Alexandre de Moraes, le puissant juge brésilien ciblé par l'administration Trump


Libé
Vendredi 1 Août 2025

Alexandre de Moraes, le puissant juge brésilien ciblé par l'administration Trump
Puissant et clivant, le juge Alexandre de Moraes compte une foule d'ennemis au Brésil, à commencer par l'ex-président Jair Bolsonaro. Le voilà désormais ciblé par le gouvernement américain, à la faveur d'une alliance entre l'extrême droite brésilienne et Donald Trump.
Le milliardaire Elon Musk est allé jusqu'à comparer  de Moraes à Voldemort, le méchant (également chauve) de la saga Harry Potter, l'accusant de mettre à mal la liberté d'expression pour des "motivations politiques"
Chargé du procès de Jair Bolsonaro pour tentative présumée de coup d'Etat, ce magistrat de la Cour suprême est visé depuis mercredi par des sanctions économiques américaines, notamment un gel de ses éventuels avoirs aux Etats-Unis.

C'est la prétendue "chasse aux sorcières" contre l'ancien chef de l'Etat brésilien d'extrême droite (2019-2022) qui a été invoquée par le locataire de la Maison Blanche quand il a annoncé début juillet des surtaxes douanières punitives contre le Brésil.

Sourcils épais, regard sévère, crâne brillant sous les projecteurs, le physique d'Alexandre de Moraes, 56 ans, contribue à sa réputation de juge à poigne, même si on lui prête un solide sens de l'humour.

Dans un pays très polarisé, certains, en particulier à gauche, louent sa défense intraitable de la démocratie face aux attaques répétées de Jair Bolsonaro et de ses partisans contre les institutions.
Mais pour l'ex-président, dont le procès doit s'achever dans les prochaines semaines, c'est un "dictateur".

Son fils Eduardo Bolsonaro, qui a mis entre parenthèses son mandat de député pour vivre aux Etats-Unis et faire campagne auprès des autorités américaines en faveur de son père, dénonce l'"acharnement totalitaire d'un psychopathe sans limite".

Le milliardaire Elon Musk est allé jusqu'à le comparer à Voldemort, le méchant (également chauve) de la saga Harry Potter, l'accusant de mettre à mal la liberté d'expression pour des "motivations politiques".

Les deux hommes se sont livrés l'an dernier un long bras de fer qui a culminé avec la suspension pendant 40 jours du réseau social X, dont M. Musk est propriétaire, pour avoir ignoré une série de décisions judiciaires liées à la lutte contre la désinformation.

"Nous ne pouvons pas permettre que ce monde virtuel se transforme en une terre sans loi", disait encore récemment Alexandre de Moraes. "La liberté d'expression n'est pas une liberté d'agression".

Washington lui avait infligé à la mi-juillet une première sanction, ainsi qu'à plusieurs de ses collègues de la Cour suprême, en révoquant son visa.

Ce spécialiste du droit constitutionnel et pratiquant assidu de muay-thaï (un art martial) a été nommé à la Cour suprême en 2017 par l'ex-président de centre droit Michel Temer (2016-2018), dont il a été ministre de la Justice.

Au cours de son passage en tant que secrétaire à la Sécurité de l'Etat de Sao Paulo, entre 2015 et 2016, il avait été critiqué par la gauche, qui l'accusait de réprimer les mouvements sociaux.

"C'est un animal politique", affirme à l'AFP Antonio Carlos de Freitas, un expert en droit constitutionnel, qui évoque son "ascension météorique".
"Il a de bonnes relations dans plusieurs sphères, y compris avec les militaires", confie une source au sein du tribunal électoral.

En juin 2023, le Tribunal supérieur électoral, alors présidé par Alexandre de Moraes, avait déclaré Jair Bolsonaro inéligible jusqu'en 2030 pour avoir propagé de fausses informations sur le système d'urnes électroniques en vigueur depuis des décennies au Brésil.

Aujourd'hui, il est rapporteur à la Cour suprême du procès intenté à l'ex-président, accusé d'avoir projeté un coup d'Etat pour empêcher le retour au pouvoir de Luiz Inacio Lula da Silva, qui l'a battu au scrutin de 2022.

Ce plan prévoyait, selon les enquêteurs, l'arrestation, voire l'assassinat du juge Moraes, ainsi que celui de Lula et de son vice-président, Geraldo Alckmin.

"Alexandre de Moraes s'est octroyé le droit d'être juge et jury pour orchestrer une chasse aux sorcières illégale contre des citoyens et entreprises américaines et brésiliennes", a lâché mercredi le gouvernement américain.

Si la droite brésilienne rêve de le destituer, ce magistrat, marié et père de trois enfants, peut pour l'heure siéger à la Cour suprême jusqu'à ses 75 ans.

Mais une source proche du magistrat assure qu'il a "encore des ambitions politiques". Et pourquoi pas celle de "devenir président", même si l'intéressé ne l'a jamais évoqué publiquement.
 


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