d’Aragvi.
A l'époque, certaines denrées arrivaient alors à Moscou dans un wagon spécial du train de Tbilissi, notamment des ingrédients destinés à la préparation du "satsivi", dinde servie froide dans une sauce aux noix.
Sous Staline, originaire de Géorgie, "la cuisine géorgienne était servie au Kremlin et perçue comme la cuisine des tsars par les Soviétiques", observe Léonid Parfionov, auteur de plusieurs ouvrages sur la vie quotidienne en URSS. Et bien après la mort de Staline en 1953, "dans un contexte de morosité alimentaire soviétique, la tradition géorgienne, avec ses vins et épices, respirait la joie de vivre, et Aragvi a été un symbole de chic soviétique".
Fréquenté par les diplomates étrangers à l'époque soviétique, le restaurant Aragvi était un repère de la police secrète et à ce titre, truffé de micros.
C'est l'un des rares restaurants moscovites à être resté ouvert pendant la Seconde Guerre mondiale.
Fin 1943, c'est là que le poète officiel Sergueï Mikhalkov, père des futurs cinéastes Nikita Mikhalkov et Andreï Mikhalkov-Kontchalovski, s'est vu proposer d'écrire les paroles pour le nouvel hymne soviétique. "Pour le KGB, Aragvi a toujours été le lieu préféré pour recruter des espions et pour des soirées d'adieux d'agents qui partaient à l'étranger", se souvient Mikhaïl Lioubimov, qui a longtemps dirigé les activités d'espionnage contre le Royaume-Uni et la Scandinavie.
En 1960, c'est chez Aragvi que son chef l'avait emmené pour le présenter au numéro deux de son département de renseignement.
"Pendant une soirée bien arrosée, l'un des nôtres a invité à danser une belle femme, ignorant que c'était une espionne américaine suivie par le KGB" , raconte le vieil homme en riant. "Les maîtres d'hôtels d'Aragvi étaient pour la plupart des officiers du KGB à la retraite, et la cuisine y était sublime".
Depuis la réouverture du restaurant, les nostalgiques semblent se bousculer: "Rétablissez les recettes d'antan!", "Faites mariner la viande comme avant", lit-on ainsi dans le livre d'or à la disposition des clients.
Marina Dolguikh, une juriste de 49 ans, est venue en reconnaissance: "A l'époque, Aragvi était inaccessible pour moi", se souvient-elle en feuilletant le menu. "Et cela reste beaucoup trop cher pour moi...", constate-t-elle sobrement avant de quitter les lieux.