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A la pêche au plastique dans l'Adriatique


Vendredi 14 Juin 2019

Au large de l'Italie, sous la pâle lueur de la lune, des pêcheurs remontent dans leurs filets les habituels seiches, rougets et détritus. Mais pour une fois, ils ne rejettent pas le plastique à la mer.
Jusqu'à présent, les pêcheurs confrontés aux déchets plastiques avaient le choix entre les remettre en mer ou les jeter discrètement à terre, au risque de poursuites pour transport illégal d'ordures.
Mais la quarantaine de bateaux de pêche du port de San Benedetto del Tronto, sur l'Adriatique, participent à une expérience de ramassage et de recyclage de ces déchets. Elle devait durer un mois jusqu'au 7 juin mais va être prolongée durant tout l'été.
Objectif: mettre en place des protocoles qui pourraient être étendus à toute l'Italie et au-delà, pour faire face aux tonnes de déchets plastiques ou autres que les pêcheurs remontent désormais dans leurs filets.
"Beaucoup de pêcheurs avaient l'habitude de rejeter les détritus à la mer, parce que la loi dit qu'ils ne peuvent pas les ramener à terre", explique Eleonora de Sabata, coordinatrice du projet pour l'ONG Clean Sea Life.
"Ils n'ont pas le droit de transporter des déchets et dans les ports il n'y a nulle part où les déposer", ajoute-t-elle.
Depuis le début de l'expérience, les pêcheurs ont récolté chaque semaine une tonne de déchets dont 60% sont en plastique. Environ 20 à 25% des détritus collectés peuvent être recyclés - tout dépend de l'état de conservation des polymères contenus dans le plastique après avoir séjourné dans l'eau de mer, souligne Mme Sabata. A défaut d'être recyclés, certains déchets peuvent être brûlés pour créer de l'énergie.
La plupart sont des objets à usage unique, comme des bouteilles, des assiettes ou des couverts, mais aussi de vieux filets et toutes sortes de morceaux de plastique, de la poche médicale au morceau de fax.
"Je vois du plastique depuis que j'ai commencé en mer", assure Claudio Uriani, un pêcheur de 62 ans, tout en triant ses prises entre différents seaux. Celui du plastique est le plus rempli.
"Disons que nous ne l'avons pas toujours collecté. Pendant longtemps il n'y avait personne à terre pour le récupérer", ajoute ce marin qui pêche depuis 1972. "Si les poissons mangent du plastique, ils tombent malades et nous pouvons l'être aussi."
Les vastes îles de plastique flottant dans les océans représentent un réel problème. Mais la Méditerranée, mer quasiment fermée, entourée de populations denses, "connaît en moyenne les densités de plastiques les plus importantes au monde", avec 250 milliards de microplastiques, selon François Galgani, chercheur à l'Ifremer.
Selon une récente étude de la Public Library of Science (PLOS), la Méditerranée contient 1.000 à 3.000 tonnes de plastique flottant, sans compter tout ce qui repose au fond de la mer. Et à lui seul, le Nil déverse chaque année dans la Méditerranée au moins 1.500 tonnes de plastique, selon cette étude.
Régulièrement, des cachalots viennent s'échouer sur les côtes italiennes, l'estomac plein de plastique.
Le Parlement européen a voté une interdiction des produits en plastique à usage unique à partir de 2021 et en Italie, un projet de loi est en cours d'examen pour le traitement des déchets existants.
"Si les pêcheurs rendent service à la communauté en rapportant ces déchets à terre, il ne faut pas que ce soit à eux de payer" pour leur traitement, explique Mauro Colarossi, responsable de la capitainerie du port de San Benedetto del Tronto.
Selon les estimations, 80% des déchets en mer proviennent de la terre et 20% seulement de l'industrie de la pêche.
"L'intérêt de cette expérience (menée sous la houlette de l'ONG Clean Sea Life) est de déterminer ce qu'il y a au fond de la mer, comprendre ce qui peut être recyclé et comment gérer ces déchets", explique Mme De Sabata.
Le but est notamment d'éviter l'entrée du plastique dans la chaîne alimentaire (via l'ingestion par les poissons), mais aussi de permettre aux pêcheurs d'être moins gênés par ces déchets qui polluent les mers... et les filets de pêche, empêchant ou diminuant la prise de poissons.
"Le problème est en mer mais la solution est et doit être à terre, il faut une solution politique, nous devons passer de l'alerte à l'action", insiste Mme De Sabata.

 


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